Prenant la parole devant des délégations populaires à son bureau de Hlayliyé, à l’est de Saïda, M. Siniora a notamment réfuté la thèse selon laquelle « le changement de régime en Syrie aboutira à une prise du pouvoir par les islamistes ». « Une telle vision est erronée, a déclaré l’ancien Premier ministre. Certains régimes cherchent à créer un climat de désespoir parmi la population et à terroriser les gens en leur faisant croire que la voie de la démocratie aboutira à un contrôle du pouvoir par les islamistes extrémistes. Ces régimes jouent sur le sentiment des gens et suscitent la peur parmi la population, plus particulièrement au niveau des non-musulmans », a souligné M. Siniora dans une allusion à peine voilée au régime baassiste.
Répondant indirectement, sans le nommer, au patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, qui, lors de sa récente visite en France, avait pris la défense du régime baassiste du président Bachar el-Assad en affirmant qu’un changement de régime en Syrie pourrait se répercuter négativement sur la situation des chrétiens car il risquerait de déboucher sur l’arrivée au pouvoir en Syrie de courants extrémistes sunnites, M. Siniora a déclaré : « Les musulmans ne sont pas extrémistes. La majorité écrasante d’entre eux veut mettre un terme à l’injustice dont pâtissent les citoyens en Tunisie, en Libye, en Syrie, en Égypte et au Yémen. Les chrétiens au Liban sont une partie intégrante du peuple libanais. Pendant plusieurs décennies, ils ont participé à des luttes avec leurs frères musulmans et ils ont consenti des sacrifices afin de réaliser l’indépendance face au colonialisme. Il est totalement erroné de songer que tout changement en Syrie aura un impact sur les alliances (de minorités). Le rôle historique et fondamental des chrétiens dans la région arabe et dans l’essor arabe ne saurait être réduit au niveau de rumeurs qui cherchent à les présenter comme des cibles potentiels. »
Mettant l’accent sur l’importance du printemps arabe, l’ancien Premier ministre a relevé que pendant des décennies entières, le monde changeait, et depuis la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’Union soviétique, le monde a connu des bouleversements, « mais le monde arabe pendant toute cette période semblait vivre dans une autre planète ». Soulignant que pendant des décennies, le monde arabe a vécu une série de coups d’État militaires, M. Siniora a relevé qu’aujourd’hui, « nous assistons à un phénomène tout à fait nouveau qui a été enclenché en Tunisie et qui se manifeste par une volonté réelle des masses arabes d’accéder à la liberté et la démocratie, de manière à permettre une alternance au niveau du pouvoir. Nous avons réalisé que certains régimes étaient au pouvoir depuis quarante ans ». Et d’ajouter : « Le passage à la démocratie est un processus qui a un effet d’entraînement et que nul ne peut arrêter. »
Le TSL et la loi électorale
Abordant ensuite certains dossiers en rapport avec l’actualité quotidienne, le chef du bloc du courant du Futur a souligné que le Tribunal spécial pour le Liban est devenu « une réalité » tangible. « Le Liban a pris à cet égard des engagements qu’il est tenu de respecter, a-t-il déclaré. Le tribunal poursuit sa mission, et celui qui mise sur le fait qu’il sera aboli ne fait que perdre son temps. »
En ce qui concerne le projet de loi électorale, l’ancien Premier ministre a rappelé que lorsqu’il avait formé son premier gouvernement en juillet 2005, l’une de ses premières décisions avait été de former une commission présidée par l’ancien ministre Fouad Boutros et regroupant des experts bénéficiant d’une haute crédibilité. Cette commission avait alors élaboré un document qui avait défini les fondements d’une réforme politique au niveau de la loi électorale. M. Siniora a rappelé que l’examen de ce projet n’avait pu être sérieusement entamé en raison de la guerre de juillet 2006 et ses répercussions.
M. Siniora a critiqué dans ce cadre certaines propositions de lois électorales « qui représentent un retour en arrière et qui portent un grave préjudice à la coexistence ». « Il est nécessaire de stimuler davantage l’intégration nationale et d’accroître le sentiment de citoyenneté, a déclaré l’ancien Premier ministre. Le citoyen doit avoir le sentiment qu’il parvient à faire entendre sa voix, ce qui implique qu’il faut éviter de l’intégrer dans de grands ensembles, car il perdrait alors le contrôle du processus électoral. » « Nous n’avons pas besoin de problèmes supplémentaires, a ajouté M. Siniora. Nous désirons résoudre plutôt les problèmes existants. La proposition qui préconise que chaque communauté élise ses députés constitue le moyen le plus rapide de créer des problèmes supplémentaires dont nous pouvons nous passer. »
M. Siniora a insisté en conclusion sur la nécessité de former une instance autonome chargée de superviser les élections législatives.