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Liban - Parlement

Quand le « compromis électrique » l’emporte... avant le grand déballage entre Fattouche et Marouni

Et la lumière sera ! C’est du moins ce qu’on promet aux Libanais depuis l’adoption par les députés présents hier à la réunion plénière (sauf Kazem Kheir, membre du bloc du Futur qui n’avait visiblement pas compris que les dés étaient jetés) du plan global pour la relance de l’électricité. Les « arrangements » du président de la Chambre concoctés dans son bureau discret ont donc finalement porté leurs fruits et toutes les parties peuvent s’estimer gagnantes, en dépit des réserves émises par Michel Aoun pour une question de violation du principe de séparation des pouvoirs.

Les bancs de la présidence du Parlement et du gouvernement. Photos Ibrahim Tawil


Soulagés après la tension provoquée depuis des semaines par ce projet, les députés n’ont pas vu venir l’orage que leur réservaient le ministre Nicolas Fattouche et le député Élie Marouni qui, sous prétexte de discuter du projet de loi présenté par M. Fattouche pour l’application des décisions de justice, ont lavé un linge sale électoral zahliote... après une intervention musclée de Farid Habib (Forces libanaises), qui a nécessité une action urgente de l’équipe de pompiers de Nabih Berry, Ali Khreiss et Ali Bazzi, avant le rejet par une majorité opposante du projet de loi présenté par le ministre...
Prévue à 10h30, la séance n’a commencé qu’à 11h et jusqu’à la dernière minute, le mystère planait sur son sort. De nombreuses parties craignaient en effet que les députés de l’opposition décident de se retirer et comme tous les députés de la majorité n’étaient pas encore là, il y avait un risque de défaut de quorum. Mais lorsque les chefs de file comme Michel Aoun, le chef du courant des Marada Sleimane Frangié et le leader druze Walid Joumblatt sont arrivés au Parlement, même sans se rendre immédiatement dans l’hémicycle, les journalistes ont compris que cette fois, le projet de loi pour la relance de l’électricité sera forcément adopté. Une ultime réunion s’est déroulée entre Nabih Berry et Michel Aoun, dans le bureau du président de la Chambre, pour effacer les réticences de ce dernier sur la formule trouvée, qui prévoit d’inclure les amendements adoptés au cours du Conseil des ministres du 7 septembre au projet de loi soumis au vote.
En gros (et c’est ce qui satisfait l’opposition), il y est prévu que les prérogatives du ministre de l’Énergie seront réduites au profit de la création d’une autorité de régulation dans un délai de 3 mois, et le recours au financement par des Fonds arabes lesquels exigent un contrôle direct des dépenses engagées. L’opposition estime ainsi avoir fait fléchir le ministre Gebran Bassil et son chef, le bouillant général. Le Premier ministre estime, quant à lui, que le gouvernement a repris l’initiative et le chef du CPL peut de son côté s’attribuer le mérite d’avoir lancé le projet, alors que son ministre continuera à avoir la haute main par la force des choses sur l’application du plan.

Le « déversoir de Bourj Hammoud »...
En début de séance, le député Kataëb Samer Saadé a tenté de soulever le problème de l’agression dont il aurait été victime à Faraya. Mais Nabih Berry, qui était intervenu dans cette affaire pour protéger le député, lui a demandé d’attendre les conclusions de l’enquête judiciaire. Ce qui a aussitôt rappelé au député Khaled Daher que le président de la Chambre n’était pas intervenu en sa faveur lorsque le ministre de la Défense avait déposé plainte contre lui après ses attaques contre l’armée. Le chef du Législatif s’est aussitôt empressé de clore le débat, estimant que l’heure n’était pas au soulèvement de nouveaux problèmes mais au règlement du dossier de l’électricité. Dans une allocution courte mais remarquée, Akram Cheyaheb a rendu hommage à l’action du « département des renseignements des FSI, pour ses dernières captures. Ce qui lui a valu une riposte de Nawwaf Moussawi, du Hezbollah, qui a rappelé qu’il ne s’agit pas d’un département, mais d’un service, rappelant ainsi la polémique qui dure depuis des mois au sujet du statut de cette unité.
Des députés de l’opposition ont ensuite pris la parole pour soulever des questions sociales ou techniques, alors que d’autres comme Marwan Hamadé qui avaient l’intention de prononcer un discours y ont renoncé pour accélérer l’adoption du plan de réforme de l’électricité. Samy Gemayel, lui, a rappelé à Nabih Berry qu’il demande le droit à la parole depuis trois mois et ce dernier a riposté qu’il y avait désormais prescription... M. Gemayel a malgré tout raconté comment une route dans un village du Metn, laissée à l’abandon pendant 20 ans, a été récemment asphaltée avant de faire l’objet de nouveaux travaux. Il a expliqué aussi que les égouts des villages en amont se déversent sur les villages en aval, dans le Metn. « Et tout arrive jusqu’à Bourj Hammoud », a lancé Hagop Pakradounian. Sous le couvert de la plaisanterie, Samy Gemayel venait ainsi de soulever une question de fond touchant à la coordination entre les différents ministères et services publics, dont souffre tout le Liban...
Les députés ont ensuite adopté, après quelques chicaneries, le projet de loi à caractère urgent visant à donner aux chauffeurs de taxi l’équivalent de 12 bidons et demi d’essence par mois pour une durée de 3 mois. Vint enfin le tour du plan pour la relance de l’électricité. Mohammad Hajjar a bien essayé de discuter en réclamant » une durée de trois mois au maximum pour la formation de l’autorité de régulation, mais il avait omis de lire la ligne suivante dans laquelle figurait cette phrase. C’est dire combien la confiance régnait entre la majorité et l’opposition... Finalement, tous les députés présents ont voté en faveur du projet sauf Kazem Kheir. Le général Michel Aoun a alors déclaré que pour préserver la solidarité gouvernementale, son bloc l’a adopté en dépit de ses réserves au sujet du non-respect du principe de séparation des pouvoirs. Fouad Siniora a aussitôt pris la parole pour expliquer que le projet a été amendé par le Premier ministre et que c’est pour cela que l’opposition a voté en sa faveur, rappelant qu’il ne s’agit pas de dire qu’une partie veut donner de l’électricité aux gens et une autre non. Mais Nabih Berry lui a vite coupé la parole pour éviter de nouvelles entraves.

Les arrêts du Conseil d’État et la colère de Fattouche
Le projet adopté, Michel Aoun, Sleiman Frangié et Walid Joumblatt se sont retirés, montrant qu’ils sont venus d’abord pour assurer le maximum de voix au vote du texte et exprimer « la solidarité gouvernementale ».
Les députés étaient si soulagés qu’ils n’ont plus cherché à se concentrer sur les projets suivants. Serge Torsarkissian a ainsi parlé dans le vide pendant quelques minutes et comme il demandait à Nabih Berry de l’écouter, ce dernier a lancé : « D’habitude, vous vous exprimez mal, mais cette fois c’est pire... ».
C’est alors que la Chambre est passée à l’examen du projet de loi présenté par le ministre Nicolas Fattouche (alors qu’il n’était encore que député), qui prévoit en gros un mécanisme pour l’exécution des arrêts du Conseil d’État. Le projet se base sur une étude de droit et s’inspire d’une loi française adoptée sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing. Mais pour les députés de l’opposition, cet enrobage ne peut pas dissimuler le fait que Nicolas Fattouche est directement concerné, ayant obtenu un arrêt du Conseil d’État en 2005, lui accordant 250 millions de dollars d’indemnités suite à la décision de fermer une carrière. M. Fattouche avait d’ailleurs accusé le Premier ministre Fouad Siniora d’être intervenu auprès de la justice pour empêcher l’exécution de cet arrêt. M. Siniora lui-même a répondu au ministre qu’on ne peut pas adopter une loi taillée à la mesure d’une personne. À quoi Nicolas Fattouche a répliqué en déclarant que ce projet touchait en fait 5 500 arrêts du Conseil d’État et qu’il n’est pas permis à l’exécutif de ne pas respecter les décisions judiciaires. Il a aussi précisé que l’ancien ministre de la Justice, Ibrahim Najjar, avait donné son accord pour son projet.
À partir de cet instant, la séance a failli tourner au vaudeville : Samy Gemayel a suggéré à Nicolas Fattouche de céder cet argent au ministère de l’Environnement pour reboiser le Liban. Farid Habib s’en est mêlé accusant M. Fattouche d’être partenaire dans les entreprises gérant les carrières. Ce dernier a riposté en l’accusant d’être un menteur et M. Habib s’est levé dans l’intention d’aller le frapper. Les « pompiers » Ali Khreiss et Ali Bazzi l’ont aussitôt entouré, pour tenter de le calmer. Mais le feu s’est aussitôt allumé de l’autre côté de la salle, lorsque Élie Marouni (ancien colistier de Nicolas Fattouche aux élections de 2009) a demandé aux députés de ne pas accepter « ce crime juridique ». « D’autant, a-t-il ajouté que ce député... ». M. Fattouche l’a interrompu en disant : « Je suis docteur en droit » et l’autre lui a lancé : « Vous êtes surtout impoli. » Nicolas Fattouche a rétorqué : « Il a volé 12 millions de dollars d’essence en les inscrivant comme notes de frais au ministère », et l’autre a déclaré : « Lui a volé la grotte de Jeïta. »
Un véritable brouhaha a régné dans la salle où le déballage de linge sale risquait de s’aggraver. Ali Ammar et Nawwaf Moussawi ont bien essayé de défendre Nicolas Fattouche, mais le feu de l’opposition ne cessait pas. Neemetallah Abi Nasr a tenté de rappeler qu’il avait obtenu une décision du Conseil d’État au sujet du décret des naturalisations, mais qu’elle n’a jamais été appliquée et Ghassan Moukheiber a suggéré une solution prévoyant un mécanisme de révision des arrêts du Conseil d’État, donnant ainsi l’occasion au ministre de la Justice Chakib Cortbawi de réclamer un retour du projet aux commissions parlementaires. Mais l’opposition a insisté pour le vote et le projet a été rejeté par les voix des députés de l’opposition et de certains députés du bloc de Joumblatt...
Un projet de loi sur la création de nouvelles prisons a encore été adopté, mais les députés ont commencé à se retirer les uns après les autres et la séance a été levée faute de quorum. Le Parlement n’avait pas encore terminé l’examen de son ordre du jour. Ce sera pour une autre fois, car, à la séance d’hier, l’essentiel était que le plan de réforme de l’électricité soit adopté.
Soulagés après la tension provoquée depuis des semaines par ce projet, les députés n’ont pas vu venir l’orage que leur réservaient le ministre Nicolas Fattouche et le député Élie Marouni qui, sous prétexte de discuter du projet de loi présenté par M. Fattouche pour l’application des décisions de justice, ont lavé un linge sale électoral zahliote... après une intervention musclée de Farid Habib (Forces libanaises), qui a nécessité une action urgente de l’équipe de pompiers de Nabih Berry, Ali Khreiss et Ali Bazzi, avant le rejet par une majorité opposante du projet de loi présenté par le ministre...Prévue à 10h30, la séance n’a commencé qu’à 11h et jusqu’à la dernière minute, le mystère planait sur son sort. De nombreuses parties craignaient en effet que les députés de l’opposition...
commentaires (3)

Mais franchement, on a une démocratie à faire pâlir les "conseils romains ou helliniques", et en plus avec un maître de cérémonie comédien comme coluche. Je voudrai sincèrement dire à Scarlett combien j'admire sa patience à pouvoir dénouer les cheveux de la "méduse", parce que pour ceux qui comme moi n'y connaisse goutte aux détails de la vie parlementaire, on est servi sur un plateau d'argent. Pour exprimer un sentiment personnel, je ne m'offusquerai pas sur les commissions et autres sommes occultes, que je réprouve, mais avec ce qui se passe sur l'héxagone en ce moment, je me dis que de leçon on en a à donner plus qu'à en apprendre, ironie, pour dire que si sarko/chirac/balladur ont besoin de savoir comment se sucrer, notre pépinière parlementaire est une véritable université d'automne.

Jaber Kamel

04 h 36, le 23 septembre 2011

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Commentaires (3)

  • Mais franchement, on a une démocratie à faire pâlir les "conseils romains ou helliniques", et en plus avec un maître de cérémonie comédien comme coluche. Je voudrai sincèrement dire à Scarlett combien j'admire sa patience à pouvoir dénouer les cheveux de la "méduse", parce que pour ceux qui comme moi n'y connaisse goutte aux détails de la vie parlementaire, on est servi sur un plateau d'argent. Pour exprimer un sentiment personnel, je ne m'offusquerai pas sur les commissions et autres sommes occultes, que je réprouve, mais avec ce qui se passe sur l'héxagone en ce moment, je me dis que de leçon on en a à donner plus qu'à en apprendre, ironie, pour dire que si sarko/chirac/balladur ont besoin de savoir comment se sucrer, notre pépinière parlementaire est une véritable université d'automne.

    Jaber Kamel

    04 h 36, le 23 septembre 2011

  • Et la lumiere fut ou sera . Toujours un lapsus pour un pays qui ne vit que de commissions , et beaucoup de grands chapeaux vont remplir leurs poches pour ce compromis électrique pas très catholique . Nazira.A.Sabbagha

    Sabbagha A. Nazira

    03 h 07, le 23 septembre 2011

  • Fattouche est un personnagequi existe vraiemnt...et c'est çà le drame.tellement caractéristique d'une classe politique qui ne pense qu'à sa poche et qui vient réclamer le pognon en pleine séance parlementaire...incroyable,mais vrai!

    GEDEON Christian

    19 h 22, le 22 septembre 2011

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