Mais un ministre contredit cette approche. Il assure en effet que le gouvernement subsistera tant qu’il continuera à bénéficier de la confiance de la Chambre. Et tant que son chef et ses membres, qui représentent les forces politiques constituant la nouvelle majorité, ne démissionneront pas. Une perspective que le président Mikati travaille tous les jours à écarter en multipliant les réalisations. Et en refusant de polémiquer car cela ne servirait qu’à le distraire du service public.
À cela s’ajoute un élément primordial : le Hezbollah tient au maintien d’un gouvernement où le 8 Mars détient les deux tiers des portefeuilles. Il en a besoin comme couverture dans la phase de mutation actuelle, marquée par d’importantes secousses régionales qui présagent des changements en profondeur.
Le ministre enchaîne en pronostiquant que le gouvernement continuera à tenir la barre jusqu’aux législatives de 2013. Sauf, bien entendu, si, par suite d’un gros problème occurrent, le chef du gouvernement n’était obligé de rendre son tablier avant cette échéance.
Un député majoritaire rappelle de son côté que le conflit sur l’électricité a été réglé, avec des amendements au projet Bassil, malgré le radicalisme manifesté au début par le général Michel Aoun, dont les menaces de retirer ses ministres se sont transformées en affirmation qu’il laisserait plutôt d’autres partir. Car, pour sa part, il tient à rester pour accomplir son projet de réforme dans les départements confiés à ses lieutenants.
Les cadres du 8 Mars et leurs alliés directs se disent convaincus que le cabinet est immunisé localement par le Hezbollah. À les en croire, cela suffit, le volet extérieur n’entrant plus en jeu à cet égard.
Assurances
Un ministre indépendant exclut également une implosion prochaine due à un quelconque litige. Il assure qu’il y aurait accord assez vite sur les nominations quand elles viendront à l’ordre du jour. Il affirme que l’on a fait circuler, en la vendant pour ainsi dire, une formule permettant d’honorer la dette de financement du TSL, arriérés compris, sans veto, par avance du Trésor que solliciterait Nagib Mikati sur base du principe que nul au Liban n’a intérêt à ce que le pays s’attire l’hostilité de la communauté internationale et des capitales occidentales, qui le priveraient de toute assistance et lui infligeraient des sanctions que son économie exsangue ne pourrait pas supporter.
De fait, les Occidentaux évitent de se prononcer sur le cabinet Mikati en attendant de voir s’il va honorer l’engagement à 49 % pris par le Liban au sujet du financement du TSL, créé pour lui. Un diplomate indique que le jour où le président Mikati annoncerait les mécanismes concrets du respect de la créance, il recevrait de suite les congratulations de chefs d’État ou de gouvernement. Dont certains demanderaient à visiter le Liban. C’est ce qu’un ambassadeur aurait glissé récemment à l’oreille du Premier ministre en lui répétant que le financement est important aux yeux de l’Occident et donnerait à son gouvernement une crédibilité qu’il n’a pas encore. Car cela signifierait que la nouvelle majorité n’embarque pas le Liban dans le sillage de l’axe syro-iranien, ce front qui combat l’Occident, ni dans l’orbite définitive du Hezbollah.
Il convient de dire que lors de son séjour en Arabie saoudite, pour le devoir religieux de la oumra, Nagib Mikati a rencontré un responsable qui lui a décerné un satisfecit, estimant que ses positions sont identiques à celles de ses prédécesseurs. Le Premier ministre a de même explicité ses vues au ministre français de la Défense, Alain Juppé. Et, également à Paris, à Jeffrey Feltman. À tous, il a redit que le Liban assumera toujours ses obligations internationales, sans dériver, mais dans le respect de ses spécificités.
Une ligne qui agace le Hezbollah, sa réaction étant visible à travers l’agitation syndicale actuelle, CGTL en tête. Et le général Michel Aoun, l’allié principal du parti chiite, s’est engagé dans une sévère campagne de critiques contre le président Mikati. Que, cependant, rien n’ébranle. Il s’est en effet empressé, pour riposter avec éclat aux pressions, de reconduire pour trois ans, par décret signé du président de la République, le mandat des juges locaux affectés au TSL par les autorités libanaises. Il s’agit de Micheline Breidi et de Walid Akoum. De plus, les juges Jocelyne Tabet et Marie Radi ont été affectées à la magistrature debout, entendre le parquet du TSL. Quant aux deux autres juges de siège de nationalité libanaise, ils sont désignés par l’ONU, et Beyrouth ne peut pas décider à leur sujet. En tout cas, l’un, Ralph Riachi, est démissionnaire, et l’autre, Afif Chamseddine, est à la retraite.
Nagib Mikati apparaîtra donc blanc comme neige aux yeux de l’ONU où il se rend le 25, le Liban devant présider le 27 la séance du Conseil de sécurité consacrée au Moyen-Orient.