Que des islamistes ou autres Frères musulmans et salafistes s’évertuent à se faire une place au soleil des après-dictatures nul ne songerait à le contester, qu’ils soient passés maîtres dans l’art de la subversion ou de la provocation, personne ne s’aventurerait à le renier. Mais que certains puissent prendre prétexte de ces dérives pour légitimer les tyrannies, justifier les abus, les massacres commis par les despotes, c’est franchir un pas inadmissible, c’est commettre des erreurs historiques qui ne peuvent être que le fait de groupes sociaux terrorisés par la peur ou d’imposteurs complices au crime.
Les mouvances islamistes ont toujours existé, elles ont été soit férocement combattues, soit lourdement manipulées au gré des humeurs changeantes de dictateurs obsédés par la survie de leurs régimes. Qu’à l’aune du printemps arabe, ces mouvances tentent de se mettre en avant après des décennies de musellement, il n’y a là rien de surprenant, c’est pourrait-on dire la conséquence inévitable du jeu démocratique.
Mais dans le climat de liberté d’opinion retrouvée, dans le débat instauré à tous les niveaux, un tri va naturellement s’imposer, des changements vont inévitablement se produire séparant le bon grain de l’ivraie. Inenvisageable, en effet, pour les Indignés arabes, qu’aux dictatures de Moubarak et de Ben Ali succèdent des autocraties islamistes, inenvisageable qu’à la tyrannie de Bachar el-Assad succède un régime intégriste tout aussi tyrannique. La pluralité des révoltes, la diversité du mouvement de libération sont de nature à bloquer toute dérive unilatérale, toute tentation d’exclusivité.
Progressivement, d’ailleurs, les Frères musulmans prennent leurs distances avec les salafistes, d’une mouvance à la réputation exécrable. Graduellement, les « Ikhwan » se positionnent au centre des mouvements de libération s’évertuant à rassurer aussi bien sur leurs intentions futures que sur leur attitude à l’égard des autres acteurs de l’intifada, qu’ils soient musulmans, chrétiens ou laïcs.
Fréquentables désormais les Frères musulmans ? Telle est, assurément, l’image qu’ils essayent de véhiculer, celle, disent-ils, qui servira de rempart face aux extrémistes, salafistes ou autres fous de Dieu. C’est en tout cas à cette seule condition, et ils s’en rendent parfaitement compte, qu’ils auront leur place dans les gouvernances à venir, celles qui succèderont aux dictatures balayées ou en voie de l’être.
De la Tunisie à l’Égypte, de la Libye à la Syrie, en arrière-plan de la mise en place des pouvoirs de demain, c’est précisément la question de l’islamisme qui se pose avec acuité, celle qui déterminera la configuration des après-dictatures. Les chrétiens ont-ils raison de s’en inquiéter, de se poser des questions chaque jour un peu plus obsédantes ? C’est en Égypte et en Syrie que le problème se décline dans toute sa complexité, à la différence près, très importante, que les coptes ont pris part à la révolution contre Moubarak et peuvent donc taper du poing pour réclamer leurs droits alors qu’en Syrie les chrétiens, dans leur grande majorité, ont préféré, contraints ou convaincus, rester sous la férule d’un régime en inévitable partance.
Une double interrogation pour finir : qu’attendent les plus hautes instances du clergé musulman pour dénoncer le salafisme, une mouvance encore plus dangereuse pour l’islam que pour la chrétienté, et comment expliquer que certaines de ses filières remontent à l’Arabie saoudite sans que personne ne semble s’en offusquer ?
Vous avez dit « realpolitik » ?
M. Aoun....pourquoi dites vous clergé musulman quand vous pensez clergé sunnite?
11 h 43, le 17 octobre 2011