Pionnière de l’autopartage en Amérique du Nord, la société montréalaise Communauto a développé le plus ambitieux projet de voitures électriques en libre-service du continent. Dans un parking souterrain du centre-ville de Montréal, Jean-François Beauchamp débranche un câble reliant une borne à un véhicule, ouvre la portière de l’engin et démarre en silence une voiture électrique utilisée en formule autopartage. En route, le moteur de la voiture tatouée du slogan « 100 % électrique » ne bourdonne pas et le tableau de bord indique sur un écran digital l’autonomie de la batterie – environ 140 km – qui varie au fur et à mesure du déplacement. Quand il freine ou descend une côte, la batterie se recharge. « C’est très silencieux, agréable, et ça n’utilise pas d’essence », note ce développeur de sites Internet de 44 ans, abonné de longue date à Communauto. « Mais il faut bien planifier son trajet parce qu’on ne peut pas s’arrêter à une station-service pour remettre de l’essence », plaisante-t-il.
Les grands constructeurs automobiles ont développé des modèles électriques, avenir selon certains analystes d’un secteur cherchant désormais à réduire la consommation de pétrole. Et l’avenir, c’est aujourd’hui. Communauto a introduit à la mi-août 17 des 50 voitures prévues dans un projet pilote visant à devenir le leader de la voiture électrique en libre-service en Amérique du Nord. La société montréalaise a acheté des Nissan Leaf et installé des bornes de recharge dans des parkings de Montréal en partenariat avec le géant public Hydro-Québec.
Contrairement à la société américaine Zipcar, Communauto rentabilise sa formule d’autopartage, et ce avec des tarifs hyperconcurrentiels. En plus de l’abonnement annuel, Communauto facture environ 2 dollars l’heure (énergie incluse) pour une voiture. « Avec des voitures à énergie conventionnelle, on a déjà un impact significatif sur la réduction du taux de motorisation de la population, et cela a une incidence directe sur la réduction des gaz à effet de serre », explique Benoît Robert, patron de Communauto qui offre un peu plus de 1 000 voitures en libre-service à ses 25 000 fidèles abonnés. « La voiture électrique va nous permettre de réduire encore plus les émissions de nos utilisateurs. » Le projet novateur « permet au constructeur de faire expérimenter l’automobile électrique à des usagers et d’attirer chez Communauto une clientèle intéressée par l’automobile électrique mais qui n’avait jamais utilisé l’autopartage », souligne Catherine Morency, professeur à l’École polytechnique de Montréal. Dans ce mariage d’intérêt entre l’autopartage et la voiture électrique, ce sont les constructeurs qui ont le plus à gagner à moyen et long terme, nuance-t-elle. Car les vues des deux fiancés divergent : les constructeurs veulent vendre des voitures tandis que Communauto cherche à réduire le nombre de voitures en circulation.
« Notre but n’est pas de faire exploser le parc automobile, mais plutôt de faire connaître l’autopartage », souligne Benoît Robert, yeux allumés derrière ses lunettes noires. Mais le ver semble déjà dans la pomme... L’autopartage convertira des automobilistes à la voiture électrique, ce qui va augmenter la demande pour ces engins, pense Denis Duquet, chroniqueur au Guide de l’auto. « La production va donc augmenter, les prix vont baisser, et donc des gens qui ont utilisé l’auto électrique en Communauto vont probablement devenir propriétaires », pronostique-t-il.
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