Marine Alsop dirigeant un groupe de « Rusty ».
Amateurs, à vos instruments! À cet appel répondent les amoureux de la musique classique qui n’ont pas pu accéder à leur rêve de faire carrière dans ce domaine, mais qui n’ont pas arrêté de jouer tout en pratiquant d’autres métiers. Ce sont eux que l’on appelle les «Rusty Musicians» car, tout en travaillant chacun de son côté comme des pros, ils n’ont pas eu la possibilité de se produire en public. Cette occasion vient de leur être donnée par Marine Alsop, chef d’orchestre au féminin, au pupitre du Baltimore Symphony Orchestra (BSO) et désireuse de faire bouger le monde de la musique classique. Elle les a donc présentés en «guest stars», lors d’un concert donné au Strathmore Center. Elle avait commencé par inviter toute personne, âgée de 25 ans et plus, qui joue un quelconque instrument et qui sait lire la musique, à se produire avec le BSO. Une chance rare qu’avait donnée auparavent l’Orchestre de Pittsburgh. Beaucoup étaient sceptiques quant à l’initiative de Marine Alsop jusqu’au moment où les réponses ont commencé à affluer: en 24 heures, 400 personnes (des étudiants, aussi bien que des carriéristes de divers horizons et des retraités) avaient répondu à cet appel. Après avoir passé un test, ces musiciens amateurs ont montré de grandes qualités professionnelles, pour la simple raison que la plupart s’étaient sérieusement engagés dans la voie musicale avant de décider de se lancer dans des domaines plus lucratifs. Seconde étape: leur intégration dans l’orchestre. Épreuve passée avec succès après des répétitions. Et, pour que chacun des nouveaux venus puisse expérimenter les feux de la rampe, sans pour autant mettre en bémol les membres de l’orchestre, Marine Alsop a prévu un
format spécial.
Artistes d’un soir
Lors du concert qui leur était réservé, le Baltimore Symphony Orchestra, tel qu’en lui-même, a interprété à quatre reprises deux partitions (la finale de la Quatrième symphonie de Tchaïkovski et un Nimrod d’Elgar), chaque fois avec un groupe différent de «Rusty Musicians». Donnant équitablement la part belle à ces artistes d’un soir, par ailleurs très motivés. Le but poursuivi n’est pas uniquement la promotion de l’art musical et son élargissement à un plus grand public. «Il accompagne, dit Marine Alsop, un changement social qui va rapidement dans le sens de la participation à tous les échelons. Les gens ne se contentent plus de s’asseoir et d’observer.» Ils veulent être impliqués, comme le démontrent les chorales et les formations musicales amateurs qui poussent partout comme des champignons et qui prennent très au sérieux cet engagement mené en parallèle de leur vie quotidienne.
Le BSO va faire encore plus. Il va organiser, en juin prochain, une académie orchestrale pour adultes. Pour la somme de 1 650 dollars (destinés à alimenter la caisse du BSO), les participants pourront suivre durant une semaine des cours intensifs de musique, assister à des conférences et se produire avec l’orchestre. Dans les temps passés, la notion d’initiation à la musique occultait la participation. On fait remarquer l’importance de celle-ci en se référant à l’époque précédant l’enregistrement de la musique, où l’on se ruait sur les partitions de son choix pour pouvoir les jouer à domicile. Ces «Rusty Musicians», qui se sont révélés si bien huilés, se trouvent plus avantagés que les mélomanes «car, vous diront-ils, il n’y a rien de tel que de se trouver au milieu d’un orchestre en train de jouer».