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À La Une - Analyse

La peur, la liberté et les chrétiens de Syrie

Dessin de William Steig, tiré du début du célèbre ouvrage de Wilhelm Reich, « Écoute, petit homme ! ».

La place et le rôle des chrétiens d’Orient dans les soulèvements populaires sont aujourd’hui au centre de nombreuses polémiques. Il en est ainsi des chrétiens de Syrie qui soutiennent le régime baassiste de Bachar el-Assad au risque de nuire à leur passé honorable de militants de la liberté, mais aussi à leur avenir dans une région en plein bouleversement.
Alors qu’en Égypte, les coptes ont su, tant bien que mal, se placer au cœur de la révolution, les chrétiens syriens, eux, tardent à réagir, ayant surtout à l’esprit la « démocratisation » de l’Irak, avec son lot de violences, de massacres et de réfugiés. Par opposition aux décennies de stabilité et de prospérité dans lesquelles ils se trouvent.
En effet, le pouvoir actuel, entre les mains de la minorité alaouite, a cherché depuis des années à valoriser discrètement l’image du christianisme en Syrie, autre communauté minoritaire, pour contrebalancer l’hégémonie sunnite, religion majoritaire dans le pays.
Ainsi, les fêtes de Noël et de Pâques sont officiellement célébrées en Syrie, où les chrétiens représentent près de 10 % de la population. L’exploitation de l’héritage chrétien a largement contribué à donner l’impression – à l’intérieur et à l’extérieur du pays – que le régime baassiste œuvre pour la tolérance religieuse. D’où l’importance accordée aux sites touristiques chrétiens, comme Maaloula et Saydneya, ainsi qu’aux différents sièges patriarcaux du christianisme oriental se trouvant à Damas. Une politique qui vise à donner une image multiconfessionnelle de la Syrie moderne.
Par ailleurs, l’idéologie nationaliste et séculière du Baas était et est toujours considérée, par les chrétiens, comme un rempart face à la montée de l’extrémisme religieux représenté essentiellement par les Frères musulmans et les mouvements salafistes.
Les chrétiens de Syrie se sont longtemps considérés comme privilégiés, dans une région où les minorités chrétiennes sont régulièrement sujettes aux discriminations, voire aux persécutions. Installés confortablement dans leurs convictions et dans une certaine sécurité socio-économique, les chrétiens de Syrie (il ne faut pas oublier que la majorité d’entre eux sont des citadins habitant essentiellement Damas et Alep) sont aujourd’hui obnubilés par les privilèges qu’ils pensent avoir acquis grâce au régime baassiste.
Il convient en outre de revenir aux craintes centenaires d’une communauté chrétienne minoritaire dans un océan musulman et à la funeste expérience de dhimmitude qu’elle a subie sous l’Empire ottoman.
C’est principalement pour cette raison que les chrétiens d’Orient, et notamment syriens, ont été les principaux initiateurs des idéologies panarabes au début du siècle dernier, pour évacuer, autant que possible, la dimension religieuse et sacrée du domaine public, favorisant ainsi l’émergence de mouvements nationalistes et séculiers, à l’instar du parti Baas fondé par un chrétien syrien, Michel Aflak.
Au pouvoir depuis près de 40 ans, le Baas a ainsi fondé sa légitimité sur sa capacité à atténuer tant bien que mal l’identité islamique de la Syrie actuelle, en jouant toujours sur les craintes des différentes minorités religieuses, à savoir les chrétiens, les druzes et les alaouites face à la montée de l’islamisme.
Avec le début de la révolte en Syrie, et la propagande du régime qualifiant les opposants de terroristes et de salafistes, sans oublier la réaction du gouvernement turc islamiste favorable aux manifestants, les chrétiens ont senti tout l’édifice politique dans lequel ils ont mis leur espoir s’ébranler.
Est-ce toutefois une raison suffisante pour appuyer une dictature sanguinaire au détriment de la liberté et de la dignité humaine ?
Or, aujourd’hui, leur loyauté au président Bachar el-Assad risque de leur coûter très cher. En cautionnant la répression meurtrière du gouvernement contre les manifestations populaires à travers le pays, en se taisant sur les massacres perpétrés par un pouvoir aux abois et en justifiant les atrocités commises dans le but obtu et égoïste de protéger leur communauté, les chrétiens syriens offrent aux opposants du régime les prétextes idéaux pour en faire un potentiel bouc émissaire. Leur déni de la réalité risque de leur être fatal.
Il est bien loin le temps où les chrétiens d’Orient, et notamment syriens, participaient activement à la renaissance culturelle (la nahda) et politique de leurs pays et de la région, à l’instar d’un Michel Aflak, ou d’un Constantine Zreik, par exemple, qui fut le premier recteur de l’université de Damas.
Il ne leur est peut-être pas demandé de descendre dans la rue et de se mettre au premier rang des manifestants. Mais de jouer peut-être un rôle de modérateur, de médiateur entre les différents acteurs. De jouer un rôle capital dans les événements qui ont lieu actuellement. En gros, de prendre leur place dans la nouvelle Syrie qui se construit, au risque d’être marginalisé.
C’est peut-être le moment pour les chrétiens syriens de rectifier le tir et de prôner clairement des positions de principe, eux qui ont toujours été pionniers dans la lutte pour la liberté et l’indépendance. Pour ce faire, ils doivent d’abord dépasser leur peur de la liberté...
La place et le rôle des chrétiens d’Orient dans les soulèvements populaires sont aujourd’hui au centre de nombreuses polémiques. Il en est ainsi des chrétiens de Syrie qui soutiennent le régime baassiste de Bachar el-Assad au risque de nuire à leur passé honorable de militants de la liberté, mais aussi à leur avenir dans une région en plein bouleversement.Alors qu’en Égypte, les coptes ont su, tant bien que mal, se placer au cœur de la révolution, les chrétiens syriens, eux, tardent à réagir, ayant surtout à l’esprit la « démocratisation » de l’Irak, avec son lot de violences, de massacres et de réfugiés. Par opposition aux décennies de stabilité et de prospérité dans lesquelles ils se trouvent.En effet, le pouvoir actuel, entre les mains de la minorité alaouite, a cherché depuis des années à...
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