Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Conférence

Les enjeux stratégiques du « printemps des peuples arabes » à l’ESA

Les sociétés « s’émancipent du moule patriarcal ».

À l’occasion de son 15e anniversaire, l’École supérieure des affaires (ESA) a accueilli pour une conférence Yves Aubin de la Messuzière. Président de la Mission laïque française, ancien ambassadeur de France dans plusieurs capitales, notamment Bagdad et Tunis, chercheur, expert du Proche-Orient, il s’est penché sur le thème du printemps des peuples arabes et ses enjeux stratégiques.
L’appellation de « printemps arabe » ne suscite pas le même enthousiasme chez tous. Si le politologue Bertrand Badie le nomme « hiver arabe », de par la profonde déstabilisation des pays touchés par les révoltes, M. de la Messuzière préfère tempérer en « printemps des peuples arabes ». En effet, il tient à marquer le caractère populaire des révoltes, tout en relevant « le caractère très diversifié de ces soulèvements ».
Selon lui, le phénomène de « contagion » des soulèvements populaires arabes a eu lieu et a été grandement facilité par des « ressorts communs », notamment « la montée en puissance des classes ouvrières et des jeunes générations frustrées faces à des systèmes autocrates, gérontocratiques, et de républiques qui se sont développées pour prendre un caractère monarchique ». Ce n’est pas un hasard si ces soulèvements ont commencé en Tunisie, pays qui connaît le plus fort taux d’éducation dans le monde arabe, mais également un pourcentage de chômage particulièrement élevé. C’est un mal-être social, économique, politique, qui apparaît comme l’une des causes premières de la révolte tunisienne et dans lequel d’autres peuples se sont retrouvés. Yves Aubin de la Messuzière rappelle que le système tunisien est basé sur une formule clanique, familiale de cartels qui possèdent les industries les plus rentables. La corruption et le clivage social y sont donc omniprésents, dans un contexte de crise économique à l’échelle mondiale.
Plus encore, il ne faut surtout pas oublier les réseaux sociaux, notamment Facebook et Twitter, qui ont contribué « de manière phénoménale à la propagation des appels au soulèvement, ainsi qu’au partage d’expériences vécues dans la rue même, comme certains blogueurs devenus depuis célèbres l’ont fait ». La langue arabe a été éminemment utilisée, d’autant que certains médias comme al-Jazira ou al-Arabiyya ont notoirement pris le parti des contestataires et continuent de le faire.

Leçons à tirer
Toujours selon Yves Aubin de la Messuzière, il y a « bien évidemment des leçons à tirer de ces événements qui ont fortement marqué l’année. Le monde avait déjà connu la chute du mur de Berlin, le démantèlement de l’URSS, et n’oublions pas le soulèvement populaire iranien de 2009 ». Il n’y avait donc pas de raisons qu’il n’en soit pas de même pour des dictatures présentes depuis des décennies. « Il n’y a pas d’exception arabe, affirme-t-il. Finis les régimes despotiques, les monarchies, le règne des zaïms et des leaders charismatiques. Les sociétés arabes s’émancipent du moule patriarcal. »
En outre, et contrairement aux attentes, aucun slogan anti-israélien ou extrémiste religieux n’a été relevé lors des manifestations. Seuls les drapeaux du pays concerné et des slogans prodémocratie ont été utilisés, relevant encore plus le « caractère nationaliste et éthique, surtout, des manifestations, réclamant dignité, démocratie, égalité », souligne-t-il.
Aussi, « un nouveau Proche-Orient se dessine ». Certains pays sont à reconstruire, comme la Libye, d’autres à corriger, dans la rupture totale comme dans la continuité. Ces transitions ne sont évidemment pas sans risques. Cette reconstruction géopolitique, ce « projet méditerranéen qui devra se focaliser sur la jeunesse et donc les acteurs de la révolution », comme il l’appelle, prendront du temps. Les relations de ces pays, l’Égypte notamment, avec d’autres acteurs régionaux majeurs, comme Israël ou encore la Turquie, ont changé et continueront d’évoluer, en espérant, a-t-il conclu, que « certaines lignes rouges comme les accords de paix de 1967 ne seront pas dépassées ».
À l’occasion de son 15e anniversaire, l’École supérieure des affaires (ESA) a accueilli pour une conférence Yves Aubin de la Messuzière. Président de la Mission laïque française, ancien ambassadeur de France dans plusieurs capitales, notamment Bagdad et Tunis, chercheur, expert du Proche-Orient, il s’est penché sur le thème du printemps des peuples arabes et ses enjeux...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut