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À La Une - L'Orient Littéraire

Lettre à Samir Kassir

"Le voici ton printemps, Samir, qui fleurit en Tunisie, en Égypte, en Libye, et prédit l’avènement des roses à Damas, sauf qu’il se refuse à l’éclosion à Beyrouth !"

Ali Atassi.

Cher Samir,

 

Je t’écris là où tu es. Aucune importance si tu n’arrives pas à m’entendre ni à me lire, je saurais, malgré tout, parler à Samir l’idée, Samir l’espoir. Celui qui vit encore plus intensément en nous durant ces jours historiques où nous disons adieu au malheur arabe. Ce malheur que tu as ainsi résumé dans ton dernier ouvrage : « Le monde arabe est la région de la planète où l’homme a aujourd’hui le moins de chances d’épanouissement. »

 

Cher Samir,

 

Oui, dans ce monde arabe ténébreux et rigide où l’espoir était sur le point de mourir en nous, un vendeur de légumes ambulant tunisien du nom de Mohammad Bouazizi choisit, le 17 décembre 2010, de s’immoler par le feu sur la place publique de sa bourgade Sidi Bouzeid, en protestation à l’humiliation que lui ont fait subir des gendarmes.

 

Et nous voici, huit mois après ce moment fondateur inauguré par le suicide de Bouazizi, devant un nouveau monde arabe où l’espoir grouille et la vie renaît. Trois régimes dictatoriaux sont tombés, jusqu’à maintenant, en Tunisie, en Égypte et en Libye. Deux autres régimes chancellent en Syrie et au Yémen alors que les autres s’efforcent d’essayer d’éviter le changement qui semble pourtant inéluctable.

 

Le mur de Berlin arabe s’est effondré, comme s’il était fait de carton s’étendant de l’océan au Golfe. Ce mur s’asseyait comme une grosse pierre sur nos cœurs, avec sa dualité stérile, le despotisme ou les islamistes, la stabilité ou le chaos. Il avait suffi qu’on triomphe de la peur dans nos cœurs et de sentir le goût de la liberté pour que le mur berlinois de la peur s’écroule comme un château de cartes. Comme on aurait souhaité que tu sois parmi nous pour voir la naissance d’un nouveau monde arabe après de longues décennies de malheur, et la résurgence des printemps asséchés de Damas et Beyrouth, un pur printemps arabe comme celui que tu avais appelé de tes vœux quelques semaines avant ta mort lorsque tu t’es adressé à tes amis syriens pour t’excuser de quelques comportements racistes : « Nos amis syriens, ouvriers, hommes d’affaires ou intellectuels, ont dû se sentir frustrés par ce qu’ils ont ressenti comme une agressivité contre eux alors que ce n’était que le fruit du despotisme qui les enserrait eux et les Libanais. Mais ils redeviendront parents parce qu’ils savent plus que quiconque que le printemps arabe s’il fleurit à Beyrouth annonce aussi le temps des roses à Damas. »

 

Le voici ton printemps, Samir, qui fleurit en Tunisie, en Égypte, en Libye, et prédit l’avènement des roses à Damas, sauf qu’il se refuse à l’éclosion à Beyrouth !

 

Imagine, que pendant que le peuple syrien connaît un soulèvement pacifique pour la liberté et la dignité et qui lui coûte des milliers de morts et des dizaines de milliers de blessés et disparus, tes camarades libanais trouvent beaucoup de difficultés non seulement à affronter la dictature des communautés aux têtes multiples, mais même à manifester leur appui à la révolution syrienne dans les rues de Beyrouth.

 

Imagine, qu’au moment où les peuples arabes embrassent le vent de la liberté et du changement, s’éloignant de l’ostracisme et du radicalisme islamique, les chefs des communautés libanaises soufflent dans le feu des identités étriquées, les peurs stériles et les minorités menacées.

 

Tu a écris, un jour, Samir, sur la relation organique entre la démocratie syrienne et l’indépendance du Liban, déclarant que « l’indépendance à reconstruire au Liban est des conditions essentielles à l’émergence de la démocratie en Syrie ». Et nous avons vu un retour du Liban à son indépendance sans un retour à la démocratie en Syrie. Cette indépendance fut vidée en quelques années de ses dimensions libératrices. Tu avais déjà écrit sur l’interdépendance de la liberté des deux peuples. Comme si tu reformulais, aujourd’hui, l’expression précédente pour avertir et annoncer : la démocratie du Liban dépend de celle de la Syrie, et la démocratie à établir en Syrie pourrait être une des conditions essentielles de l’émergence d’une véritable démocratie au Liban et l’instauration de son indépendance tant souhaitée.

 

Samir, nous tenons toujours promesse et l’un de nous attend toujours à Bab Touma pour porter ton nom. Je tombe toujours sur ton aimable visage en guise de photo de profil sur les pages facebook d’un grand nombre de jeunes Syriens.

 

Comme si tu étais à leur côté dans leur révolution ! En effet, tu es bien là…

 

(Retrouvez l'intégralité de L'Orient Littéraire ici)

 

 

Cher Samir,
 
Je t’écris là où tu es. Aucune importance si tu n’arrives pas à m’entendre ni à me lire, je saurais, malgré tout, parler à Samir l’idée, Samir l’espoir. Celui qui vit encore plus intensément en nous durant ces jours historiques où nous disons adieu au malheur arabe. Ce malheur que tu as ainsi résumé dans ton dernier ouvrage : « Le monde arabe est la...

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