Rechercher
Rechercher

La Palestine à l'ONU, décryptage - Tribune

La Palestine à l'ONU, les enjeux d’une bataille diplomatique

Dominique Vidal, journaliste et historien, vient de coordonner l’ouvrage collectif "Israël-Palestine : Un État ? Deux États ?", à paraître en octobre chez Sindbad/Actes Sud.

Dominique Vidal, journaliste et historien, vient de coordonner l’ouvrage collectif "Israël-Palestine : Un Etat ? Deux Etats ?", à paraître en octobre chez Sindbad/Actes Sud.

Sauf surprise de dernière minute, le 20 septembre prochain, l’Organisation des Nations unies (ONU) sera saisie de la candidature de l’État de Palestine. Et, selon les observateurs, plus de 129 États – c’est-à-dire la majorité des deux tiers requise pour l’admission d’un nouveau membre – ont d’ores et déjà annoncé qu’ils voteraient en sa faveur. Quinze à vingt autres envisageraient d’en faire autant.

 

Trois hypothèses peuvent être envisagées :

- soit l’Autorité palestinienne demande au Conseil de sécurité de statuer sur la candidature de l’État de Palestine comme État membre, à laquelle les États-unis ont annoncé qu’ils opposeraient leur veto. Reste toutefois à savoir si Barack Obama fera passer son intérêt électoral de futur candidat à la présidence avant le coût géopolitique d’un tel geste en plein printemps arabe ;

- soit les Palestiniens se contentent d’un statut d’État observateur, pour lequel le vote de l’Assemblée générale suffit. Cela leur permettrait, entre autres, d’entrer dans l’ensemble des organisations onusiennes, à commencer par la Cour internationale de justice (CIJ) et la Cour pénale internationale (CPI) ;

- soit le clash se conclut par une simple résolution de l’Assemblée générale demandant la reconnaissance de l’État de Palestine, sans pour autant entamer la procédure nécessaire.

 

A des degrés divers, l’issue de la bataille diplomatique en cours modifiera la donne du conflit israélo-palestinien. Il suffit d’ailleurs d’observer la panique qui a saisi le gouvernement de Tel-Aviv et ses alliés occidentaux pour en prendre la mesure. Ambassadeur d’Israël à l’ONU, Dan Prozor a écrit dans un télégramme secret, révélé par le quotidien Haaretz, que son pays n’a « aucune chance d’empêcher la reconnaissance de l’État de Palestine (1) ». Au terme de plus de soixante rencontres avec ses homologues à New York, il assure : « Le maximum que nous puissions espérer, c’est qu’un groupe de pays s’abstienne ou soit absent lors du vote (…) Seuls quelques pays voteront contre l’initiative palestinienne. »

 

Le principal changement concernera sans doute les rapports futurs entre Israéliens et Palestiniens. La reconnaissance de l’Etat de Palestine ne constituera évidemment pas un coup de baguette magique apportant la paix sur un plateau. Mais, soixante-quatre ans après le plan de partage du 29 novembre 1947, l’entrée à l’ONU du second Etat prévu à l’époque tournera la page du soi-disant « processus de paix ». Finies, les négociations dissymétriques où le pot de fer israélien imposait ses conditions au pot de terre palestinien, avec la complicité d’un arbitre partial, l’Amérique toute puissante au sein d’un Quartet à sa botte.

 

Désormais, il faudra qu’Israël négocie avec un État reconnu comme lui par la communauté internationale, dans le cadre de cette dernière et sur la base de ses résolutions. C’est dire que la bataille pour les droits du peuple palestinien, inscrits dans le droit international et rendus plus légitimes encore par le vote, bénéficiera d’un véritable tremplin. Pour imposer les frontières de 1967, quitte à ce que les deux États négocient des échanges de territoires sur une base d’égalité. Pour que Jérusalem devienne la capitale des deux États. Pour que les soldats et les colons juifs quittent la Cisjordanie. Pour que les réfugiés de 1948 et leurs descendants bénéficient du droit, soit à une compensation, soit au retour prévu dans la résolution 194 de l’Assemblée générale du 11 décembre 1948, la mise en œuvre de ce principe intangible devant faire l’objet, là encore, d’un accord entre les deux gouvernements.

Car il va de soi que le partenaire du gouvernement israélien pour les négociations à venir ne saurait être l’Autorité palestinienne, mais bel et bien le gouvernement d’union nationale prévu par le Fatah et le Hamas dans leur accord du Caire de la fin avril 2010. Certes, les maîtres de Gaza laissent le président Mahmoud Abbas mener les grandes manœuvres diplomatiques actuelles, avec sans doute l’arrière-pensée de lui faire porter le chapeau en cas d’échec. Mais les déclarations de Khaled Meshaal (2) comme celle de Musna Abou Marzook (3) en témoignent : le mouvement islamiste a bel et bien entériné l’objectif de la reconnaissance d’un État palestinien aux côtés d’Israël.

 

Soyons clairs : la réunification, qui reste à concrétiser, des deux principales composantes du mouvement national palestinien n’est pas tombée du ciel. Les Intifadas arabes y ont largement contribué, qu’il s’agisse des pressions exercées par le nouveau régime égyptien ou de la peur des deux bureaucraties de voir la jeunesse palestinienne descendre, elle aussi, dans les rues pour « dégager » des dirigeants en échec. Car ni la ligne politico-diplomatique suivie par le Fatah depuis 1974 ni la « lutte armée » ressuscitée un temps par le Hamas n’ont apporté aux Palestiniens les résultats escomptés.

 

Ce double échec m’amène à une ultime remarque. Les observateurs israéliens les plus lucides ne le cachent pas : s’ils prônent la reconnaissance par leur propre gouvernement de l’Etat de Palestine, c’est qu’ils y voient la dernière chance de la solution bi-étatique du conflit. Même le président Shimon Pérès, que seuls les naïfs classent parmi les « visionnaires », a exprimé la crainte qu’« Israël devienne un État binational », expliquant : « Nous allons nous écraser sur le mur (sic). Nous galopons à toute vitesse vers une situation où Israël cessera d’exister comme Tata juif. » Et de mettre en cause le Premier ministre Netanyahu en ajoutant : « Quiconque accepte le principe de base des lignes de 1967 bénéficiera du soutien international. Quiconque les rejette perdra le monde (4). »

De fait, jamais Israël n’a jamais été aussi isolé. Les secousses du monde arabe ébranlent les paix séparées avec l'Égypte (1979) et la Jordanie (1974). Le refus de présenter ses excuses pour la mort des neuf Turcs du Marmara conduit Ankara, allié de cinquante ans, à expulser l’ambassadeur de Tel-Aviv. Une partie de l’establishment américain estime que le soutien inconditionnel à l’État juif coûte politiquement et stratégiquement trop cher aux États-unis. L’opinion mondiale voit en lui un des États les plus dangereux pour la paix du monde (5).

 

Si les Nations unies n’accueillent pas un État de Palestine aux côtés de l’État d’Israël, la question du passage à une perspective binationale ne relèvera plus d’un vieux débat théorique : elle s’inscrira à l’ordre du jour du Proche-Orient et du monde.

 

 

----------------


(1) Haaretz, Tel-Aviv, 28 août 2011.

(2) Le chef du Hamas en exil avait déclaré que le mouvement islamiste partage avec le Fatah du président Mahmud Abbas « l'objectif national commun d'établir un État palestinien indépendant et souverain en Cisjordanie et dans la bande de Gaza avec Jérusalem pour capitale, sans un seul colon, sans renoncer à un seul pouce, ni au droit au retour » des réfugiés (www.lepoint.fr/monde/le-hamas-pret-a-un-etat-palestinien-a-cote-d-israel-06-05-2011-1327819_24.php).

(3) « Nous n’avons pas d’Etat. Il est plus que temps que la force de la loi internationale joue son rôle en garantissant l’avenir de notre peuple. Le vote des Nations unies reconnaîtrait un Etat de Palestine, qui serait un point de départ crucial pour notre participation à la communauté des nations, la reconstruction de notre pays et la détermination de notre propre futur sans interférence ou contrôle de la part d’autres », écrit-il dans une tribune au Los Angeles Times du 12 juin 2011 (latimes.com/news/opinion/commentary/la-oe-marzook-palestine-20110612,0,4707176.story).

(4) Haaretz, 17 juin 2011 (www.haaretz.com/print-edition/news/peres-warns-israel-in-danger-of-ceasing-to-exist-as-jewish-state-1.368132).

(5) Cf. http://israelpalestine.blog.lemonde.fr/2011/03/08/israel-une-image-toujours-aussi-negative/

 

Sauf surprise de dernière minute, le 20 septembre prochain, l’Organisation des Nations unies (ONU) sera saisie de la candidature de l’État de Palestine. Et, selon les observateurs, plus de 129 États – c’est-à-dire la majorité des deux tiers requise pour l’admission d’un nouveau membre – ont d’ores et déjà annoncé qu’ils voteraient en sa faveur. Quinze à vingt autres...