L’ancein député Farès Souhaid, coordinateur du secrétariat général du 14 Mars, a tenu une conférence de presse à Kartaba, pour dénoncer les exactions commises par les habitants de Lassa, dont la dernière en date est le passage à tabac d’un prêtre – Antoine Hokayem – qui a dû être hospitalisé à la suite de cette agression.
Faisant assumer toute la responsabilité des incidents qui se déroulent à Lassa au Hezbollah qui, selon lui, a « des visées plus qu’immobilières » sur la région, l’ancien député de Jbeil s’est adressé directement à Hassan Nasrallah pour lui demander si ces incidents sont susceptibles de sauvegarder le vivre en commun dans la région. « Lors de sa dernière allocution, le secrétaire général du Hezbollah est revenu sur la question de Lassa, ce qui dénote l’intérêt particulier que le Hezbollah porte à cette région, a déclaré Farès Souhaid. Votre comportement nuit aux relations intercommunautaires. Nous avons vécu pendant de longues années ensemble sans aucun incident. Depuis que vous avez “mis la main” sur la communauté chiite au Liban, vous avez étendu votre hégémonie sur cette communauté dans toute la région et le résultat est un : les relations de cette communauté avec toutes les autres se sont effondrées. Nous affirmons que l’intérêt que vous portez à Lassa ne sert pas à défendre le droit de ses habitants, mais c’est un intérêt politique, sécuritaire et militaire qui vise à étendre votre hégémonie sur Jbeil. »
« Nous ne vous craignons pas, a-t-il ajouté sans détours. Nous ne craignons pas vos armes. »
Poursuivant sur sa lancée, Farès Souhaid a énumèré toutes les exactions commises par les habitants de Lassa protégés, selon lui, par le Hezbollah, dont les constructions illégales, les effractions aux lois, les attaques perpétrées contre des topographes envoyés par la Ligue maronite, des journalistes et dernièrement le prêtre. Il est revenu par ailleurs sur la déclaration de Abdel Amir Kabalan, vice-président du Conseil supérieur chiite, qui a assuré que Lassa appartient aux chiites. M. Souhaid a relevé à cet égard que « tout cela contribue à saper les fondements du vivre en commun ».
S’adressant également au général Michel Aoun, le secrétaire général du 14 Mars lui a demandé : « Où sont passées les clés de l’église de Lassa, que vous avez prétendu détenir en 2008 ? Qui est Néron ? Qui souhaite imposer la politique de la terre brûlée dans la région, nous ou vos alliés ? Quels sont, en fin de compte, les résultats de la politique que vous avez adoptée ? » Il a assuré au passage que le chef du CPL détourne son regard de ce qui se passe en contrepartie de voix électorales.
Revenant sur l’attitude de l’Église et de l’État, M. Souhaid a déclaré : « L’Église maronite voulant préserver le vivre en commun dans la région, et croyant regagner ses droits spoliés à Lassa, a souhaité adopter une politique qu’elle a considérée réfléchie, mais en fait la série d’incidents qui se succèdent prouvent que cette mesure est vaine et que seul l’État peut rendre à chacun ses droits. Cet État est donc appelé à appliquer la loi. »
L’ancien parlementaire a assuré que les exactions sont dues à l’absence de l’autorité de l’État, à l’appui accordé par le général Aoun à un parti désormais accusé « de se tenir derrière des crimes politiques », ainsi qu’à la force que procurent les armes illégales. En conclusion, il a demandé à l’État d’arrêter immédiatement les personnes qui se sont attaquées au prêtre et de démolir toutes les constructions illégales, de même qu’il a invité l’Église à ne pas se perdre dans des accords stériles. « Je le dis très calmement, a souligné M. Souhaid, la stabilité de la région est liée à l’exécution de nos demandes à ce sujet. »
Est-ce une menace déguisée qu’il lance aux autorités ? Va-t-il appeler la population à réagir dans un sens ou dans un autre ? Que répond-il à ceux qui affirment que ses propos risquent de conduite à la discorde ? Quel est son message aux habitants chiites de la région ? « Ce n’est pas nous qui sommes derrière tous ces incidents, déclare sur ce plan M. Souhaid à L’Orient-Le Jour. Si nous les dénonçons, c’est précisément parce que nous tenons à ce vivre en commun qui existe depuis des décennies et c’est pourquoi, d’ailleurs, nous insistons pour que les habitants et les responsables politiques et religieux chiites s’insurgent franchement contre ce qui se passe. Si nos hommes s’étaient attaqués à un cheikh chiite, je n’ose même pas penser aux conséquences qu’aurait eu un acte pareil. Nous avons le droit de nous rendre là où nous le souhaitons, de prier là où bon nous semble, c’est comme cela que nous avons vécu tous ensemble et c’est comme cela que nous souhaitons continuer à le faire. » Sinon ? « Si notre requête n’est pas prise en considération, et bien, affirme l’ancien député, nous allons prendre les mesures nécessaires, tout en veillant à respecter la loi. »
Pour rappel, les Chiites qui vivaient comme des frères avec les Maronites au Kesrouan où le patriarcat s’engagea à les protéger contre les ayoubides puis contre les Mamelouks. Quand les hordes assassines des mamelouks massacrèrent tous les habitants du Kesrouan en 1305, Maronites et Chiites irriguèrent de leur sang cette terre du Mont-Liban. La fuite des habitants eut lieu dans deux directions : Nord et Nord-Est. Ainsi, la famille de Jaafar à Hadath el Jebbeh près de Diman est maronite, tout comme les Hachem de Akoura. Les Semaan de Temnin el Tahta, sont chiites, mais étaient maronites en 1305 lors de la chute du royaume mardaïte, pour ne donner que cet exemple. De nombreuses familles sont chiites ou maronites tels les Hojeij, Housseini, Zogheib etc. Les Chiites ont sollicité et obtenu la protection du patriarcat maronite durant l’occupation ottomane et ont été exempts du service militaire humiliant par une demande du patriarche auprès de la sublime porte. Donc cette affaire de Lassa est délicate et est avant tout une question de principe et le Patriarcat Maronite en est pleinement conscient. Il serait hautement souhaitable que le Hezbola ne vienne tout envenimer à Jbeil.
15 h 19, le 22 août 2011