Les vendeurs d’alcool disent générer le plus clair de leurs bénéfices durant les heures de la soirée et de la nuit.
À l’heure de l’ouverture vendredi dernier, les propriétaires des débits de boisson de la ville de Hadeth, qui sont au nombre de vingt à trente, ont eu la surprise de trouver, collé à leurs vitres, le texte d’une décision municipale leur demandant de fermer leurs portes à 22 h au plus tard. Auparavant, ces établissements, qui vendent presque exclusivement de l’alcool et d’autres boissons, restaient ouverts jusqu’à minuit, une heure ou même plus tard. Ils génèrent le plus clair de leurs bénéfices durant les heures de la soirée et de la nuit.
Le texte de la décision, signé par le président du conseil municipal de Hadeth-Sebnay-Haret el-Botom, Georges Aoun, cite l’article 74 de la loi des municipalités, pour justifier sa volonté « de préserver la sécurité publique et prendre des mesures en vue de mettre un terme au chaos causé par les clients de ces établissements de vente d’alcool, notamment durant la période nocturne ».
En effet, le vendredi soir, des patrouilles sont passées près des débits de boisson, leur demandant de fermer leurs portes dès 22 h sous peine d’écoper d’une amende. La décision a causé un électrochoc auprès des commerçants. « Je fais la plus grande partie de mon chiffre d’affaires à partir de 21h, se plaint la propriétaire d’un de ses débits, qui a requis l’anonymat. Je paye un loyer et des charges, comment suis-je supposée survivre dans ces conditions ? »
Prié de préciser le sens du terme central de « chaos » utilisé dans le texte de la décision municipale, Georges Aoun parle de « rassemblements nocturnes de jeunes devant ces établissements, qui causent des troubles et gênent les habitants ». « Nous avons reçu des dizaines de demandes d’habitants qui se plaignent du bruit des motocyclettes, des disputes entre clans, des bouteilles jetées en pleine rue, dit-il. Ils sont d’ailleurs tous très satisfaits de cette mesure. »
Répondant à l’argument de la sécurité, les propriétaires des débits de boisson ont tout simplement remis en cause l’efficacité d’une telle mesure, surtout qu’elle se limite à Hadeth, alors que les débits de boisson sont présents dans nombre de localités voisines. « Et si les clients vont acheter leurs boissons un peu plus loin, à Aïn el-Remmaneh ou Chiyah, qu’est-ce qui les empêche de venir causer des troubles ici, se demande Évelyne Saadé, propriétaire d’un établissement. En quoi le fait de fermer les débits à 22 h va-t-il régler le problème ? »
Un autre commerçant, Abou Wadih, renchérit : « S’il y a des problèmes de sécurité, que les forces de l’ordre fassent leur travail et arrêtent les contrevenants. Si fermer nos débits contribuait à renforcer la sécurité dans la ville, j’aurais proposé moi-même de fermer mon commerce dès le matin. Mais ce n’est pas le cas. »
Rudy Haddad, lui aussi commerçant, fait valoir un autre argument. « Le client qui veut acheter de la boisson ira ailleurs si nous sommes fermés, dit-il. Je donne un exemple très simple : à quelques mètres de mon commerce, il y a deux autres débits qui dépendent de la municipalité de Baabda. Ceux-là restent ouverts alors que je suis obligé de fermer mes portes tôt. Plus absurde encore, non loin de moi se trouve un petit supermarché qui dispose d’un rayon de boissons alcoolisées bien plus développé que le mien. Il reste ouvert jusqu’à minuit. Si je suis fermé, les clients vont sans peine s’approvisionner chez lui. Nous l’avons d’ailleurs constaté : le nombre de clients qui boivent dans les rues n’a pas diminué depuis cette décision. »
Boissons et mobylettes
Mais le président de la municipalité persiste et signe : les boissons vendues durant les heures de la nuit à des clients souvent très jeunes est un prélude à de nombreux écarts de conduite. « Ces jeunes commencent par boire quelques bières et ils finissent inévitablement par se disputer, affirme-t-il. Leur présence dans la rue les expose à de nombreux risques, comme celui de tomber dans la drogue. Nombre de mères nous ont demandé avec insistance de prendre une telle mesure parce qu’elles n’arrivent plus à retenir leurs jeunes à la maison quand l’alcool est disponible si tard et bon marché. »
S’il y a clairement un problème socio-économique dans la région, est-ce qu’il suffit de fermer plus tôt les débits de boisson pour le régler ? Quel rapport avec le fléau de la drogue ? « Nous pensons que si l’alcool est moins disponible la nuit, avec des clients qui entrent et sortent des commerces une bière à la main, il n’y aura plus de rassemblements et de tapage dans notre ville qui est très résidentielle, explique Georges Aoun. Si les jeunes sont hors de la rue, ils seront soustraits à l’influence du trafic de drogue. Par ailleurs, il faut préciser que la fermeture des débits à 22 h n’est qu’une des mesures que nous comptons prendre pour lutter contre les fléaux sociaux. »
À la question de savoir pourquoi les fauteurs de troubles ne sont pas tout simplement arrêtés, surtout que les habitants de Hadeth se plaignent depuis longtemps des mobylettes bruyantes qui sillonnent la ville nuit et jour, Georges Aoun assure que la municipalité a pris depuis des mois la décision d’interdire ces deux-roues. Mais celle-ci s’avère apparemment difficile à appliquer, les contrevenants étant souvent libérés quelques heures après avoir été arrêtés. Il se plaint également de la présence trop discrète des Forces de sécurité intérieure (FSI) dans la ville, compensée par une présence plus marquée de l’armée. « Nous avons augmenté les effectifs de la municipalité et avons doublé le nombre de patrouilles, notamment la nuit », assure-t-il.
Des clients de différentes régions
Quoi qu’il en soit, les propriétaires de débits de boisson se plaignent de n’avoir pas été notifiés avant pour prendre leurs dispositions. « Même sans avoir été notifiés, ils ont fait tout un tapage médiatique », se plaint Georges Aoun. Rudy Haddad n’est pas de cet avis. « Si on nous avait avertis ou accordé un délai, nous aurions au moins pu prévenir nos clients et nous organiser », dit-il.
La décision de fermer les débits de boisson à 22 h a fait polémique dans le pays. Georges Aoun se défend d’avoir jamais eu l’intention d’interdire l’alcool, niant qu’il y ait eu un quelconque motif politique à son initiative. Selon lui, cette décision vise à protéger les habitants de Hadeth qui sont les principaux clients de ces débits. Interrogés sur leurs clients, les propriétaires des commerces qui se trouvent en plein Hadeth confirment que ceux-ci viennent principalement de la ville ou de Baabda. Toutefois, les commerçants qui se trouvent sur ce qu’on appelle « l’ancienne route de Saïda », plus périphérique, assurent que plus de 90 % de leurs clients habitent la banlieue sud.
Durant les soirées de vendredi et de samedi, seuls trois débits de boisson à Hadeth ont tenu tête et refusé de fermer leurs portes à temps, selon la municipalité. Des procès-verbaux ont été dressés à leur encontre. Les autres se conforment à la décision mais comptent plaider leur cause au plus tôt auprès de la municipalité. Un des commerçants, qui a préféré rester anonyme, a respecté la décision dès la première minute et déclare ne pas désirer entrer en contact avec la municipalité. « Je crois que cette décision ne tient pas debout et ne pourra être appliquée très longtemps », dit-il, très calme.
Franchement André...je n'avais pas remarqué que hadeth étC'est d'autant plus risible que les armes se baladent partoutait devenue l'antre de tous les vices...la pranquillité des citoyens est une chose importante et tu as raison sur ce point.mais est il vraiment nécessaire de s'ataquer aux débits d'alcool?Et tu sais bien à quel point ce genre d'interdiction est symbolique?C'est d'autant plus risible que les armes se baladent partout et que l'essentiel du pays est pratiquement hors la juridiction de l'Etat.je crois qu'il y a vraiement des sujets un peu plus importants à traiter en ce moment,comme calmer l'énervement du hezbollah qui n'arrive décidemment pas à comprendre qu'on peut ne pas être d'accord avec lui,et le considérer quand même tout à fait normalement comme un acteur comme les autres de la vie politique libanaise.
05 h 38, le 19 septembre 2011