« Croire que Dexter est gentil est une erreur. Il est séduisant parce que dangereux », prévient l’écrivain américain Jeff Lindsay à propos de son célèbre personnage de serial-killer, devenu héros de la série télévisée éponyme. L’auteur est venu, à la 6e Semaine noire de Marseille, expliquer la genèse de Dexter Morgan, le personnage principal de ses best-sellers, dévoilant aussi en aparté son propre itinéraire.
Né il y a 59 ans à Miami, Jeff Lindsay, de son vrai nom Jeffry P. Freundlich, est un gaillard au physique de bûcheron. Cheveux et bouc grisonnants, il a l’humour subtil et l’imitation facile. Géniteur littéraire d’un des serial killers devenus les plus populaires au monde, il est avant tout un « homme à femmes », amoureux de son épouse Hilary Hemingway, nièce d’Ernest, avec qui il a écrit trois livres, et de leurs filles de 7, 14 et 21 ans. « Je suis perdu sans ma femme. Sans elle, je n’aurais pas été au bout de mon premier livre sur Dexter. »
L’idée de son personnage, expert médico-légal le jour et tueur la nuit, a surgi alors que Lindsay animait une conférence devant des hommes d’affaires, à qui il tentait d’expliquer « pourquoi il faut lire ». « Je les voyais jacasser en se faisant de grands sourires, parler la bouche pleine en échangeant leurs cartes de visite, et l’idée m’est venue que tuer en série n’était peut-être pas toujours une mauvaise chose », relate-t-il. « J’ai commencé à prendre des notes sur une serviette, avant de m’enfermer pendant trois jours et de m’écrier “ça y est, j’ai mon histoire, il ne me reste qu’à l’écrire” ». Une écriture qui prendra près de cinq ans avant la publication, deux ans et une douzaine de refus d’agents littéraires plus tard, en 2004 aux États-Unis, de ce premier opus intitulé Ce cher Dexter.
Aujourd’hui, malgré ses millions d’exemplaires vendus dans 38 pays, écrire reste une souffrance. « J’ai écrit le 5e volet Ce délicieux Dexter en six semaines. J’étais heureux. Chaque jour, l’histoire coulait. Mais pour le dernier, Double Dexter, ce fut une année d’agonie », glisse-t-il en citant Dorothy Parker : « Je déteste écrire mais j’aime avoir écrit. »
Quant à l’adaptation télé, il confie regarder la série, une de ses préférées, et estime « avoir eu de la chance parce qu’ayant travaillé 12 ans à Hollywood, je sais que parler d’adaptation à un auteur est souvent synonyme de sodomie ». À l’origine, Jeff Lindsay aurait préféré un film, mais une productrice de télévision a lu son livre et décidé de le proposer aux studios Showtime, qui ont acheté les droits. Mais pas ceux des cinq suivants, glisse-t-il, narquois. « Quand j’ai appris que Michael C. Hall avait eu le rôle, j’ai regardé un épisode de Six Feet Under et je me suis dit que c’était une erreur. Mais quand je l’ai vu sur le plateau et qu’il a dit sa première ligne, je me suis dit “Oh mon Dieu, c’est lui”. »
Sur la fascination pour ces personnages de tueurs en série, Jeff Lindsay estime que « ça fait du bien de fantasmer qu’on peut tuer quelqu’un. On a tous une liste de noms, mais heureusement la majorité d’entre nous ne pourra jamais tuer », dit-il. Pour lui, « Dexter se moque de la justice. On le présente parfois comme un justicier, mais ce qui compte pour lui c’est tuer ». À l’attention des fans, il révèle avoir l’intention de tuer un membre de la famille de Dexter, sans avoir arrêté son choix. Réponse dans son 7e opus.
(Source : AFP)