Si les débats ont été fiévreux au cours des deux précédentes réunions des commissions conjointes – contrairement à la séance d’hier – c’est que précisément le texte transmis aux parlementaires était sensiblement différent du projet avalisé en Conseil des ministres, en ce sens qu’il ne comportait pas les garde-fous réclamés par le 14 Mars et qui avaient été soutenus au sein du gouvernement par l’axe Michel Sleiman-Nagib Mikati-Walid Joumblatt, et indirectement, selon diverses sources, par Nabih Berry. La différence entre les deux textes a poussé les députés du 14 Mars à insister, lors des trois réunions des commissions conjointes, pour que les remarques et les observations qu’ils ont faites soient prises en considération, comme dans le projet de loi approuvé par le Conseil des ministres, ce que le ministre de l’Énergie et de l’Eau cherchait manifestement à éviter.
Les garde-fous réclamés par le 14 Mars portent notamment sur la désignation par le gouvernement d’un nouveau conseil d’administration de l’Électricité du Liban, la mise en place d’une autorité de régulation, le mécanisme de gestion et d’approbation des appels d’offres et des adjudications (qui devraient être approuvés par le Conseil des ministres), l’échelonnement du financement sur quatre ans et la prise en considération, dans le financement, l’adjudication et l’exécution du projet, des critères internationaux adoptés par les caisses arabes et internationales. C’est dans le but de tenir compte de ces garde-fous que décision a été prise hier de revenir au texte approuvé en Conseil des ministres pour que ce soit ce document (et non celui, tronqué, discuté en commissions) qui soit voté par l’Assemblée nationale.
Cette décision ne semble pas avoir été accueillie avec un très grand enthousiasme par le ministre Bassil qui souhaite obtenir sinon carte blanche, du moins une très grande marge de manœuvre dans la gestion et l’exécution du projet en question. Les députés du 14 Mars, par contre, ont exprimé leur satisfaction à l’issue de la réunion des commissions conjointes tenue hier. C’est du moins ce qui ressort de la déclaration faite par le député Khodr Habib (courant du Futur) qui a souligné que « le projet sera avalisé avec les amendements (les garde-fous) que nous (les députés du 14 Mars) avons réclamés ». Dans une déclaration à la MTV, M. Habib a souligné que « ce qui s’est passé aujourd’hui (hier) est une victoire pour tous les Libanais, du fait que nous avons pu préserver les fonds publics ». Et d’ajouter qu’« il ressort de la réaction du ministre Bassil qu’il n’était pas satisfait du consensus » (le retour au projet de loi approuvé en Conseil des ministres). « La décision des commissions conjointes de s’en tenir à la décision du Conseil des ministres est un acquis pour l’opposition (le 14 Mars), a déclaré M. Habib. Les demandes de l’opposition sont prévues dans la décision du Conseil des ministres, laquelle a dissipé les observations et les appréhensions que nous avions soulevées ». De son côté, le député Ahmad Fatfat (courant du Futur) a souligné que « le Conseil des ministres avait pris une décision (portant sur la teneur du projet de loi), mais c’est un texte différent qui a été transmis au Parlement » (aux commissions). « Le souci de l’opposition, a-t-il indiqué, est de faire transmettre à la séance plénière nos propositions, lesquelles seront en définitive approuvées. »
Dans le camp du 8 Mars, le député Nagi Gharios (courant aouniste) avait déclaré en matinée que « les demandes de l’opposition concernant les clauses relatives au contrôle sur le projet de l’électricité sont inacceptables », soulignant que « les amendements suggérés (par le 14 Mars) ne sont pas nécessaires ». Abondant dans le même sens, le député Ibrahim Kanaan (courant aouniste) a lui aussi qualifié d’« inutiles » les amendements réclamés par l’opposition. M. Kanaan a dénoncé dans ce cadre les tentatives de porter atteinte aux prérogatives du ministre « (allusion à la volonté du 14 Mars de prévoir des garde-fous à la gestion et à l’exécution du projet).
Il convient d’indiquer en conclusion que la réunion des commissions conjointes a été précédée en début de matinée de concertations au siège du Parlement. Le chef du législatif a ainsi tenu une réunion avec le Premier ministre puis avec le député Robert Ghanem, président de la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice, lequel a déclaré plus tard, à l’issue de la réunion des commissions, que le Premier ministre s’est engagé à assurer que le cahier des charges relatif au projet en question soit « conforme aux critères internationaux requis par les caisses de financement, comme nous (le 14 Mars) l’avons demandé ».
Reste à signaler enfin que la séance des commissions a été précédée d’une réunion de coordination que les députés du 14 Mars ont tenue au bureau du vice-président de la Chambre, Farid Makari, place de l’Étoile.