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Qui a peur de l’uniforme ?

En plus d’une circonstance le précautionneux Premier ministre Nagib Mikati a montré qu’il savait, le cas échéant, appeler un chat un chat. Les dernières indiscrétions de Wikileaks, retraçant une période remontant à 2006, montrent un homme tenu pour proche du président Bachar el-Assad et confiant néanmoins à l’ambassadeur des États-Unis qu’il refuse de se laisser manipuler par les alliés locaux de la Syrie cherchant à renverser le gouvernement de l’époque. Ces fuites révèlent, de même, la vive méfiance que lui inspiraient en ce temps le Hezbollah et d’autres forces politiques que l’on retrouve pourtant siégeant en force dans son propre gouvernement.

 

Un tel franc-parler serait impensable, bien sûr, quand on en vient aux propos publics. Et c’est parfois tant mieux, compte tenu de l’abondance et de la gravité des sujets de discorde : les moindres de ceux-ci n’étant pas la contestation populaire en Syrie et l’attachement de l’État au Tribunal spécial pour le Liban, dossiers qu’est parvenu à gérer, sans trop faire de vagues, un Nagib Mikati s’employant avec un bonheur inégal à faire office d’amortisseur. Au chef du gouvernement, on saura gré de s’être vivement ému, lundi en Conseil des ministres, de la recrudescence de la criminalité dans le pays, phénomène déjà noté avec effarement, depuis quelque temps, par les citoyens.


Fort bienvenu est, de même, son appel à la police afin qu’elle déploie davantage d’efforts face à la multiplication des assassinats, cambriolages et vols à main armée, l’audace des malfaiteurs allant même jusqu’à tendre de mortelles embuscades à des patrouilles des Forces de sécurité intérieure. Certains milieux ont cessé de redouter les agents de l’ordre, a reconnu, sans panache mais avec sincérité, l’homme censé incarner le bras exécutif du pouvoir. Pour le moins inattendue, en revanche, est l’invite faite aux particuliers afin qu’ils fassent preuve de coopération dans la lutte menée pour enrayer la progression de ce qu’il a appelé la culture de la violence et de l’impunité.


À cette fin, le Premier ministre prône l’adoption d’une politique sociale digne de ce nom, assortie d’un suivi psychologique de proximité, comme cela se pratique dans les pays les plus évolués. C’est grandiose; mais les non-dits aidant, on reste sur sa faim. Car quels sont au juste ces milieux qui se moquent si allègrement de la force publique ? Nagib Mikati ne visait certes pas le livreur de pizzas grillant les feux rouges en sens interdit sous le regard impavide d’un de ces agents de la circulation qui, craignant de tomber sur un mauvais numéro, ne se hasardent à verbaliser que les vieilles dames au volant. La culture de la violence que déplore à juste titre le chef du gouvernement a toujours été inhérente à la pègre, mafieux, tueurs à gages, malfrats et autres contrebandiers n’ayant jamais fait dans la dentelle. Mais dans notre pays aspirant à la modernité en matière de prévention sociale, elle n’a pas manqué de puiser à une autre et funeste culture : celle des armes, glorifiées à outrance par une milice qui, sous couvert de résistance à l’ennemi israélien, se pose en égale sinon en substitut de l’armée régulière. Qui a retourné son arsenal contre des Libanais. Qui n’a cessé d’humilier l’État en protégeant manu militari les constructions illégales et diverses autres agressions contre la propriété d’autrui alors même qu’elle fait partie du gouvernement. Si ce n’est là faire exemple sur la manière de se ficher des représentants de l’ordre, que l’on nous dise ce que c’est, sans plus attendre les merveilleuses promesses de suivi psychologique.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

En plus d’une circonstance le précautionneux Premier ministre Nagib Mikati a montré qu’il savait, le cas échéant, appeler un chat un chat. Les dernières indiscrétions de Wikileaks, retraçant une période remontant à 2006, montrent un homme tenu pour proche du président Bachar el-Assad et confiant néanmoins à l’ambassadeur des États-Unis qu’il refuse de se laisser manipuler par les alliés locaux de la Syrie cherchant à renverser le gouvernement de l’époque. Ces fuites révèlent, de même, la vive méfiance que lui inspiraient en ce temps le Hezbollah et d’autres forces politiques que l’on retrouve pourtant siégeant en force dans son propre gouvernement.
 
Un tel franc-parler serait impensable, bien sûr, quand on en vient aux propos publics. Et c’est parfois tant mieux, compte tenu de l’abondance et de...