Rechercher
Rechercher

Économie - Moyen-Orient - Interview

Thomas Mirow à « L’OLJ » : Le soutien au secteur privé, une priorité de la BERD dans le monde arabe

Comme elle l’avait fait avec les pays de l’ex-bloc soviétique, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) pourrait accompagner les pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord dans leur transition vers une économie de marché. Le but : soutenir les PME, renforcer les secteurs financiers, améliorer les infrastructures et promouvoir les règles de bonne gouvernance. La banque réussira-t-elle dans ce nouveau chantier ? Explications avec le directeur de la BERD, Thomas Mirow.

Selon le directeur de la BERD, la décision d’investir dans les pays de la région dépendra des progrès accomplis en matière d’ouverture à la démocratie et à l’économie de marché.

Dans un entretien exclusif avec L’Orient-Le Jour, le directeur de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), Thomas Mirow, revient sur le projet d’extension des activités de la banque aux pays du sud et de l’est de la Méditerranée, dans le contexte actuel des révoltes arabes.

OLJ. La BERD a récemment lancé le processus visant à étendre sa mission aux pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Quelles sont concrètement les démarches encore nécessaires à l’aboutissement de ce processus ?
T.M. Les actionnaires de la BERD réfléchissent à la façon dont la banque peut prendre part à la réponse internationale au printemps arabe et à la manière de soutenir les populations qui aspirent au changement, à la démocratie et à un meilleur avenir économique. Si la banque étend ses compétences géographiques, cela implique de changer ses articles fondateurs établis à l’époque de sa formation en 1991. Ce projet nécessite une décision unanime des 63 actionnaires de l’institution. En outre, dans certains pays, le processus d’approbation pourrait inclure une ratification auprès des Parlements nationaux, ce qui risque de prendre du temps.
De plus, tout pays souhaitant devenir bénéficiaire de la banque doit d’abord en devenir actionnaire. L’Égypte et le Maroc sont déjà membres. La décision d’investir dans les pays de cette nouvelle région dépendra aussi des progrès accomplis en matière d’ouverture à la démocratie et à l’économie de marché.

Au cours de sa dernière réunion à Astana, la BERD a dit être en mesure d’investir 2,5 milliards d’euros par an d’ici à 2017 pour soutenir la marche vers la démocratie et la transition vers une économie de marché dans les pays de la région. Ce montant est-il, à votre avis, suffisant pour aider les pays concernés à franchir ce cap ?
Durant cette réunion, la BERD a dit précisément qu’elle serait capable à terme – après une période initiale de construction de deux ou trois ans – d’investir environ 2,5 milliards d’euros par an dans cette nouvelle région, en plus des 9 milliards d’euros investis chaque année dans les pays où elle intervient. Il faut également s’attendre à ce que l’action de la BERD, par un effet catalyseur, attire d’autres investisseurs privés.
Mais le montant de la somme qui serait débloquée annuellement par la BERD n’est pas l’élément le plus crucial. En effet, la banque apportera surtout 20 ans d’expertise passés à soutenir le développement des petites et moyennes entreprises (PME), à renforcer le secteur financier, à améliorer les infrastructures et à réduire les pertes énergétiques.

Quelles seront les principales cibles de ces investissements ? Qu’en est-il des conditions ? Varieront-elles d’un pays à l’autre ?
La transition vers une économie de marché reste le principal motif de l’action de la BERD, même s’il existe des variantes en fonction des circonstances et des priorités. Ses investissements visent ainsi, entre autres, à promouvoir la bonne gouvernance et la transparence au sein des entreprises, à renforcer la concurrence sur le marché, ou encore à moderniser les infrastructures locales afin de soutenir la croissance. La banque cherche également à améliorer les standards sociaux et environnementaux. La BERD n’investit que dans les secteurs qui présentent des besoins réels et non pas là où les secteurs économiques sont à même de s’autofinancer.

Qu’est-ce qui distinguera l’action de la BERD dans la région de celle de la Banque européenne d’investissement (BEI), acteur historique autour de la Méditerranée, ou encore du FMI ? L’action de la BERD se fera-t-elle de concert avec ces acteurs ?
Les institutions financières internationales et les banques multilatérales collaborent très étroitement pour apporter une réponse commune au développement dans les régions où elles interviennent. Il s’agit d’une approche visant à tirer profit de la force de chacune de ces institutions et à éviter tout chevauchement des tâches ou duplication d’efforts. Le FMI, par exemple, fournit un support macroéconomique qui concerne, entre autres, les déséquilibres liés à la balance externe. La Banque européenne d’investissement (BEI) est, de son côté, traditionnellement impliquée dans les prêts visant à financer les grands projets d’infrastructure. Quant à la BERD, elle est habilitée à soutenir le développement du secteur privé, qui représente plus de 80 % de ses investissements.

Après avoir accompagné le mouvement d’ouverture des pays d’Europe centrale et orientale, la BERD a tiré des leçons de cette expérience. Quelles sont-elles, et quels seraient les pièges ou les erreurs à éviter, à l’aube de ce nouveau chantier ?
La leçon la plus importante tirée de notre expérience en Europe centrale et orientale est que le processus d’une transformation économique est long et complexe. En dépit des progrès remarquables qui ont été constatés dans cette ancienne région soviétique, il y a encore du chemin à faire – deux décennies après l’effondrement de l’URSS.
Une autre leçon réside dans la manière de traiter avec le rôle de l’État ; l’on ne peut plus dire que le secteur privé est bon dans l’absolu et que l’État est mauvais. Pour que le secteur privé puisse fleurir, il faut un État efficace qui puisse fournir les règlementations appropriées et un cadre propice à l’esprit d’entreprenariat.

Une libéralisation du marché dans les pays arabes ne risque-t-elle pas de livrer l’industrie de ces pays à la très grande concurrence ?
L’exposition à davantage de concurrence pourrait en effet s’avérer douloureuse. Cela a été le cas en Europe de l’Est quand un système fermé s’est tout d’un coup trouvé confronté aux faiblesses économiques fondamentales et structurelles. Apprendre comment rivaliser avec le marché international fait partie intégrante du processus de transformation économique. Cela implique de chercher à augmenter la qualité et l’efficacité, mais aussi de développer des plans durables et susceptibles d’attirer un plus grand nombre d’investisseurs. La BERD, tout comme les autres banques de développement et les institutions internationales, a un rôle crucial à jouer à ce niveau. Le FMI, par exemple, peut aider à limiter l’impact immédiat des premiers chocs, en mettant au profit des pays concernés un dispositif robuste susceptible d’assurer une stabilité macroéconomique.

Si la transition démocratique dans certains pays s’enlise au-delà de 2012, la BERD est-elle prête à céder sur les impératifs de bonne gouvernance en faisant le pari que la stabilité économique entraînera la démocratie ?
Les actionnaires de la BERD évalueront l’engagement des pays à appliquer les principes démocratiques et les progrès accomplis et se prononceront en conséquence sur les investissements à allouer à chacun. Mais même une fois la décision d’investir prise, le processus d’évaluation se poursuivra, les investissements pouvant être calibrés en fonction des progrès, comme du processus démocratique. Mais l’objectif prioritaire est clair : la BERD ne soutiendra que les pays où un engagement pour le changement démocratique existe.
Dans un entretien exclusif avec L’Orient-Le Jour, le directeur de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), Thomas Mirow, revient sur le projet d’extension des activités de la banque aux pays du sud et de l’est de la Méditerranée, dans le contexte actuel des révoltes arabes.OLJ. La BERD a récemment lancé le processus visant à étendre sa mission aux pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Quelles sont concrètement les démarches encore nécessaires à l’aboutissement de ce processus ?T.M. Les actionnaires de la BERD réfléchissent à la façon dont la banque peut prendre part à la réponse internationale au printemps arabe et à la manière de soutenir les populations qui aspirent au changement, à la démocratie et à un meilleur avenir économique. Si la banque étend ses...
commentaires (0) Commenter

Commentaires (0)

Retour en haut