Des milliers de personnes ont marché lundi de la place du Changement jusqu'à la rue Al-Zoubeiri à Sanaa, où ils ont rejoint des milliers d'autres contestataires. Khaled Abdullah/
Vingt-sept personnes ont été tuées lundi à Sanaa et quatre à Taëz (sud-ouest), portant à 57 morts en deux jours le bilan de la brutale répression par les forces de sécurité yéménites des manifestations réclamant le départ du président Ali Abdallah Saleh. En outre, « quatre manifestants tués par balles ont été admis à l'hôpital al-Raoudha » de Taëz, a indiqué à l'AFP une source médicale.
Les 20 salles d'opérations des cinq hôpitaux de la capitale étaient débordées lundi et il y avait un manque flagrant d'équipements médicaux, a indiqué le comité d'organisation de la révolution, qui a affirmé que des ambulances avaient été empêchées d'évacuer les victimes.
Lundi matin, des milliers de personnes ont marché, comme ils l’avaient fait la veille, de la place du Changement jusqu'à la rue Al-Zoubeiri à Sanaa, où ils ont rejoint des milliers d'autres contestataires qui y avaient passé la nuit sous des tentes, selon des témoins. Les trois soldats ont été tués dans des accrochages qui ont opposé sur la rue Al-Zoubeiri les forces de sécurité et des soldats de la 1ère brigade blindée du général dissident Ali Mohsen el-Ahmar, qui a rallié la contestation en mars, selon des habitants. Les deux enfants, deux frères âgés de 10 ans et 10 mois, ont été tués lorsque la voiture familiale qui circulait près de la place du Changement a été la cible de tirs, selon leur mère. « Mon petit Anes, âgé de 10 mois, est mort dans mes bras », s'est lamentée la mère à l'hôpital de campagne de la place du Changement où les victimes ont été évacuées.
Des manifestations ont eu lieu dans d'autres villes du pays, dont Taëz, deuxième grande ville du Yémen, située au sud-ouest de Sanaa, où deux personnes ont été tuées et des dizaines d'autres blessées par balles dans des accrochages avec les forces gouvernementales, soutenues par des blindés et des chars, selon des habitants et des sources médicales.
« Il est malheureux que ces événements se produisent alors que des solutions à la crise politique ont commencé à apparaître », a déclaré à ce sujet le ministre yéménite des Affaires étrangères, Abou Bakr el-Qirbi, devant le Conseil des droits de l'Homme à Genève.
Le président Saleh, au pouvoir depuis 1978, fait face depuis janvier à un mouvement de contestation qui a fait plusieurs centaines de morts. En convalescence à Riyad où il a été hospitalisé le 4 juin au lendemain d'une attaque contre son palais à Sanaa, M. Saleh a chargé la semaine dernière son vice-président de négocier avec l'opposition un transfert du pouvoir, conformément au plan du Conseil de coopération du golfe (CCG) qui regroupe les 6 monarchies du golfe.
Dans ce cadre, le médiateur du Golfe, Abdellatif el-Zayani, ainsi que l'émissaire de l'ONU au Yémen, Jamal Benomar, sont arrivés lundi à Sanaa, où ils doivent assister à une cérémonie de signature d'un document proposé par l'ONU pour la mise en œuvre d'un plan de sortie de crise élaboré par les pays du CCG, a indiqué à l'AFP une source diplomatique occidentale. Selon la même source, la signature de ce document, discuté par M. Benomar avec le pouvoir et l'opposition lors d'une mission fin juillet à Sanaa, devrait ouvrir la voie à la signature du plan du Golfe, en suspens depuis des mois, par le vice-président yéménite Abdo Rabbo Mansour Hadi. « La signature du plan du CCG par M. Hadi pourrait intervenir dans les prochains jours », a ajouté la même source, proche des tractations en cours. Samedi, un haut responsable saoudien avait affirmé à l'AFP que « d'ici une semaine, le vice-président va signer l'initiative du Golfe au nom du président ».
Le plan du Golfe, élaboré en concertation avec les Etats-Unis et l'Union européenne, prévoit la formation par l'opposition d'un gouvernement de réconciliation et la démission du président en échange de l'immunité pour le chef de l'Etat et ses proches. L'application du plan devrait conduire à « une élection présidentielle anticipée à une date qui reste à fixer, et garantir une transition pacifique et démocratique du pouvoir », selon le décret.
Par ailleurs, les Etats-Unis ont appelé, lundi soir, à la retenue au Yémen, dans un communiqué de leur ambassade à Sanaa. « Nous appelons toutes les parties à s'abstenir d'actions qui provoquent d'autres violences », a déclaré l'ambassade, dénonçant tout ce qui « sape les efforts productifs en cours pour parvenir à un règlement politique de la crise » au Yémen. Rappelant que Washington soutient « une transition pacifique et ordonnée » au Yémen, l'ambassade américaine a affirmé « garder l'espoir qu'un accord sera atteint et mènera à la signature de l'initiative du CCG (Conseil de coopération du Golfe) dans une semaine ».
Le chef des Nations unies, Ban Ki-moon, a condamné « l'usage excessif de la force par les forces de sécurité gouvernementales contre des manifestants sans armes », appelant à « la plus grande retenue ».
Lundi matin, des milliers de personnes ont marché, comme ils l’avaient fait la veille, de la place du Changement jusqu'à la rue...