Hadeth coupée en deux par le boulevard Camille Chamoun et l’ancienne route de Saïda.
Le conseil municipal de l’époque avait laissé faire la transaction, provoquant la colère des habitants qui craignaient une sorte de mainmise chiite sur leur localité traditionnellement chrétienne. Georges Aoun était alors membre minoritaire du conseil municipal. Il avait eu beau protester, la transaction a été faite et enregistrée dans les plus brefs délais, sans d’ailleurs passer par la procédure habituelle qui exige l’aval du conseil municipal. À peine les élections municipales du 2 mai remportées à Hadeth par le Courant patriotique libre, le nouveau président, Georges Aoun en l’occurrence, s’est empressé de chercher à bloquer la transaction.
Conformément à sa campagne électorale qui était axée sur la nécessité d’empêcher des ventes de terrains entre personnes d’appartenances religieuses différentes, pour apaiser les habitants chrétiens, il a d’abord déposé une plainte et un recours contre la transaction, sur la base d’une irrégularité dans l’enregistrement du bien-fond et en arguant de la volonté de la municipalité de construire sur cette colline des projets d’intérêt général. Il a aussi sollicité l’aide de Bkerké, de la Ligue maronite et bien entendu du général Michel Aoun. Grâce à ses bonnes relations avec le secrétaire général du Hezbollah, ce dernier a obtenu l’accord des acheteurs pour revendre la colline aux chrétiens au prix d’achat, c’est-à-dire 50 millions de dollars. L’accord conclu à l’automne 2010 devait être exécuté au début de l’année 2011. Il s’agissait donc pour les nouveaux membres du conseil municipal de trouver des acheteurs chrétiens. De nombreuses personnalités ont été sollicitées, mais il n’a pas été possible de réunir la somme. Cela fait un an que cela dure, la municipalité a toutefois obtenu le gel de la transaction en attendant de trouver les acheteurs, tout en cherchant à faire baisser le prix. Une commission de la Banque du Liban a été ainsi priée d’évaluer le terrain et a estimé son prix à 47 millions de dollars. La municipalité espère ainsi réunir la somme bientôt et conclure le rachat dans les plus brefs délais.
À cet égard, Georges Édouard Aoun s’étonne des campagnes médiatiques menées contre lui, l’accusant de favoriser l’achat de terrains par les chiites dans la bourgade, alors que c’est exactement le contraire qui se produit. Devant la carte de Hadeth, le chef de la municipalité explique ainsi que la bourgade s’étend sur 5,5 km2 et qu’elle est coupée en deux par le boulevard Camille Chamoun. La partie nord est à 90 % chrétienne (avec 5 % de chiites et autant de sunnites), alors que la partie sud, appelée aussi Saki Hadeth, a été pendant la guerre une ligne de démarcation et un no man’s land. Avec l’arrêt de la guerre et le malaise chrétien qui l’a suivie, ainsi que le boom démographique dans la banlieue sud, les chiites ont commencé à s’étendre dans cette zone. Entre 1995 et 2005, ils ont acheté massivement des terrains à Saki Hadeth qui est devenue à 90 % chiite. Le conseil municipal élu en 1999 et qui est resté en place jusqu’au 2 mai 2010 a accordé près de 1 200 permis de construire dans cette zone, favorisant ainsi l’extension de la communauté chiite vers le nord.
Georges Aoun précise qu’il a fallu attendre l’élection du nouveau conseil municipal pour renverser la tendance. Dès son entrée effective en fonctions, le 20 mai 2010, le nouveau conseil municipal a aussitôt décidé d’empêcher la vente de terrains dans la bourgade à des non-chrétiens, d’autant qu’il était convaincu que si rien n’était fait, même la zone supérieure de Hadeth changerait d’identité confessionnelle. Il faut signaler dans ce cadre que la partie supérieure abrite près de 50 000 chrétiens (dont seulement 20 000 sont originaires de Hadeth même) alors qu’il y a déjà 60 000 chiites dans Saki Hadeth.
Georges Aoun insiste sur le fait qu’il ne s’agit nullement d’une discrimination à l’égard des chiites ou des non-chrétiens, mais qu’il s’agit plutôt de préserver la coexistence et le tissu social libanais. Le conseil municipal a commencé par lancer une campagne en ce sens à l’aide de panneaux et de stickers, mettant aussi à contribution les curés de la bourgade chargés de pousser les fidèles à refuser de vendre leurs terrains à des non-chrétiens dans leurs sermons. En même temps, le conseil municipal a mené une campagne explicative auprès des notables chiites sollicitant l’aide des députés de la région et du chef du CPL. Georges Aoun est catégorique, toute cette démarche n’aurait pas été possible sans l’entente conclue entre le CPL et le Hezbollah, qui a apaisé les tensions et permis une compréhension mutuelle des appréhensions de chaque camp.
Dans la partie nord de Hadeth, une autre colline, celle de Mar Mtanios (qui regroupe 51 terrains sur une superficie totale de 39 000 m2), fait aussi l’objet d’une controverse. Cette colline a été achetée en février 2010 (peu avant les élections municipales) par des personnalités chiites. Le nouveau conseil municipal s’est aussitôt démené pour obtenir l’annulation de la vente, découvrant là aussi des irrégularités de procédure, puisque là encore les acheteurs ont omis d’obtenir de la municipalité le certificat montrant qu’il n’y a pas de constructions sur le terrain acheté. Le conseil municipal a ensuite adopté une décision d’expropriation, invoquant la volonté de construire un hôpital et un jardin public sur les lieux. La vente a été ainsi arrêtée. Il s’agit encore une fois de trouver les fonds pour réaliser tous ces projets...
Ce qui est sûr, c’est que la campagne de la municipalité pour éviter la vente de terrains à des non-chrétiens obtient l’adhésion de la population. Selon un sondage réalisé par l’institut de Abdo Saad, 78 % de la population de Hadeth appuie cette démarche, d’autant que grâce à ces mesures, les prix des terrains ont baissé dans le secteur. D’ailleurs, d’autres chefs de municipalité consultent désormais Georges Édouard Aoun et lui demandent conseil. Mais le plus important pour lui et pour le conseil municipal de Hadeth dans son ensemble est le fait que cette action a été citée en exemple lors de la réunion chrétienne élargie chez le patriarche Raï. Ce dernier, qui vient d’effectuer une tournée de deux jours dans la région du Metn et dans le caza de Baabda, ne cesse d’évoquer la vente des terrains et la façon dont la municipalité de Hadeth est en train de protéger l’identité religieuse de la bourgade dans la bonne entente avec ses voisins.
Dans ce pays où un problème chasse l’autre sans avoir été résolu, il y a aussi de bonnes nouvelles, comme celle des collines de Hadeth, en dépit des campagnes médiatiques et de la volonté délibérée, précise Georges Édouard Aoun, de certaines parties politiques de jouer sur la peur de l’autre et de fabriquer de fausses informations sur une volonté chiite de mettre la main sur Hadeth. « Nous vivons en bonne entente et nous nous respectons mutuellement », dit-il.
À bon entendeur salut !
Quand aux achats de terrains ! à mon humble avis, tout Libanais peut acheter partout au Liban. A moins qu'on puisse démontrer la mauvaise foi. Qu'en est-il des non Libanais, qui ont presque tout acheté déjà, directement ou par personnes interposées ? Anastase Tsiris
03 h 30, le 18 septembre 2011