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À La Une - Le billet

Chronique d’une mort annoncée

Troy Anthony Davis naît le 9 octobre 1968. Quatre frères et sœurs suivront qui viendront remplir la maison modeste d’un quartier black de Savannah (Géorgie). Quelques années après la naissance de Troy, ses parents, Joseph, vétéran de la guerre de Corée, et Virginia, employée dans un hôpital, se séparent.
« Il est profondément troublant pour moi que la Géorgie puisse procéder à cette exécution étant donné les fortes affirmations de son innocence dans cette affaire. » Archevêque Desmond Tutu, Prix Nobel de la paix, dans une lettre adressée au Comité des grâces et des libérations conditionnelles de Géorgie, le 26/6/07.

Davis ne brille pas à l’école. En 1987, il parvient néanmoins à décrocher son bac. Dans son quartier, on le surnomme « Rah », pour « Rough as Hell ». Ses voisins le décrivent pourtant comme un type réglo. En 1988, Troy entre comme ouvrier dans une usine de barrières pour voies ferrées. Son patron l’apprécie, mais Davis n’est pas assidu. Fin 88, il lâche l’usine.
« Au nom du pape Benoît XVI, je vous demande respectueusement de commuer la peine de Troy en une peine de prison à vie sans liberté conditionnelle. » Message transmis le 15/7/2007 par le nonce apostolique au gouverneur de Géorgie, Sonny Perdue.

Été 1989. Davis a 21 ans. Dans la nuit du 18 au 19 août, alors qu’il déambulait dans les rues de Savannah, il rencontre Sylvester Coles. L’homme se disputait avec un SDF. Davis s’en mêle, le ton monte, les coups pleuvent. Mark MacPhail, un policier de 27 ans travaillant comme agent de sécurité en dehors de ses heures de service, tente de calmer le jeu. Il prend une balle dans le cœur, une autre dans la tête. Il n’a pas eu le temps de sortir son arme. Mark MacPhail est marié, père d’une fillette de 2 ans et d’un nouveau-né.
« Cette affaire illustre les grandes failles dans l’application de la peine de mort dans ce pays. » Jimmy Carter, ancien président américain, dans une lettre adressée le 19/9/2008 au comité des grâces de Géorgie.

Au soir du 21, Sylvester Coles accuse Davis auprès de la police d’avoir tué Mark MacPhail. Davis est arrêté le 23 août.
« De sérieux doutes ont toujours entouré les preuves sur lesquelles a été établie la condamnation de M. Davis, comme l’ont reconnu les juges en appel. L’Union européenne appelle donc à commuer dans l’urgence sa peine. » Catherine Ashton, chef de la diplomatie européenne, le 19/9/2011.

Le 30 août 1991, Davis est condamné à mort. Au jury, Davis dit qu’il est condamné pour un crime qu’il n’a pas commis. Il n’existe aucune preuve matérielle contre lui, l’arme du crime n’a pas été retrouvée. Les éléments à charge reposent exclusivement sur les déclarations des témoins.
« Dans le cas Davis, il y a trop de doutes pour risquer une exécution. » William Sessions, ancien patron du FBI, pourtant favorable à la peine de mort, 20/9/2011.

Mars 1992 : une première demande pour un nouveau procès est refusée. Mars 1993 : la Cour suprême de Géorgie maintient la condamnation et la peine.
La décision du comité des grâces illustre « l’extrême injustice qui ronge notre système de peine de mort ». ACLU, puissante organisation américaine de défense des droits civils, le 20/9/2011.

Décembre 2001 : Davis fait appel devant la justice fédérale, arguant que 7 des 9 témoins qui l’ont confondu se sont rétractés. Mai 2004 : un juge rejette la demande. Septembre 2006 : ce rejet est confirmé par un tribunal. Juin 2007 : l’exécution de Davis est fixée au 17 juillet 2007.
« Il est inconcevable que le comité des grâces ait refusé » d’empêcher l’exécution de Troy Davis. Amnesty International, 20/9/2011.

16 juillet 2007 : le comité des grâces de Géorgie suspend l’exécution de Davis afin « d’évaluer et d’analyser » les nouveaux éléments présentés par la défense. 17 mars 2008 : la Cour suprême de Géorgie refuse d’accorder une audience aux témoins qui se sont rétractés. Des témoins qui affirment avoir été incités par la police à accuser Davis. L’exécution est fixée au 23 septembre 2008.
« J’appelle les autorités américaines compétentes à trouver un moyen d’épargner la vie de Troy Davis. » Thorbjorn Jagland, secrétaire général du Conseil de l’Europe, 21/9/2011.

22 septembre 2008 : le comité des grâces refuse de commuer la peine de mort. On explique à Davis comment il va mourir, on lui demande de faire le menu de son dernier repas, comment la prison doit disposer de son corps.
« Une exécution est irréversible – une erreur judiciaire ne serait plus réparable. C’est pourquoi je demande aux autorités de l’État de Géorgie et des États-Unis d’Amérique d’empêcher l’exécution. » Markus Löning, délégué aux droits de l’homme du ministère allemand des Affaires étrangères. 21/9/2011.

23 septembre 2008 : la Cour suprême des États-Unis suspend l’exécution de Davis deux heures avant l’heure prévue.
« C’est un scandale, personne ne doit exécuter quelqu’un sans preuve matérielle et uniquement sur la base de témoignages visuels. » Révérend Al Sharpton, 21/9/2011.

14 octobre 2008 : la suspension est annulée. L’exécution est fixée au 27 octobre.
« En exécutant un condamné sur la culpabilité duquel pèsent des doutes sérieux », les autorités de l’État de Géorgie « commettraient une faute irréparable ». Ministère français des Affaires étrangères, le 21/9/2011.

21 octobre 2008 : Davis introduit un recours en urgence. 24 octobre. Une cour d’appel suspend l’exécution. 16 avril 2009 : la cour d’appel fédérale d’Atlanta rejette le recours de Davis.  19 mai : Davis dépose un nouveau recours devant la Cour suprême américaine.  17 août : la Cour suprême demande au tribunal de Savannah d’organiser une nouvelle audience pour prendre en compte les « preuves qui pourraient n’avoir pas été disponibles au moment du procès ».
« La vérité est que, au plus profond des motivations de l’attachement à la peine de mort, on trouve, inavouée le plus souvent, la tentation de l’élimination. Ce qui paraît insupportable à beaucoup, c’est moins la vie du criminel emprisonné que la peur qu’il récidive un jour. Et ils pensent que la seule garantie, à cet égard, est que le criminel soit mis à mort par précaution. » Robert Badinter, ministre français de la Justice, lors des débats à l’Assemblée nationale sur l’abolition de la peine de mort en France, 17/9/1981.

Juin 2010 : le juge de Savannah décide que Davis « n’a pas réussi à prouver son innocence ». Ses avocats font appel. 5 novembre : l’appel est rejeté.
« Ceux qui veulent une justice qui tue, ceux-là sont animés par une double conviction : qu’il existe des hommes totalement coupables, c’est-à-dire des hommes totalement responsables de leurs actes, et qu’il peut y avoir une justice sûre de son infaillibilité au point de dire que celui-là peut vivre et que celui-là doit mourir. » Robert Badinter, 17/9/1981.

21 janvier 2011 : Davis dépose un recours devant la Cour suprême des États-unis. 28 mars : la cour refuse de s’en saisir. 7 septembre : l’exécution est fixée au 21 septembre 2011.
« Il n’a jamais, jamais été établi une corrélation quelconque entre la présence ou l’absence de la peine de mort dans une législation pénale et la courbe de la criminalité sanglante. » Robert Badinter, 17/9/1981.

20 septembre 2011 : la justice refuse de gracier Davis.
« C’est ce que nous voulions. (...) Justice est en train d’être rendue. » Anneliese MacPhail, la mère de Mark MacPhail, le 20/9/2011.

21 septembre 2011, 19h : la Cour suprême étudie un dernier recours pendant quatre heures.
« Parce que aucun homme n’est totalement responsable, parce que aucune justice ne peut être absolument infaillible, la peine de mort est moralement inacceptable. » Robert Badinter, 17/9/1981.

21 septembre 2011, 23h08 : Troy Davis est exécuté.
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Troy Anthony Davis naît le 9 octobre 1968. Quatre frères et sœurs suivront qui viendront remplir la maison modeste d’un quartier black de Savannah (Géorgie). Quelques années après la naissance de Troy, ses parents, Joseph, vétéran de la guerre de Corée, et Virginia, employée dans un hôpital, se séparent.« Il est profondément troublant pour moi que la Géorgie puisse procéder à cette exécution étant donné les fortes affirmations de son innocence dans cette affaire. » Archevêque Desmond Tutu, Prix Nobel de la paix, dans une lettre adressée au Comité des grâces et des libérations conditionnelles de Géorgie, le 26/6/07.Davis ne brille pas à l’école. En 1987, il parvient néanmoins à décrocher son bac. Dans son quartier, on le surnomme « Rah », pour « Rough as Hell ». Ses voisins le décrivent...
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