« C’est un vieux rêve de physicien de mesurer l’action de la gravitation sur l’antimatière », résume Gabriel Chardin, du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et de l’université Paris-Sud). Avec la découverte, en 1998, d’une accélération de la vitesse d’expansion de l’univers, récompensée la semaine dernière par le prix Nobel de physique, l’idée d’une « pression négative » ou sorte de gravité répulsive a gagné du terrain. Si l’antimatière réagissait différemment de la matière à la gravitation « ce serait une révolution » pour la physique, souligne Patrice Pérez (Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers – IRFU/CEA).
Matière « miroir » de celle que nous connaissons, l’antimatière reste difficile à observer car tout atome d’antimatière s’annihile au contact de la matière, en produisant une énorme quantité d’énergie. Un atome d’hydrogène est formé d’un proton ayant une charge électrique positive et d’un électron négatif. Un atome d’antihydrogène est constitué d’un proton négatif (antiproton) et d’un électron positif (positron).
De premiers atomes d’antihydrogène, produits en 1995 au Centre européen de recherches nucléaires (CERN) à Genève, s’étaient annihilés quasi instantanément au contact de la matière. D’importants progrès ont été accomplis : des atomes d’antihydrogène ont été piégés pendant plus de 16 minutes au CERN, selon les résultats, publiés en juin dernier, d’une nouvelle expérience qui devrait faciliter l’étude de l’antimatière. Les physiciens réussissent plus facilement à contrôler, grâce à des champs magnétiques, un antiproton, particule porteuse d’une charge électrique, qu’un atome neutre d’antimatière.
D’où l’idée de recourir à des ions positifs d’antihydrogène (un antiproton négatif associé à deux positrons), relève Patrice Pérez, qui participe au projet international GBAR (Gravitational Behaviour of Antihydrogen at Rest – Comportement gravitationnel de l’antihydrogène au repos).
Ces ions, refroidis à 10 microkelvins (10 millionièmes de degré au-dessus du zéro absolu : -273,15 °C) pour réduire leur agitation, seraient dépouillés au dernier moment, grâce à un faisceau laser, de leur positron surnuméraire.
Il s’agit ensuite de mesurer la « vitesse de chute » des atomes d’antihydrogène ainsi créés, précise Patrice Pérez qui espère que cette expérience pourra être réalisée au CERN d’ici à 2016. Il serait alors possible de savoir si l’antimatière subit la même accélération due à la pesanteur que la matière. L’instant où les positrons en trop sont arrachés donnerait, selon M. Pérez, le « top départ » de la chute verticale, et leur désintégration au contact de la matière « le temps d’arrivée ».
(Source : AFP)