Ce dont il faut profiter, sans fausse hypocrisie, comme sans vergogne. Car ce qui compte le plus, dans l’équation précitée, c’est cet élément de stabilité si important pour attirer investisseurs et capitaux, à l’heure où les autres marchés arabes sont affectés par des troubles.
On sait en effet que le soi-disant printemps arabe apporte bien plus d’orages que de nappes de ciel bleu. La Tunisie, où la révolte populaire a renversé Zineddine Ben Ali, cherche sa voie dans les déchirements entre laïcisants et islamistes. De même d’ailleurs en Égypte, après la chute de Hosni Moubarak. C’est la guerre au Yémen et en Libye. Bahreïn, malgré l’intervention du CCG et des troupes saoudiennes, reste en proie à de notables convulsions. Et en Syrie, le sang coule tous les jours, sans que la contestation, qui exige l’éviction du régime et du Baas, ne baisse les bras ou ne s’affaiblisse.
Mais la stabilité passe par la sécurité. C’est ce que rappelle le chef du gouvernement, Nagib Mikati, quand il évoque la tragédie de Basta où un jeune homme a tué sa mère, ses cinq frères et sœurs avant de se suicider. Ou encore quand il parle de l’embuscade tendue dans la Békaa à des agents du service de renseignements des FSI qui filaient des suspects accusés d’avoir participé au rapt des Estoniens. Malfaiteurs qui projetaient d’enlever de nouveau des étrangers, pour en tirer une rançon. Le président du Conseil a souligné, pour la réprouver, la propagation des armes au Liban. Ainsi que, bien entendu, leur utilisation de plus en plus fréquente, dans une sorte de culte du meurtre passionnel ou crapuleux. Il a affirmé que ce phénomène entre en contradiction avec le climat de stabilité que toutes les parties appellent de leurs vœux. Pour conclure en martelant que la sécurité est plus que jamais une ligne rouge.
Mais des professionnels observent que la dégradation, ou l’escalade, commence avec le discours politique. C’est-à-dire que lorsque les politiciens se lancent dans des joutes frisant l’insulte personnelle, ils donnent en quelque sorte l’exemple. Et ils encouragent les réactions à vif du commun des mortels, la moindre algarade sur une priorité de passage tournant à l’échange de coups de poing, sinon de coups de feu.
Ils ajoutent que les polémiques aggravent naturellement le déficit d’autorité d’un État contre lequel des attaques sont d’ailleurs souvent dirigées. Ce qui porte les citoyens à se protéger eux-mêmes, sans attendre les forces publiques. Sans compter les ghettos, les fiefs, les régions entières où la police et l’armée ne peuvent pénétrer.
Lors du Conseil des ministres de la semaine dernière, le ministre de l’Intérieur et des Municipalités a soulevé le problème de la multiplication des vols et des braquages, les malfaiteurs, sûrs de l’impunité, n’hésitant plus à opérer en plein jour. Il a également dénoncé la propagation des armes aux mains du public. Pour demander un net renforcement des forces de l’ordre qui n’arrivent pas à accomplir leur devoir, car elles manquent d’effectifs. Le ministre veut, pour commencer, que l’on remette en activité ordinaire les milliers d’agents détachés pour des missions de protection personnelle : hommes politiques, d’affaires ou de religion, juges, militants de partis ou recours divers. Le service de garde des ambassades n’entre évidemment pas dans ce décompte de récupération. Comme il est fort possible que sa demande soit rejetée, car le gouvernement ne voudrait pas indisposer tant de beau monde protégé, le ministre indique qu’il lui faudrait alors recruter 50 000 nouveaux agents. Il a conclu en prévenant qu’en cas de non-engagement de recrues nouvelles et/ou de non-récupération des gardes du corps détachés, la sécurité resterait très friable.
Le crime de droit commun, même organisé, reste cependant moins inquiétant que les cellules terroristes dormantes que signalent de récents rapports qualifiés. Des organisations répandues dans tout le Liban. Et dont certaines cherchent à se financer en kidnappant des étrangers, aux fins de rançon, comme cela s’est passé avec les Estoniens.
Mieux vaut l'anarchie que l'oligarchie. Anastase Tsiris
06 h 46, le 21 septembre 2011