Les propos tenus par le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, en France au sujet du régime syrien et des armes du Hezbollah continuent de susciter de vifs remous dans les différents milieux politiques locaux, ainsi que dans certaines grandes capitales étrangères. La question que se posent nombre d’observateurs sur ce plan est de savoir quelle serait l’attitude des chrétiens du 14 Mars à l’égard du patriarche à la lumière de ses récentes prises de position contestées.
D’aucuns craignaient que les leaders et pôles chrétiens du 14 Mars ne décident de boycotter purement et simplement Mgr Raï. Mais une petite phrase lancée hier par le chef du parti des Forces libanaises, Samir Geagea, ainsi que les indications fournies parallèlement par des sources proches des FL laissent penser qu’une telle option n’est nullement envisagée. M. Geagea a ainsi qualifié de « nuage d’été qui s’est maintenant dissipé » les réactions locales aux propos de Mgr Raï. Le leader des FL a d’autre part exprimé sa satisfaction à la suite des explications fournies par le patriarche depuis son retour à Beyrouth. Quant aux milieux proches des FL, ils ont souligné qu’un boycottage de Mgr Raï n’est nullement envisagé.
Des sources dignes de foi ont indiqué dans ce cadre à L’Orient-Le Jour que de vastes concertations ont été entreprises ces derniers jours loin des feux de la rampe entre les pôles chrétiens du 14 Mars afin d’évaluer la situation après les dernières déclarations de Mgr Raï. Il aurait été convenu sur ce plan qu’un boycott n’est pas la bonne option à adopter, ce qui n’exclut pas que les leaders et hauts responsables chrétiens du 14 Mars feront preuve d’une extrême franchise lors de leurs prochains entretiens avec Mgr Raï et mettront l’accent sur la nécessité de lever toute équivoque possible au sujet des propos tenus en France concernant les armes du Hezbollah et la position à l’égard du régime syrien.
Le point de vue des pôles chrétiens du 14 Mars sur ce plan pourrait être vraisemblablement exposé au cours de la réunion que les leaders maronites et chrétiens tiendront le 23 septembre prochain sous l’égide du patriarche, dans le cadre de l’initiative lancée par Mgr Raï depuis son élection afin de tenter d’unifier les rangs chrétiens au sujet des grands dossiers cruciaux qui se posent au pays. Il se confirme donc que cette réunion au sommet interchrétienne aura lieu, alors que certains médias avaient émis l’hypothèse d’un report de la rencontre en raison des retombées de la « bombe Raï ». Mgr Samir Mazloum a d’ailleurs affirmé hier que la réunion du 23 est bel et bien maintenue à la date prévue, contrairement à ce qu’avaient avancé divers médias.

Les réactions aux propos de Raï
En tout état de cause, les déclarations de Mgr Raï faites en France et les remous qu’elles ont provoqués ont suscité de nouvelles réactions au cours des dernières vingt-quatre heures.
Le chef du législatif, Nabih Berry, a ainsi souligné devant les parlementaires qu’il a reçus hier que « les propos du patriarche Raï reflètent une attitude patriotique au sujet des développements en cours au Liban et dans la région, de même qu’ils expriment des appréhensions véritables concernant les retombées des événements sur la situation des chrétiens ».
De son côté, le vice-président de la Chambre, Farid Makari, a émis l’espoir que le patriarche rectifiera sa position « de manière à rétablir le discours de Bkerké dans la ligne qui traduit réellement le point de vue et les aspirations des chrétiens ». Évoquant la position de Mgr Raï concernant la révolution syrienne, M. Makari a réfuté la thèse selon laquelle « ce qui est connu est mieux que l’inconnu », soulignant que « nous savons tous ce que le Liban et les chrétiens ont enduré du fait des agissements de ce qui est connu » (le régime syrien).
Pour sa part, le député Imad el-Hout (Jamaa islamiya) a relevé que Mgr Raï a pris conscience de « l’erreur qu’il a commise ». « Les propos du patriarche ont placé les chrétiens du Liban et du Moyen-Orient dans la position du faible qui a constamment besoin de protection, a déclaré M. Hout. Telle n’est nullement l’aspiration des chrétiens qui représentent une partie fondamentale de ce pays. Leur rôle en tant que citoyens doit être un rôle à part entière, indépendamment du régime en place. »
L’ancien député Farid Haykal el-Khazen a stigmatisé les attaques contre le patriarche, soulignant que le patriarcat maronite constitue « une ligne rouge », appelant ceux qui ont « insulté » Mgr Raï à « présenter des excuses ». Enfin, M. Massoud Achkar a condamné lui aussi les attaques contre « la personne et la position du patriarche ».