La rebuffade : la justice a démenti hier l’annonce, mardi par Mahmoud Ahmadinejad – dans une interview au Washington Post et à la chaîne de télévision NBC – de la libération imminente de deux Américains accusés d’espionnage et indiqué, la précision s’imposait, qu’« aucune information d’aucune sorte sur le sujet, émanant d’autres sources que judiciaires, n’est valide ». Hillary Clinton avait été bien inspirée de faire preuve de circonspection quand elle avait trouvé simplement « encourageante » l’annonce gouvernementale et espérer, « bien sûr », une issue positive à une affaire passablement embrouillée. C’est que, après une première dénégation, le pouvoir judiciaire avait confirmé implicitement la remise en liberté de Shane Bauer et Josh Fattal en faisant savoir que l’exécution de la mesure allait être retardée de quatre jours pour de simples questions de procédure. Pour ceux qui l’ignoraient jusqu’à présent, Thémis aux yeux bandés a aussi les oreilles bouchées et ne saurait donc entendre les injonctions de l’exécutif.
Le scandale ensuite. Les médias révélaient il y a trois jours l’existence d’un trou (un gouffre plutôt) dans les comptes de la banque Saderat et de sept autres établissements. Le total des pertes est propre à donner le vertige : 28 000 milliards de riyals, soit près de 2,6 milliards de dollars empochés en 2009 par un mystérieux Monsieur X dont il va bien falloir, un jour ou l’autre, révéler l’identité. Cet escroc, semble-t-il, était passé maître dans l’art de la fabrication de fausses lettres de crédit, ce qui lui avait permis de se porter acquéreur d’un certain nombre d’entreprises figurant dans le joyau avant de tenter de créer... une banque. Audentes fortuna juvat (la fortune sourit aux audacieux), disait déjà Virgile dans l’Énéide. Toutes les personnes impliquées dans ce « cas de corruption financière sans précédent » dans l’histoire de la République islamique, au dire de Mostafa Pour Mohammadi, président de l’Organisation générale de l’inspection, ont été arrêtées. Depuis, plus rien n’avait filtré sur l’affaire, les comparses et leur chef. Hier mercredi, le président de la République a fini par sortir de la réserve dans laquelle il se cantonnait pour exiger que toute la lumière soit faite, après une enquête « honnête », et dénoncer le comportement de certains journaux qui parlent de l’implication de son entourage. « J’ai demandé, a-t-il martelé, que soient identifiés tous les responsables, qu’il s’agisse de parlementaires ou d’hommes de religion. »
L’allusion au clergé n’est pas fortuite. Le conflit entre les mollahs et les civils ne relève plus du secret d’État, surtout après l’affaire dite des services spéciaux, quand le ministre de tutelle, le hodjatoleslam Heydar Moslehi, avait été « démissionné » par le chef de l’État avant d’être réintégré à son poste par le guide, en vertu d’une coutume qui veut qu’il incombe au leader suprême de désigner le responsable de ce secteur, clef de voûte d’un système dont la transparence est loin de constituer la principale vertu. Il est évident que le problème posé par un département ministériel, quelle que soit l’importance de celui-ci, ne représente que la partie visible de l’iceberg. Ahmadinejad est soupçonné d’œuvrer en douce à l’élimination de toute présence des religieux au sein du pouvoir, inspiré et aidé en cela par son âme damnée, Esfandiar Rahim-Mashaei, aujourd’hui tombé en disgrâce mais qui pourrait, dit-on, ressurgir à tout moment. Les mollahs, en vertu de ce plan, seraient remplacés progressivement par des éléments laïcs et jeunes, venus des rangs des pasdaran et des bassidjis.
On pourrait aussi, en creusant plus profondément, évoquer deux visions opposées, l’une représentée par les partisans de la wilayet el-faqih, l’autre par les adeptes du mahdisme prônant l’instauration non pas d’une république mais d’une sorte d’émirat, en attendant le retour du mahdi. Sur le sujet, une impressionnante quantité d’ouvrages avait commencé à circuler dans les rues des grandes villes du pays, ainsi que des copies d’un documentaire tourné par un cinéaste, Ali Asghar Sobhani, avant qu’un terme soit mis à cette dérive avec l’emprisonnement de celui-ci.
À la mi-juin, le New York Times publiait dans sa page éditoriale un article dont les signataires évoquaient les chances de parvenir, sous l’égide d’Ahmadinejad, à un accord sur le programme nucléaire, à un dialogue avec les États-Unis et à une redéfinition des priorités de la République islamique*.
Un embarrassant plaidoyer dont l’intéressé se serait volontiers passé dans les circonstances présentes.
* « Ahmadinejad’s Fall, America’s Loss », Suzanne Maloney et Ray Takeyh, le 15 juin 2011
Les enturbannés veulent la peau d'Ahamadinedjad...qui passe à leurs yeux pour un dangereux progressiste(sic!),et pire encore pour honnête homme.(ce que je crois qu'il est).Et plus encore,c'est maintenant un homme politique qui a appris avec le temps à composer avec les réalités internationales.Je ne pensais pas être amené un jour à lui souhaiter bonne chance...eh bien,bonne chance M.Ahmadinedjad,parceque vous allez avoir à affronter ce qu'il y a de pire dans la race humaine en général(toutes considérations de confession mises de côté)....des religieux fanatiques et qui plus est corrompus jusqu'à la moelle!
07 h 12, le 15 septembre 2011