Rechercher
Rechercher

Liban - Le commentaire

C’est pour le Liban que ses fils chrétiens ont peur...

Il est inexact de prétendre que les chrétiens de chez nous ont peur pour leur destinée, à cause des orages qui secouent la région. En réalité, s’ils ont peur, c’est de voir le Liban, leur mère patrie, le refuge qu’ils voudraient transmettre aux générations à venir aller vers sa perdition. Car le poison de la déliquescence est plus mortel que la guerre civile... Si l’entité disparaît, la communauté suit. C’est pourquoi, dès l’origine, les vrais patriotes ont lutté pour la liberté et l’indépendance. Pour le Liban d’abord, et avant tout.
Tout bon professionnel de la politique est un peu historien sur les bords. Un vétéran raconte ainsi que le flux de l’émigration a touché les chrétiens du Levant du temps de la moutassarifiya à cause de la famine et non pas de la sécurité, qui était sévèrement assurée par les claque-talon ottomans.
Dans ces conditions, quand il fut décidé d’agrandir ce qu’on appelait Liban, le mobile principal n’était pas d’ordre politique ou démographique, mais de nature économique, et même de subsistance. L’opération s’est effectuée sans prendre en compte les objections des communautaristes qui déclaraient que le rôle des chrétiens s’amenuise forcément dans un pays élargi, et se gonfle dans un petit Liban.
En 1943, une large frange de chrétiens, cornaquée par le BN du président Émile Eddé, sans être contre l’indépendance estimaient qu’il lui fallait protection, via un traité avec la France.
Il y a eu conflit intérieur. Mais, comprenant les craintes de leurs compatriotes, les dirigeants musulmans, le président Riad Solh en tête, sont convenus de les rassurer en leur cédant des prérogatives essentielles au sein de l’État. Ils leur ont laissé une présidence de la République d’une puissance régalienne : pouvoir de former le gouvernement, et de choisir parmi ses membres un Premier ministre, et non un président du Conseil, une sorte de primus inter pares. Pouvoir de limoger un ministre, ou tout le cabinet. Pouvoir de dissoudre le Parlement, etc.
En sus, les chrétiens se voyaient accorder, dans le système de copartage des postes-clés de la machine étatique, les rouages les plus importants, tant au niveau sécuritaire que sur le plan judiciaire, dans l’administratif ou la diplomatie.
Lors des événements de 1958, les chrétiens ne se sont pas dressés contre le partenaire musulman en tant que tel. Mais contre le nassérisme rampant. Ils ne voulaient pas que leur Liban se trouvât englouti comme l’était encore la Syrie voisine.

La guerre
Même réflexe à la fin des années 60 vis-à-vis de l’irruption des Palestiniens armés, chassés de nouveau par les Israéliens puis par Hussein de Jordanie et qui se rabattaient sur le Arkoub, baptisé Fatehland. D’où ils allaient grignoter de larges pans du pays, faisant de Beyrouth-Ouest leur capitale. Les chrétiens ont eu sérieusement peur que l’on n’ait décidé de prendre le Liban à ses enfants, pour le donner comme solution de rechange à Arafat. Ils ont pris les armes, se sont battus pendant 15 ans pour défendre leur pays.
Une fois établie, la tutelle syrienne a imposé une mascarade dite démocratique, élective dans la forme, mais bien plus proche en réalité du système de parti unique despote régnant à Damas. Car le gauleiter syrien installé à Anjar désignait pratiquement ministres et majorité parlementaire. Les urnes, encore en usage, ne filtraient qu’un nombre restreint de vrais représentants du peuple. Il y avait la fameuse troïka, Baabda, Sérail ou place de l’Étoile. Et quand des différends y apparaissaient, c’était le voyage, en commun ou séparément, à Damas, pour arbitrage...
Finalement, les excès étaient tels qu’au bout de quelque temps, la composante musulmane du pays a commencé à rejoindre les protestataires chrétiens. D’où l’assassinat du président Rafic Hariri, qui a eu un effet boomerang. Car ce crime a suscité la révolution du Cèdre, mené de concert par des chrétiens et par des musulmans, qui a débouché sur le retrait des troupes d’occupation syriennes.
Les Libanais restent divisés sur l’armement du Hezbollah, monté au départ, avec l’aide de la Syrie et de l’Iran, pour libérer le Sud occupé par Israël. Un but atteint en 2000, à l’exception de l’enclave de Chebaa, dont la libanité n’a pas encore été homologuée. Et qui est soumise à la résolution de l’ONU numéro 242 (Golan), non à la 425 (Liban-Sud et Békaa). Mais le départ des Israéliens, et la disparition de leur annexe dite du Liban libre dirigée par Saad Haddad puis par Antoine Lahd, n’a pas suffi pour que le Hezbollah désarme. Il garde son arsenal, dit-il, jusqu’à ce que tout menace israélienne soit effacée. Et cela, en violation de la 1701. Le problème, c’est que, comme on l’a vu d’abord le 7 mai puis diverses fois ensuite, un peu partout, cet armement dit résistant s’est tourné vers l’intérieur. Pour défendre les intérêts d’un Hezbollah qui, après le retrait du parrain syrien, a dû prendre le relais. En s’impliquant directement dans la politique locale, participer aux législatives, aux municipales et au gouvernement.
Sa ligne, qui va dans le sens de l’axe syro-iranien, entrave, selon les souverainistes chrétiens ou sunnites du 14 Mars, l’émergence d’un État de droit libanais souverain, libre, indépendant, maître du territoire de son intégralité et du droit de la violence légitime, et du monopole des armes.
Si les chrétiens sont encore tentés d’émigrer, c’est principalement pour des raisons économiques. Mais aussi, quelque part, parce qu’ils craignent de ne plus pouvoir vivre, en toute dignité, dans un climat de liberté, de démocratie et de coexistence bien comprise. Car une épée de Damoclès se balance au-dessus de leurs têtes...
Il est inexact de prétendre que les chrétiens de chez nous ont peur pour leur destinée, à cause des orages qui secouent la région. En réalité, s’ils ont peur, c’est de voir le Liban, leur mère patrie, le refuge qu’ils voudraient transmettre aux générations à venir aller vers sa perdition. Car le poison de la déliquescence est plus mortel que la guerre civile... Si l’entité...
commentaires (7)

Marie Joe, mes meilleures salutations à toi et Wadih. - Kamel, je te comprends très bien pour tes parents et les Chiites envoyés à une mort certaine par les Ottomans. - Christian, Merci. Anastase Tsiris

Anastase Tsiris

12 h 50, le 07 octobre 2011

Tous les commentaires

Commentaires (7)

  • Marie Joe, mes meilleures salutations à toi et Wadih. - Kamel, je te comprends très bien pour tes parents et les Chiites envoyés à une mort certaine par les Ottomans. - Christian, Merci. Anastase Tsiris

    Anastase Tsiris

    12 h 50, le 07 octobre 2011

  • Très émouvant TASSO superbe !!!! Il faut dire qu'après avoir lu Les Magdeleines , Souffles et tentations, Les Libanaises et les Afflictions je sais que le POETE est là, en toi, jusqu'au fond de ton âme. (sourires). Amicalement Marie Jo Malha.

    Marie Jose Malha

    10 h 43, le 07 octobre 2011

  • Ton poeme est touchant Tasso, je le dis pour feu mon pere et ma vivante mere, pour nous autres de la 2eme generation, il est trop tard, on essayera de renouer les fils de la 3eme et 4eme avec la mere patrie. L'allusion a l'Ottoman a son importance et toi tu sais pourquoi.

    Jaber Kamel

    09 h 23, le 07 octobre 2011

  • Ne plus pouvoir vivre en toute dignité,est l'unique raison qui pousse les chrétiens à émigrer surtout s 'ils contemplent ces printemps arabes ou seul le fanatisme religieux a triomphé, et le retour au Moyen Age qui régit désormais leurs nouvelles démocraties . Nazira.A.Sabbagha

    Sabbagha A.Nazira

    07 h 33, le 07 octobre 2011

  • Tasso,tu as loupé ta vraie vocation....

    GEDEON Christian

    05 h 54, le 07 octobre 2011

  • Je prie l'OLJ de publier ce poème en vers, pour une fois. J'ose l'espérer. Il ne prend pas plus de place qu'un commentaire moyen. Sinon, prière de ne pas le publier. Merci d'avance. LES ÉMIGRÉS DU DESTIN Quand le spectre maudit de l'ignoble famine Plana sur les coteaux jadis verts du Liban, Dans les champs desséchés, sur la terre mutine, Il ne poussait ni fruit, ni seigle et ni froment. L'Archange de la mort, que le sort prédestine, Emportait sans pitié vieux, jeunes et enfants. Épouvantés par la malédiction divine, Les piteux émigraient vers d'autres continents. C'était au temps du turc dont la soif sanguinaire, Des maux et des fléaux souvent plus meurtrière, Répandait la terreur parmi les opprimés. Et depuis, dispersés aux quatre coins du monde, De la Patrie en deuil les Enfants bien-aimés, Ils portent dans le coeur la nostalgie profonde Du pays qui vit naître et grandir leurs grands-pères, Par le destin cruel jadis déracinés, Et l'espoir du retour, au berceau de leurs pères, Pour leurs filles et fils : Enfants des Émigrés ! Anastase Tsiris

    Anastase Tsiris

    03 h 12, le 07 octobre 2011

  • - - Votre article relate l'histoire des Chrétiens au Liban et de ce que fut l'influence des Maronites au sein du pouvoir , mais ne mentionne pas TAEF , qui a mis fin à cette influence et à la participation réelle Chrétienne et Maronite au destin du pays et aux grandes décisions , sans parler des nominations dans l'administration et des postes clés dans la hiérarchie de l'état ! Taef est bien l'épée de Damoclès qui se balance au-dessus des têtes Chrétiennes et non pas les armes de la résistance qui , pour l'instant , font la balance avec d'autres armes étrangères qui se cachent dans des camps , pour un agenda politique bien défini , avec les printemps arabes comme exemple de ce qui peut arriver chez nous !! D'ailleurs Naher el Bared était un bel exemple de ce que peuvent (re) faire ces invités encombrants en forme de réfugiés , qui sont et resteront , la principale cause de tout nos malheurs et nos divisions , et surtout , les premiers responsables des accords de Taef , que je qualifierai de marché de dupes .

    JABBOUR André

    01 h 35, le 07 octobre 2011

Retour en haut