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À La Une - Le billet

Jobs, l’homme qui aura su rendre le capitalisme sexy

À en juger par la réaction de la blogosphère et du monde autour, nous avons perdu sinon un prophète, du moins le quasi-équivalent d’un Beatles. Plus John Lennon que George Harrisson d’ailleurs sur l’échelle du deuil collectif.
Sitôt la mort de Steve Jobs annoncée, des autels ont été improvisés, devant lesquels des fans/fidèles ont pu verser une larme avant de consciencieusement les photographier avec leur iPhone. L’étape autel ne fut néanmoins que de très courte durée, comme un réflexe antédiluvien encore inscrit dans un gène, quelque part. Rapidement, la mutation a repris le dessus, et c’est sur Twitter et Facebook que cette communauté orpheline s’est retrouvée pour faire son #deuil en 140 caractères maximum.


Après les tweets et les posts, il y eut encore la statue Steve Jobs, que des sociétés spécialisées en hautes technologies veulent planter dans un parc de Budapest, et le « jour Steve Jobs », qu’un gouverneur californien en mal d’idée intelligente a instauré.


Steve Jobs était un visionnaire. Certes. Steve Jobs a révolutionné l’informatique. Certes aussi. Il lui a donné un visage humain. Certes encore. Il a démocratisé l’accès à la technologie. Ça se discute. Parce que la démocratisation à 700 dollars le téléphone... Mais bon, ne pinaillons pas.


Steve Jobs est l’homme qui a donné de l’espace aux créatifs et sa place à l’esthétisme. Et pour ça, nous le remercions sincèrement, nous qui n’avons jamais ressenti la moindre once de dégoût en regardant notre MacBook blanc affublé de sa pomme.


Steve Jobs était l’homme doté de toutes ces qualités. Steve Jobs était aussi le grand patron d’une mégacompagnie, un génie du marketing. L’homme qui a compris que pour réussir, il fallait d’abord flatter l’ego avant de promouvoir l’engin. D’où une stratégie d’individualisation, de personnification, appuyée sur des appellations en mode « i » quelque chose, donc « je » quelque chose.


Steve Jobs était l’homme des superlatifs, capable de susciter des comptes à rebours avant ces grand-messes au cours desquelles le iMessie révélait à ses fidèles en transes un « produit vraiment magique et révolutionnaire ». L’iPad, « la meilleure expérience que vous puissiez jamais faire ». Il fallait oser.


Steve Jobs était l’homme de la multiplication des gadgets indispensables, l’homme de la révolution permanente, du renouvellement incessant des produits « magiques » : cinq versions d’iPhone en 4 ans.


Jobs était le patron d’une boîte qui avait décollé, en 1984, avec une publicité fracassant le cauchemar de George Orwell. Jobs était aussi l’homme qui, 27 ans plus tard, vendait un téléphone dont il omettait d’indiquer clairement qu’il discute géolocalisation, la nuit, avec les serveurs d’Apple. Rien de bien méchant, mais tout de même limite.


Jobs était aussi le patron d’une entreprise qui, en Chine, arrive à la dernière place du classement, réalisé par des ONG locales, des sociétés affichant la plus grande transparence quant au respect de l’environnement ou du droit du travail.
Que Steve Jobs soit aussi tout cela n’enlève rien à son génie, mais le remet en contexte. Que Steve Jobs soit aussi tout cela n’est pas choquant non plus. Jobs a fait ce qu’il fallait pour porter Apple là où il est.


Non, c’est ailleurs que réside le mystère « Steve ». Ou plutôt le mystère du monde et Steve. Ce mystère tient au fait qu’au moment même où ce monde commence à sérieusement exprimer son ras-le-bol du capitalisme outrancier, au moment où les indignés, les indignados et autres indignese se mettent à occuper le cœur de Londres, New York, Francfort, villes symboles de la finance mondiale, de Rome ou de Madrid, au moment où la « corruption » du système financier mondial et la société d’hyperconsommation sont critiquées à tout va, Steve Jobs, iProphète et grand patron, a droit à des autels.


Là réside peut-être le vrai grand génie de feu Steve.

À en juger par la réaction de la blogosphère et du monde autour, nous avons perdu sinon un prophète, du moins le quasi-équivalent d’un Beatles. Plus John Lennon que George Harrisson d’ailleurs sur l’échelle du deuil collectif.Sitôt la mort de Steve Jobs annoncée, des autels ont été improvisés, devant lesquels des fans/fidèles ont pu verser une larme avant de consciencieusement...
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