L'affaire du réajustement des salaires continue d'entretenir la polémique. Alors que la décision prise mardi par le Conseil des ministres d’augmenter le salaire minimum (de 500.000 LL à 700.000 LL) ainsi que les salaires inférieurs à 1.000.000 de livres libanaises de 200.000 LL, et les salaires entre 1.000.000 LL et 1.800.000 L.L. de 300.000 L.L., continue de faire des vagues, une nouvelle réunion a eu lieu aujourd'hui, entre le chef du syndicat des travailleurs (CGTL) Ghassan Ghosn et le Premier ministre Nagib Mikati.
A l'issue de cette réunion, M. Ghosn a déclaré que le syndicat a refusé la hausse des salaires telle que proposée par le Conseil des ministres dès l’annonce de la décision. Selon lui, le gouvernement n'a accordé que la moitié des demandes du syndicat.
Un peu plus tard, la radio Voix du Liban rapportait, selon des sources présentes au Grand Sérail lors de la réunion entre M. Mikati et M. Ghosn, que le Premier ministre aurait accepté d’augmenter tous les salaires supérieurs à 1.000.000 L.L. de 300 000 L.L. Ce changement ne nécessiterait pas l'approbation du Conseil des ministres et devrait être inclus dans le décret-loi en voie de préparation.
Ghassan Ghosn a également critiqué le rejet de l'accord par les organismes économiques. "Personne n’est au-dessus des lois ou des travailleurs, a-t-il déclaré. La hausse des salaires doit toucher les secteurs public et privé".
Au cours d’une réunion extraordinaire tenue hier sous la présidence de l’ancien ministre Adnane Kassar au siège de la Chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture de Beyrouth et du Mont-Liban, les dirigeants des organismes économiques – dont notamment le président de l’Association des industriels, Nehmat Frem, et le président de l’Association des commerçants de Beyrouth, Nicolas Chammas – ont annoncé sans détour qu’ils rejetaient en bloc les réajustements annoncés par le Premier ministre et qu’ils demandaient aux entreprises privées de ne pas les appliquer. Dans un communiqué publié au terme de leur réunion, les représentants du patronat ont souligné que la décision du gouvernement ne prend nullement en considération "les appréhensions des organismes économiques".
Le communiqué affirme en outre que le réajustement annoncé par le gouvernement viole les articles 44 et 45 du code de travail ainsi que les conventions internationales qui stipulent que l’État ne peut décider d’un réajustement qu’au niveau du salaire minimum.
Les organismes économiques sont déterminés sur ce plan à recourir au Conseil d’État afin de bloquer la décision du gouvernement. A ce sujet, le ministre libanais des Finances, Mohammad Safadi, a déclaré aujourd’hui que le cabinet était intervenu "plus qu’il ne l’aurait dû", en ce qui concerne le réajustement des salaires. "En tant qu’État, nous ne devrions pas intervenir au-delà de la fixation du salaire minimum. Nous sommes intervenus plus que nous ne l’aurions dû, mais ceci était demandé par toutes les parties", a-t-il affirmé à la Voix du Liban (100.5). Le ministre des Finances a ajouté que la décision du gouvernement n’exclut pas une hausse des salaires supérieurs à 1.800.000 L.L. dans le secteur privé, mais que cette hausse devrait être le fruit d’un accord entre les employeurs et leurs salariés.
Le patronat n'est pas le seul a avoir rejeté l'accord sur le réajustement des salaires, puisque certains syndicats ont également proclamé leur opposition. Ainsi, le syndicat des enseignants a appelé à une grève mercredi prochain.
L'accord a été critiqué jusqu'au sein du gouvernement. Les ministres représentant le Courant patriotique libre (CPL, aouniste) ont aussi contesté les termes du compromis en question. Le ministre du Travail, Charbel Nahas, a ainsi réitéré son opposition "aux résultats des négociations car ils ne sont pas dans l’intérêt public, notamment à cause des grands problèmes techniques au niveau des calculs et de l’absence de hausse de salaire pour les salariés qui gagnent plus de 1.800.000 L.L. par mois". Lors d’une intervention sur la télévision du Hezbollah, al-Manar, M. Nahas a expliqué que son bloc veut "réformer la situation économique du Liban qui (…) n’encourage pas actuellement la productivité et la croissance". Les ministres du bloc du changement et de la réforme "continueront à défendre l’intérêt des Libanais", a-t-il ajouté.
M. Nahas a également déclaré que le gouvernement lui a demandé de préparer un décret-loi pour augmenter les salaires. Il a assuré qu’il allait le faire et le remettre au gouvernement, malgré l’opposition de son bloc à la décision du gouvernement.