Je me trouvais à Paris, la semaine dernière, quand vous vous êtes exprimé à l’Élysée sur notre situation régionale. Vos paroles ont soulevé de l’enthousiasme, des approbations nuancées, de vives contestations, des demandes de clarification.
Je vous écris ces lignes, non pour critiquer vos propos – vous aviez vos raisons de vous exprimer de la sorte –, mais pour vous faire part d’un désir qui me poursuit depuis quelques jours. En ces temps très critiques, je souhaiterais de votre part une neutralité fortement engagée, martelant les droits de l’homme, rappelant l’éminente dignité de toute personne, dénonçant toute déclaration insultant l’adversaire.
Mais, au-delà de ce souhait, quand vous traitez de la politique libanaise et régionale, j’aimerais vous entendre proclamer une parole d’une extrême violence, tranchante comme un glaive. Cette parole, c’est l’Évangile, dans ses exigences les plus extrêmes : aimez-vous les uns les autres, pardonnez à vos ennemis, ne jugez pas, soyez miséricordieux comme le Père, réconciliez-vous. Depuis votre élection, l’Évangile, il est vrai, est loin d’absent de vos interventions, mais trop souvent proclamé à l’occasion d’une homélie ou d’une fête religieuse.
Béatitude, vous êtes à la tête d’une Église prestigieuse, souvent martyrisée au cours de l’histoire. Quand vous vous prononcez sur les conflits les plus aigus, j’attends, comme beaucoup, que vous nous invitiez à la réconciliation, dans une parole forte mais qui ne risque pas de provoquer, comme c’est le cas aujourd’hui, de regrettables réactions au point de semer le trouble dans notre région. Bref, une parole qui puisse être accueillie par tous les chrétiens de bonne volonté, quelle que soit leur prise de position politique, et aussi, j’en suis convaincu, par nos compatriotes musulmans.
Je me suis décidé à vous écrire, fort de cette liberté de parole – de cette parrhèsia – reçue comme vous le jour de mon baptême, ce baptême qui nous a rendus à jamais frères dans le Christ.
Fraternellement, Père Francis LEDUC