Un secouriste et des manifestants antirégime portent Hassan al-Wadhaf, un cameraman de la télévision saoudienne al-Ekhbariya qui s’est fait tirer dessus par un sniper alors qu’il filmait les clashs entre pro et anti-Saleh à Sanaa. Khaled Abdullah/Reuters
Des témoins ont rapporté des combats à l’arme lourde entre les forces gouvernementales et les soldats du général Ali Mohsen, qui a fait défection il y a plusieurs mois. « Nous reviendrons plus tard pour manifester. J’ai peur, mais ça vaut le coup de mourir », a crié un manifestant, fuyant un campement d’opposants pris pour cible par les tireurs d’élite du gouvernement. L’intervention de l’armée, la plus sanglante depuis le début du mouvement de contestation en mars, a fait en outre au moins 113 blessés dans les rangs des manifestants, ont précisé des médecins de plusieurs hôpitaux de la capitale.
« Aidez-moi, mon Dieu, regardez ce massacre, s’est écrié le père d’un jeune enfant tué d’une balle dans la tête. On était en voiture dans la rue Hayel. Je suis descendu acheter quelque chose à manger et j’ai laissé mes deux enfants dans la voiture et j’ai entendu le plus grand crier. Le petit a été tué d’une balle dans la tête. »
Des blessés ont été transportés sur des motos jusqu’à un hôpital de fortune installé sur ce que les protestataires appellent « la place du Changement », où plusieurs milliers de manifestants campent depuis près de huit mois pour réclamer le départ de Saleh, au pouvoir depuis trente-trois ans.
Les violences ont éclaté alors que les manifestants, qui ont étendu leur campement dans la nuit, tentaient d’atteindre des zones contrôlées par les forces de sécurité. À Genève, le ministre yéménite des Affaires étrangères, Aboubakr Abdullah al-Kirbi, a promis que le bain de sang ferait l’objet d’une enquête et que les responsables seraient traduits en justice.
Cette escalade de la violence risque de compliquer davantage les négociations pour la transition politique, alors que le médiateur de l’ONU, Djamal ben Omar, et le secrétaire général du Conseil de coopération du Golfe (CCG), Abdoullatif al-Zaïani, sont arrivés à Sanaa pour trouver un nouvel accord de transition du pouvoir. Une source au sein de l’opposition yéménite a évoqué une rencontre entre ces diplomates et des responsables gouvernementaux. « Il est possible de faire signer le plan du Golfe cette semaine », a indiqué M. Zaïani. Rappelons que le président Saleh a déjà refusé à trois reprises, à la dernière minute, de signer l’accord de transition du pouvoir préparé par les pays du Golfe.
Les États-Unis ont de leur côté espéré un règlement dans une semaine, appelant « toutes les parties à faire preuve de retenue et à s’abstenir d’actions qui provoquent d’autres violences ».
Le roi Abdallah d’Arabie saoudite a par ailleurs reçu hier M. Saleh pour un entretien sur la crise, selon l’agence officielle SPA. Au cours de la rencontre, la première depuis l’hospitalisation de M. Saleh le 4 juin à Riyad, le roi Abdallah a souhaité que les Yéménites parviennent à « surmonter la crise » dans leur pays. Le souverain a également rappelé que le royaume saoudien « soutient un Yémen unifié, sûr et stable », selon SPA.
Enfin, dans un rapport publié hier, Oxfam souligne que les violences politiques depuis le début de l’année ont paralysé l’économie, provoqué une hausse vertigineuse du prix du carburant, une « rapide inflation » et réduit la capacité d’intervention des humanitaires. « La faim s’est généralisée et le Yémen est aujourd’hui en proie à une sous-alimentation chronique », assure l’organisation non gouvernementale, qui évalue à un tiers des 22 millions de Yéménites les victimes du naufrage économique du pays.
(Source : agences)