Préparant la loi, le ministre n’a pas manqué de recueillir l’opinion des partis ou courants ainsi que des organismes de la société civile. Il leur a exposé les grandes lignes du projet, recueillant leurs remarques et les interrogeant sur la proportionnelle.
Certains ont tenté de l’entraîner, par leurs interrogations, dans une discussion, une chicane, de nature politicienne, mais il ne s’est pas laissé piéger.
Il lui est apparu cependant que la plupart des pôles rencontrés ne veulent finalement pas de la proportionnelle, bien qu’elle soit inscrite dans la déclaration ministérielle. Ainsi, le leader de la Montagne, Walid Joumblatt, représenté au sein du comité d’élaboration par le ministre Waël Bou Faour, rejette catégoriquement cette innovation et insiste pour le scrutin majoritaire. Mais le ministre Charbel insiste et presse les parties de souscrire à sa proposition.
Des cadres de la société civile critiquent certains professionnels de la politique qui, à leur avis, cherchent manifestement à s’assurer de la députation sans regarder à la rectitude démocratique, qui enjoint de respecter la volonté du peuple souverain. Et sans se soucier de savoir si une formule déterminée serait bancale ou non. Ils observent que ces ogres se détournent du premier principe démocratique, à savoir que la majorité gouverne et la minorité s’oppose. Et ne cultivent guère l’esprit de servir le citoyen, de répondre à ses besoins, de lui permettre de porter à la Chambre de vrais représentants, bien informés de ses intérêts et soucieux de les défendre. Sans plus servir de marchepied, ou de faux témoin dans les élections, comme c’est le cas dans nombre de régions.
Intérêts
Le ministre Charbel confie à des cadres de la société civile que les forces politiques sont divisées au sujet de la proportionnelle. À l’en croire, ceux qui la rejettent proposent des formules qui servent leurs calculs. Tandis que ceux qui l’approuvent restent eux-mêmes divisés sur les mécanismes dont il faut la doter. À ses propres yeux, la proportionnelle crée une génération ouverte sur la démocratie, les libertés et suscite le lancement de partis qui ne seraient plus dominés par les confessions ou par l’argent.
De plus, toujours selon Charbel, la proportionnelle assure l’équité et la justesse de la représentation des différentes couches de la société libanaise, en leur donnant un rôle dans la décision nationale. Les députés ne seraient plus élus via les bulldozers ou les bus, alors qu’ils n’ont souvent pas de qualification représentative.
Cependant, devant le nombre élevé d’objections, le ministre envisage de présenter au Conseil des ministres, et par ricochet ultérieur à la Chambre, deux projets bien distincts, l’un avec et l’autre sans la proportionnelle.
Quant au découpage, des sources informées indiquent que l’on s’achemine vers les 14 circonscriptions, le nombre de sièges allant de 7 à 10. Une fourchette suffisamment réduite pour que le taux d’égalité entre votants paraisse satisfaisant. Alors que précédemment un électeur pouvait n’élire que 3 députés contre 19 ailleurs.
La tendance reste d’instiller la proportionnelle dans cette formule de 14 circonscriptions, ou même dans la formule de 1960 si elle devait être reconduite encore une fois.
Quant au scrutin majoritaire, des cadres de la société civile suggèrent qu’il y ait un vote par voix unique, que cela soit dans l’uninominale, la petite, moyenne ou grande circonscription. Cela signifie qu’un électeur ne voterait que pour un seul candidat. D’autres proposent que l’électeur puisse voter pour qui bon lui semblerait dans n’importe quelle circonscription, et pas nécessairement là où il vit, du moment qu’un député représente toute la nation.
Mais rien ne sera réglé avant que l’on n’ait tranché au sujet de la proportionnelle. Une option que les présidents Michel Sleiman et Nagib Mikati défendent avec conviction, aux côtés du ministre Charbel, mais qui se heurte à la ferme opposition des chefs de file, dont elle éroderait les quotas, les blocs et l’influence politique. Alors qu’ils doivent conforter leurs positions dans la perspective de l’échéance de 2013, qui s’annonce particulièrement chaude eu égard à la lutte de pouvoir que se livrent le 14 et le 8 Mars.
Excusez cette intervention. De quelle proportionnelle parle-t-on ? De quelles élections libres parle-t-on ? Peut-il y avoir des éléctions libres quand toute une communauté, sous l'influence des armes que détiennent deux de ses fractions, ferait virer la balance en faveur des partisans de ces fractions et de leurs partenaires ? Aucun pays au monde n'admettrait de telles élections, même si elles seraient supervisées par le monde entier. Dans le contexte actuel, malheureusement imbu de confessionnalisme jusqu'aux os, qui prévaut dans le pays, il serait plus logique d'appliquer la proportionnelle, à l'échelle nationale, où chaque communauté élirait ses propres repésentants. Sinon, qu'on s'attable à ériger, au préalable, l'Etat laïc, et puis qu'on aille à la simple proportionelle, à l'échelle nationale. Anastase Tsiris
08 h 13, le 15 septembre 2011