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À La Une - Vu d'ici et d'ailleurs

De Nairobi à Pékin, en passant par Beyrouth et Canberra, huit journalistes analysent les défis pour la planète

Le monde a franchi aujourd'hui le cap des 7 milliards d'habitants. A cette occasion, le quotidien canadien Le Devoir a demandé à sept journalistes à travers le monde de répondre, en un texte court, à la question suivante : « Depuis votre coin du globe, quel est le défi le plus important auquel l'humanité va devoir faire face dans le futur? ».

L'Orient-Le Jour faisait partie de cette aventure. Nous reproduisons ici l'ensemble des textes.

L'or bleu du Proche-Orient

 

Par Émilie Sueur (L’Orient-Le Jour, Moyen-Orient – Liban)


 

À la fin de l’été dernier, j’ai failli euthanasier les bougainvilliers qui règnent sur ma terrasse. Mes arbustes flamboyants étaient en passe de devenir un luxe que je ne pouvais plus me permettre d’arroser. À partir de septembre, mon immeuble, mon quartier, en plein cœur de Beyrouth, ne recevaient plus que quelques milliers de litres d’eau tous les deux jours. Pas suffisant pour remplir les cuves attribuées à chaque appartement, plantées sur le toit de l’immeuble. Il fallait compléter, et pour cela faire appel aux services onéreux d’un pourvoyeur d’eau de qualité et origine inconnues. Cette situation se prolongea deux mois.

 

Cette fin d’été là, les bougainvilliers me parurent comme un produit de dernière nécessité, la chasse d’eau, comme les chutes du Niagara, laver la vaisselle, comme un exercice périlleux, et un concierge que j’aperçus rinçant à grande eau son bout de trottoir (son immeuble devait disposer d’un puits artésien), comme l’ennemi à abattre.

 

L’eau, elle, m’apparut comme la plus précieuse des richesses.

 

Le Proche-Orient souffre de multiples maux. Le «stress hydrique», terme savant pour signifier un déséquilibre structurel entre capital en eau et consommation d’eau, est l’un d’eux. Ce stress a des causes naturelles, certes, mais il est aggravé par le gaspillage, la pollution, le manque de politiques efficaces de gestion de l’eau. Et la situation devrait encore empirer avec le développement économique, la croissance démographique, le réchauffement climatique.

 

Le Liban, avec ses rivières et sommets enneigés en hiver, est plutôt béni des dieux en matière de ressources hydrauliques. Mais la moitié des eaux de pluie sont perdues par ruissellement, évaporation ou infiltration, les canalisations et systèmes d’irrigation sont mal entretenus, la pollution fait des ravages.

 

Dans la région, le stress hydrique vire également au stress géopolitique. Israéliens et Palestiniens s’écharpent sur le statut de Jérusalem, sur les colonies et... sur l’eau. En mai dernier, l’ONG israélienne B’Tselem dénonçait encore l’exploitation systématique des ressources en eau de la vallée du Jourdain, en Cisjordanie occupée, au profit des colons et au détriment des Palestiniens. En 2008, la même ONG avait établi que la consommation quotidienne d’eau des Palestiniens en Cisjordanie variait entre 37 et 73 litres, contre 211 litres à 242 litres pour les Israéliens. Des exemples parmi tant d’autres.

 

Certains évoquent, après les guerres pour l’or noir, celles pour l’or bleu. À voir. Une chose est sûre toutefois, l’eau est le défi des années à venir au Proche-Orient.


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Un monde qui va se raconter dans quelle langue?

 

Par Fabien Deglise (Le Devoir, Amérique du nord - Canada)

 

 

L’humanité croît et l’hécatombe, malgré tout, se poursuit. Tous les 15 jours, une langue disparaît de la surface du globe, sous la pression des déplacements de population, des politiques linguistiques de certains états, des conflits ethniques ou encore de l’impérialisme anglo-saxon auquel se frotte depuis longtemps, par exemple, le Québec francophone et ses 8 millions d’habitants dans une Amérique du Nord qui fonctionne en anglais. Quand une langue disparaît, c'est toute une culture, voire un peuple qui se meurt.

 

Des 6000 langues qui se parlent aujourd’hui sur terre, la moitié devrait en effet cesser d’exister d’ici la fin du siècle en cours, selon les calculs effectués par l’UNESCO, avec, au-delà du constat chiffré, une question qui s’impose: dans quels mots l’humanité, qui atteint la barre symbolique des 7 milliards, va-t-elle se raconter, pour la suite des choses?

Les suprématies du présent, en mandarin, en espagnol, en anglais, en français et en arabe — les 5 langues que partagent 4 milliards de locuteurs sur Terre —, ne sont pas forcément garantes de celles de demain. Un doute? En 2033, le poids démographique du continent asiatique devrait en effet représenter plus de 53 % de la population mondiale, confirmant du coup la force ou donnant des ailes au passage à des langues comme l’hindi, le javanais, le télougou ou encore le bengali dans une vaste mosaïque culturelle de plus en plus mondialisée.

 

La tendance est encore timide, mais elle n’en demeure pas moins perceptible sous le double effet de masses humaines qui se renforcent à certains endroits et des outils de communication numériques qui leur permettent désormais d’exposer leur spécificité culturelle à la face du monde.

 

Il suffit de se promener dans un festival de films quelque part sur la planète pour prendre la pleine mesure de la mutation en cours. Oui, l’Asie produit déjà plus de longs métrages de cinéma que les États-Unis ou l’Europe et ça parait. Dans ces lieux de diffusion et de compétition, la place occupée par les créations coréennes, japonaises ou encore chinoises est de plus en plus importante. Tout comme l’engouement qu’elles suscitent un peu partout sur la planète auprès des jeunes.

 

Le cadre narratif de Bollywood — en provenance de l’Inde — est logé à la même enseigne, lui qui depuis quelques années tend à amener sa délirante bonne humeur contagieuse au-delà de ses frontières naturelles, à Paris, Toronto, Barcelone, New York, Montréal, Berlin, Buenos Aires... où déjà les mangas — ce genre littéraire d’origine japonaise — tout comme les jeux vidéos ont déjà posé depuis quelques années les bases d’une nouvelle trame culturelle mondiale en constante évolution.

 

Le tissage se joue bien sûr dans des langues prévisibles, placé désormais dans une zone d’instabilité par un poids humain en chute libre de l’Amérique du Nord et de l’Europe, contrairement au Moyen-Orient, à l’Afrique et à l’Asie où le son de l’humanité qui se raconte s’amplifie tellement qu’il risque de se faire entendre partout ailleurs, tout en faisant ombrage certainement à des langues en perdition, comme l’araki du Vuanatum, le juhur d’Israël, le karone du Sénégal, le karaim de la Lituanie, le cape khorkhoe de l’Afrique du Sud dont la disparition est annoncée.

 


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Un avenir qui reste à tracer

 

Par Véronique Kiesel (Le Soir, Europe - Belgique)

 

 

En 2100, l’Europe, avec 675 millions d’habitants, devrait avoir perdu 64 millions d’habitants par rapport à aujourd’hui, tandis que l’Afrique comptera 2,5 milliards d’habitants en plus et que l’Asie plafonnera à 4,5 milliards… La vieille Europe est-elle menacée de disparition face à la croissance de la population sur ces deux continents?

 

On n’en est pas là. Mais avec des taux de natalité qui ne permettent pas le renouvellement de la population, nos pays éprouvent quelques inquiétudes: qui va payer les pensions des futurs retraités dans quelques décennies? Notre système social, très apprécié, va-t-il s’effondrer? Heureusement, nous pouvons compter sur… l’immigration.

 

Alors que les dirigeants européens ont tendance à faire de l’Europe une forteresse, verrouillant toutes les issues pour empêcher les migrants d’y pénétrer, ce sont pourtant ces mêmes étrangers «extracommunautaires» qui, dès aujourd’hui, permettent aux taux de natalité de ne pas trop plonger. Et nous avons déjà besoin d’eux pour occuper certains emplois qualifiés, notamment dans les hôpitaux. Une tendance qui devrait aller croissante…

 

Face à un monde de plus en plus peuplé, l’Europe doit aussi s’adapter: passer à un modèle de vie moins gourmand en énergie, en nourriture, et moins polluant. Les conséquences de nos actes, ici, frappent de plein fouet les populations du Sud. Certains pays européens ont déjà bien progressé sur la voie de «l’économie verte», d’autres ont nettement plus de retard: nous devons tous nous y mettre, et les États doivent appuyer financièrement les efforts des citoyens.

 

Et si, en plus, on aidait les villages africains à s’équiper en panneaux solaires? Et si on cessait de faire, avec nos primes agricoles, de la concurrence déloyale aux paysans du Sud? Tout cela est affaire de choix politiques. À nous de faire les bons.


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À l'heure des choix

 

Par Antônio Gois (Folha de São Paulo, Amérique du Sud – Brésil)

 

 

Jusqu’au début de la dernière décennie, la crainte d’une explosion démographique dans le pays alarmait déjà les Brésiliens. Les experts savaient que la bombe avait été désarmée, notamment parce que le taux de croissance avait baissé de façon soutenue depuis des décennies. N’empêche, une grande partie de la population croyait néanmoins qu’il fallait agir de manière draconienne pour réduire le nombre moyen d’enfants par femme, en particulier chez les plus démunis.

 

Avec une moyenne de six enfants par femme en 1960, le Brésil a amorcé le nouveau millénaire avec une fécondité de 2,4. Le résultat final du recensement de 2010 n’est pas encore connu, mais les enquêtes annuelles indiquent qu’il est déjà en deçà du seuil de remplacement de la population, avec un taux oscillant probablement entre 1,8 et 1,9. L’ampleur de cette diminution a surpris les experts et l’Institut des statistiques officielles du Brésil (IBGE), les forçant à revoir leurs projections. La population commencerait désormais à décliner en 2062, et non en 2040, comme l’avaient prévu leurs calculs.

 

L’accélération de l’urbanisation, l’augmentation de la scolarité des femmes, un meilleur accès à la contraception et, à un degré moin-dre, l’influence des feuilletons télévisés — d’après ce que révèlent les tendances des grands centres urbains du pays — figurent parmi les raisons avancées par les chercheurs pour expliquer la baisse du taux de fécondité. Cette situation, qui était jadis l’apanage des femmes des milieux plus aisés dans les grands centres, s’est désormais étendue à tout le pays. Il y a dix ans, pour la première fois dans l’histoire, le nombre d’enfants par femme a chuté dans les favelas de Rio comme Rocinha, Alemão ou Maré.

 

Système de retraite menacé

La crainte de l’explosion démographique cédera alors progressivement la place à d’autres inquiétudes. Le déclin accéléré de la fécondité et l’espérance de vie accrue se mettent à constituer une menace pour le système de retraite public. Le pays doit se préparer à répondre aux exigences d’une population vieillissante dont la qualité de vie reposera sur les services publics.

 

Mais en même temps s’ouvrent de nouvelles avenues. Un plus petit nombre d’enfants permet d’augmenter les dépenses par habitant à la petite enfance. Et avant d’atteindre le niveau de vieillissement des pays riches, il y aura une forte proportion d’adultes en âge de travailler pour un nombre relativement faible d’enfants et de personnes âgées. C’est ce que certains démographes appellent «le bonus démographique», une phase dans laquelle la structure de la population est propice à une croissance économique, mais qui mettra un certain temps à prendre fin.

 

Le moment sera alors venu pour le Brésil. Les générations futures sauront alors si, dans les faits, le pays aura fait aujourd’hui les bons choix pour demain.

 

 

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Réfugiés de la mer

 

Par Ashley Gardiner (Herald Sun, Océanie – Australie)

 

 

L’État d’urgence a été proclamé dans le petit État des Tuvalu, situé dans le Pacifique, le 28 septembre: les réserves d’eau potable de l’archipel de 10 000 habitants ne tiendraient plus que cinq jours. Les forces de défense de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande ont dépêché sur place du matériel de dessalement d’eau de mer fourni par la Croix-Rouge pour éviter la pénurie. L’archipel n’a pas reçu de précipitations substantielles depuis la fin de 2010, et aucune n’est attendue avant l’an prochain.

 

Les Tuvalu sont aux prises avec les conséquences du phénomène climatique La Niña, qui a entraîné la sécheresse dans l’archipel, mais qui a causé des inondations en Australie. Ces deux manifestations extrêmes symbolisent ce que l’on craint le plus des changements climatiques.

 

Il y a eu une prise de conscience collective en ce qui concerne l’eau, ou plutôt la rareté de l’eau, en Australie, aux prises depuis la dernière décennie avec les sécheresses. Malgré sa grande superficie, l’Australie ne compte que 22 millions d’habitants, et la rareté de l’eau y est souvent citée comme un des facteurs nuisant à la croissance. Comment l’Australie peut-elle espérer voir sa population grandir de façon importante si elle n’a pas assez d’eau? La situation aux Tuvalu est-elle représentative de ce qui nous attend?

 

Lorsque la sécheresse était à son comble, plusieurs ont craint que les pluies qui sont nécessaires au maintien de la population aient disparu pour de bon. Les gouvernements ont paniqué, mus par la crainte que nos barrages allassent s’assécher. Dans l’État de Victoria, la construction d’un nouveau réservoir pour la ville de Melbourne n’était pas à l’ordre du jour, et ce, même si une rivière pouvait être exploitée en ce sens. À la place, le gouvernement d’État a dépensé plus de 5 milliards de dollars (5,25 milliards $CAN) pour la construction d’une usine de dessalement de l’eau de mer.

 

L’idée du barrage a été rejetée principalement pour des motifs de conservation de l’environnement naturel de la rivière, mais l’usine de dessalement consommera une grande quantité d’électricité, grandement générée par le charbon.

 

Puis les pluies sont revenues, les barrages se remplissent, et il est possible que nous n’ayons pas besoin de l’eau transformée par l’usine de dessalement avant plusieurs années.

 

Néanmoins, lors de la prochaine sécheresse, plus de gens vont devoir compter sur une moins grande quantité d’eau. Cela est un facteur, parmi plusieurs, dont on tient compte dans les débats sur la croissance de la population. Les craintes relatives à l’immigration constituent les plus grands défis politiques actuels au pays.

 

Le gouvernement australien, une administration minoritaire issue du Labour Party qui compte sur les députés indépendants du Parlement pour se maintenir au pouvoir, est virtuellement impuissant en la matière. La question des réfugiés de la mer demandant l’asile et la peur de l’immigration de masse sont les deux points qui préoccupent le plus les citoyens des circonscriptions des banlieues, qui décident de l’issue des élections au pays.

 

Les changements climatiques constituent aussi un défi moral, économique et social de taille. Mais plusieurs rechignent à s’y attaquer. Pendant que le reste du monde voit l’Australie comme un pays détendu et insouciant, c’est la peur — réelle ou imaginaire — qui guidera les décisions importantes qui seront prises.

 

 

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Le danger de la démesure

 

Par Shan Juan (China Daily, Asie – Chine)

 

 

Le sept milliardième habitant serait probablement né il y a cinq ans, n’eût été la politique de planification des naissances de la Chine. En limitant à un le nombre d’enfants que la plupart des couples sur le continent peuvent mettre au monde, la Commission de la population nationale et de la planification familiale avance qu’environ 400 millions de naissances ont été évitées depuis 1979.

 

«Les naissances évitées en Chine sont importantes pour la conservation des ressources naturelles et de l’environnement à l’échelle mondiale également, dit le professeur Yuan Xin, de l’Institut de la population et du développement de l’Université Nankai. Mais cet impact positif pourrait être annulé si les Chinois se mettaient à consommer démesurément comme le font les Occidentaux, à cause de leur grand nombre.»

Les données officielles montrent que la consommation par personne en Chine est inférieure de 20 % à celle des États-Unis. Si les niveaux de consommation étaient égaux, les besoins en électricité de la Chine seraient quatre fois supérieurs à ceux des États-Unis.

 

Selon M. Yuan, le gouvernement chinois a anticipé le potentiel de surconsommation et a adopté des politiques visant à encourager l’économie et les modes de vie «verts»: il a éliminé les industries hautement énergivores et polluantes; a découragé l’achat de voitures par différentes mesures; a encouragé le tri des déchets, ainsi que la conservation de l’eau et l’économie d’électricité et a banni la distribution gratuite de sacs de plastique.

 

À mesure que notre population augmente, les défis auxquels l’humanité doit faire face augmentent également, dit Safiye Cagar du Fonds des Nations unies pour les populations. «Comment faire pour nous assurer que chacun d’entre nous ait un niveau de vie standard décent tout en conservant les ressources naturelles?»

 

Main-d’œuvre

Le tiers des pays, majoritairement les pays développés, ont un taux de naissances inférieur à 2,1. Il s’agit du nombre moyen d’enfants qu’une femme aura pendant sa vie, et c’est le nombre minimal pour assurer le renouvellement de la population. «La plupart des pays développés, qui ont habituellement de bas taux de fertilité, prédisent une baisse et le vieillissement de leur population, tandis que les pays en développement verront au contraire leur population augmenter de façon stable, et rajeunir», avance M. Yuan.

 

Si la population mondiale est censée atteindre les 9,3 milliards en 2050, seulement 3 % de cette croissance viendra des pays développés. En Chine, la population doit atteindre 1,45 milliard en 2030, ce qui représente le sixième de la population mondiale, selon les statistiques officielles. Il s’agit d’une baisse importante par rapport au tiers de la population mondiale que représentaient les Chinois à la fin des années 1660 et au début des années 1700. La problématique mondiale du vieillissement de la population touche également la Chine, et fait augmenter la pression sur les caisses de retraite et le système de santé. La population chinoise connaîtra des changements radicaux, surtout en ce qui concerne son vieillissement et l’équilibre entre les sexes.

 

En 2050, on estime que 25 % de la population âgée viendra de la Chine, comparativement à 20 % actuellement. La population active — les gens âgés de 15 à 59 ans — dégringolera de 940 millions actuellement à 750 millions, tandis que les personnes âgées verront leur nombre augmenter de 178 millions à 480 millions, soit de 13,3 % de la population totale à 34 %.

 

Malgré ce changement, la pression dans le marché du travail devrait demeurer forte. «Nous aurons un large bassin de main-d’œuvre pendant encore longtemps, il sera juste un peu plus âgé», ajoute M. Yuan.

 

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Le savoir comme remède aux ravages

 

Par Charles Onyango-Obbo (Daily Nation, Afrique – Kenya)

 

 

La population mondiale franchit la barre des sept milliards, l’Afrique a récemment passé celle du milliard. Ici, la question qui nous vient à l’esprit est certainement: comment allons-nous nourrir tout ce monde? Dans mon Ouganda natal, le National Environmental Authority estime qu’au rythme actuel de la déforestation, le pays va devoir importer son bois de chauffage d’ici 2020 (80 % des Ougandais dépendent du bois comme carburant principal).

 

Conséquence: dans les années à venir, si la nourriture va devoir toujours être trouvée, dans plusieurs pays africains où l’environnement a été mis à mal, la difficulté pourrait aussi être de trouver l’énergie nécessaire pour la faire cuire. La crise environnementale est cruciale. Presque tous les autres problèmes comme la corruption, les fraudes électorales, la guerre, la famine, les maladies, les outrages faits aux femmes dans plusieurs sociétés africaines, la croissance des bidonvilles et le coût élevé de la vie dans les villes sont reliés à cette question.

 

Nous connaissons les chiffres. L’ONU prévoit que d’ici dix ans à peine, la terre va porter près de 50 millions de réfugiés environnementaux. Les lacs, comme le lac Tchad, s’assèchent. Plusieurs villes d’Afrique n’offrent pas d’eau dans leur robinet en moyenne trois jours par semaine. Et la situation est pire dans les campagnes, où le manque d’infrastructures de base engendre des maladies qui tuent 600 000 enfants et entraîne, en Afrique subsaharienne, la perte de 1,7 million de jours d’école par an.

 

Et il y a plus. Je me souviens d’un reportage au bord du Nil, un endroit riche en poissons, où je suis allé visiter un futur barrage et témoigner des changements radicaux que cela allait entraîner dans les communautés locales. Près du réservoir, j’ai vu un enfant avec le ventre gonflé, probablement en raison de malnutrition. J’ai demandé au père, un pêcheur, ce que se passait et il m’a répondu que son fils était possédé par un mauvais esprit. Quand on lui a dit que c’était peut-être parce que son enfant ne mangeait pas assez et qu’il gagnerait à manger le poisson que son père pêchait, l’homme nous a rétorqué qu’il ne pouvait pas faire ça. Les poissons qu’il sortait de l’eau, il devait les vendre pour acheter des choses, comme des médicaments pour sa famille. Il était trop pauvre pour se permettre de manger le poisson qu’il attrapait.

 

Au bord du Nil, on comprend que l’enjeu auquel fait face l’Afrique et sa population grandissante est finalement très prosaïque: c’est le savoir et l’éducation. L’Afrique peut importer la connaissance, oui, mais il y a une chose qu’elle ne peut pas importer, c’est la créativité et la capacité à faire de grandes choses avec.

 

 

 

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Un bien convoité

 

Par Stephen Henderson (Detroit Free Press, Amérique du Nord – États-Unis)

 

 

La probabilité que le sept milliardième habitant de la Terre naisse dans une région où il n’y a pas d’accès à de l’eau potable est de 1 sur 6.

 

Cela augmente grandement les risques que cette personne contracte la dysenterie ou une autre maladie liée à l’eau. Elle court aussi un risque élevé de ne pas atteindre l’âge adulte puisque ces maladies fauchent la vie de plus de 3900 enfants dans le monde tous les jours.

 

En ce jour charnière, qui arrive seulement 11 ans après que la Terre eut passé le cap des six milliards d’habitants, nos plus grands défis à l’échelle mondiale sont de trouver des façons de donner à plus de gens accès aux ressources les plus précieuses de la planète.

 

Sans eau, il n’y a pas de vie. Cette réalité façonne de plus en plus nos vies au quotidien. Ici, à Detroit, nous sommes situés au pied des Grands Lacs, la plus grande source d’eau douce au monde.

 

L’accès à l’eau n’est pas une préoccupation pour nous. Mais la conservation doit l’être, parce que la meilleure façon d’accroître les réserves d’eau est de préserver celle-ci. Les progrès technologiques devraient également faire augmenter la récupération de l’eau et faire diminuer les coûts du dessalement de l’eau de mer.

 

Mais ces nouvelles technologies seront-elles réservées à ceux qui peuvent se les offrir? Ou devrait-on impérativement s’assurer qu’elles sont partagées avec les régions qui en ont le plus désespérément besoin?

 

L’eau est aussi une source potentielle de conflits régionaux et mondiaux, comme s’il n’en existait pas assez actuellement. Plus de 250 bassins de rivière chevauchent les frontières internationales, faisant des pénuries d’eau une cause d’offensive.

 

Le Conseil mondial de l’eau, un groupe de réflexion international ayant des membres aussi différents que des sociétés privées, des établissements d’enseignement et des institutions financières, a comme objectif de donner accès à l’eau potable à la moitié de la population qui n’en a pas d’ici 2015.

 

C’est un objectif ambitieux. Mais c’est un début pour une planète où l’eau et l’accès à l’eau sont en train de devenir l’or et le pétrole du XXIe siècle.

L'or bleu du Proche-Orient
 
Par Émilie Sueur (L’Orient-Le Jour, Moyen-Orient – Liban)


 
À la fin de l’été dernier, j’ai failli euthanasier les bougainvilliers qui règnent sur ma terrasse. Mes arbustes flamboyants étaient en passe de devenir un luxe que je ne pouvais plus me permettre d’arroser. À partir de septembre, mon immeuble, mon quartier, en plein cœur de Beyrouth, ne...
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