Cette affiche était accrochée un peu partout à Hadeth pour encourager les habitants à ne pas vendre leurs propriétés.
Nombreux sont ceux qui ont voulu témoigner dans le cadre de ce reportage. Mais tous ont posé une condition : que leur anonymat soit préservé de peur d’éventuelles représailles.
Selon l’ouvrage d’Assaad Rustom, Le Liban du temps de la Moutassarifiyah, en 1877, Daoud Bacha, l’un des mutassarif, a choisi de s’établir en hiver à Hadeth. C’est donc un village qui revêt une importance de premier ordre sur le plan historique. « Malheureusement, les autorités libanaises ne se sont jamais arrêtées sur ce point. Et aucun bâtiment n’a été classé à ce jour », déplore un des anciens habitants de la ville. « Par ailleurs, insiste-t-il, les investisseurs chiites se “faufilent” partout, tentant de changer l’identité de Hadeth. »
Par ailleurs, dans Hadeth dans l’histoire, écrit récemment par Michel Nassib Abi Ghanem, l’auteur dénonce les changements géographiques qui ont eu lieu de façon pernicieuse dans la région de Saqi el-Hadeth et sa région, c’est-à-dire les bourgs se trouvant dans le prolongement de Hadeth comme Mreijé, Laïlaki, Haret Hreik... « Les terrains sont devenus désormais la propriété de personnes qui n’étaient pas originaires de la région, écrit-il. Les immeubles se sont élevés de façon anarchique, sans respect aucun des critères de construction aussi bien locaux qu’internationaux. Des milliers de familles sont venues y habiter. Arrivées du Liban-Sud et de la Békaa, elles ont créé une sorte de ghetto, ce qui a suscité quelques tiraillements avec les habitants originaires de la région. Ces familles qui avaient des traditions et des coutumes différentes n’ont pas respecté les particularités des habitants de Saqi el-Hadeth et ses environs, ce qui a poussé ces derniers à se déplacer vers des quartiers plus cléments. Actuellement, le nombre des habitants dans cette région dépasse les 100 000 sur un espace pas plus grand que 4 km². Et ce chiffre connaît une croissance continue, ce qui se traduit par des problèmes au niveau écologique, social et économique. »
Un facteur déterminant, qui encourage les gens à vendre, est l’argent mais aussi le fait qu’ils sentent « que la région ne leur appartient plus ». En effet, voyant leur nombre se réduire dans ces localités du fait des déplacements de population, les habitants n’hésitent pas à vendre leur terrain d’autant plus que les offres sont alléchantes. Celles-ci proviennent exclusivement de personnes appartenant à la communauté chiite : « Certains investisseurs pensent qu’ils accomplissent un devoir religieux ou qu’ils servent une cause », assure un habitant de Hadeth. Et selon certains anciens propriétaires terriens, le Hezbollah veille, en encourageant de tels investissements. « Ils vont parfois jusqu’à signer des Fatwa obligeant les investisseurs d’acheter dans ces régions », prétendent-ils. Les achats de terrains ont commencé à partir de 1998 et se poursuivent à une vitesse effrénée. L’ancienne route de Saïda qui séparait Hadeth des bourgs achetés de façon systématique par les chiites est désormais, elle aussi, la cible d’acheteurs et les immenses terrains des zones tampons appelées autrefois zones de démarcation appartiennent désormais à ces nouveaux investisseurs, lesquels n’hésitent pas parfois à utiliser des prête-noms.
Onde de choc
Après avoir acheté la presque-totalité des bourgs qui sont dans la prolongation de Hadeth, les investisseurs chiites ont créé une onde de choc dans la région, en devenant propriétaires d’un immense terrain situé en plein cœur de la localité. Il est d’une superficie de 81 000 m² avec un taux d’exploitation quelque 50 %. Ce qui fait que près de 1 400 habitations peuvent y être construites. Ce terrain a été acheté entre 2007 et 2009 – il est constitué de cinq parcelles achetées au fur et à mesure – à 28 millions de dollars. Actuellement, des investisseurs chrétiens tentent de le racheter à 50 millions de dollars.
Contacté par L’Orient-Le Jour, Farès Abi Nasr, qui est responsable au sein de la Ligue maronite du comité d’urgence des ventes de terrains appartenant aux chrétiens, s’est refusé à tout commentaire, tout en nous assurant que le comité travaille dans les coulisses pour essayer de restituer certaines parcelles.
« Ce n’est pas une question d’investissements, affirme cet homme d’un certain âge, originaire de Hadeth et appartenant au parti Kataëb. Le Hezbollah a mis en place un plan stratégique, consistant à se frayer un couloir allant des bourgs limitrophes de la région de Hadeth jusqu’à Qomatieh. Le terrain acheté se situe sur une colline qui surplombe toute la région. Et une fois construit, il peut contenir des dizaines de milliers d’habitants. » « C’est près de 100 000 personnes qui seront ainsi injectées en plein cœur de Hadeth. Certains investisseurs chrétiens tentent de racheter le terrain pour préserver les équilibres existants. Il n’y a rien de concret à ce jour », dit-il inquiet.
Les propos de Georges Aoun, élu président de la municipalité le 2 mai 2010 sur la liste soutenue par le CPL, sont nettement plus rassurants. « Dès le premier jour, j’ai donné la priorité à cette question de ventes de terrains, dit-il catégorique. La parcelle de 81 000 m² dont vous parlez a été en effet vendue, mais je tente – et je ne suis plus loin du but – de convaincre les propriétaires de la revendre à des investisseurs chrétiens. L’important est de préserver la convivialité dans la région et de ne pas verser dans la provocation. » La municipalité a mené une campagne assurant aux habitants de Hadeth que s’ils vendent leurs terrains, la municipalité ne contresignera pas les titres de propriété. Or, la municipalité ne détient pas ce droit. Comment compte-t-elle procéder ? « En convaincant les gens par la logique : si Hadeth n’appartient plus à ses habitants, cela va créer un déséquilibre sur le plan démographique et autres, et aiguiser les rancunes. Les habitants ont réagi positivement. Ils se sentent rassurés et n’éprouvent plus le besoin de vendre et d’aller s’installer ailleurs. » Rassurés par quoi ? L’histoire ne le dit pas.
Le témoignage d’une grande propriétaire terrienne
À Saqi el-Hadeth, on trouve de grands propriétaires terriens. À ce jour, ils ont résisté aux propositions alléchantes de vente. Pourtant, la superficie de leurs biens est si importante que le Hezbollah n’a pas hésité à y célébrer sa « victoire divine » après la guerre de 2006. Ce terrain agricole avec canaux d’irrigation, maisonnettes pour les fermiers, champs en escalier a été du jour au lendemain labouré, retourné, aplati, rasé sans concertation aucune avec les propriétaires. Armés par la force du courage, ces derniers n’ont pas hésité à intenter un procès au parti chiite, représenté par son secrétaire général Hassan Nasrallah.
« Voilà le dossier qui débarque dans le bureau de Saïd Mirza, raconte l’une des propriétaires. Il croupit dans l’un de ses tiroirs après des menaces que le procureur général a reçues. Notre avocate, une femme entreprenante et courageuse, le retire et le représente à nouveau. » Mais l’avocate tombe malade et entre dans le coma. « Nous n’avons pas réussi à trouver un seul avocat ayant le courage de poursuivre l’affaire », déplore la propriétaire.
« Entre-temps, une famille s’est installée sur les lieux prétendant s’y réfugier pour quelques temps et il n’y avait plus moyen de la déloger. Nous lui avons intenté un procès. Mais à chaque fois que les Forces de sécurité intérieure essayaient d’exécuter le jugement, des motards venaient les intimider. Souvent, les agents de l’ordre et les juges chargés des dossiers relevant de cette région sont de connivence avec les squatters », ajoute-t-elle.
Les magouilles sont également de la partie, d’après notre interlocutrice. « Parfois, les FSI craignant d’avoir à affronter directement le Hezbollah, elles n’osent pas alors agir. En fin de compte, nous avons dû payer des indemnités à l’occupant pour le faire sortir, bien que nous ayons gagné le procès. C’était le prix à payer pour récupérer nos biens », dit-elle navrée.
« Les gens ont peur, poursuit-elle. Ils vendent leurs terrains pour éviter d’avoir des problèmes. Il n’y a pas de menaces directes à proprement parler, mais la région étant devenue à majorité chiite, les habitants d’origine se disent qu’il vaut mieux vendre au lieu d’affronter l’adversité. Ce manque de courage et de détermination fait que les terrains ont changé de propriétaires. D’autre part, les chrétiens sont mercantiles, Ils n’ont pas le sens de la loyauté envers la terre de leurs ancêtres. Les chiites en profitent pour grignoter les parcelles et étendre leur présence physique », assure-t-elle encore.
"Le projet sur la prolongation de la loi sur les loyers a été adopté jusqu’au 30 mars 2012" ET VOUS VOUS ETONNEZ POURQUOI LES GENS VENDENT LEURS BIENS? IL Y A ENCORE DES MAISONS LOUER A 20$ PAR MOIS... MALHEUREUSEMENT, AUCUN ARTICLE, AUCUNE REFLEXION, AUCUN DEBAT SUR CE SUJET... Nohad HANNA
15 h 08, le 11 août 2011