Il aura fallu que s’égrène lentement et interminablement, sous leurs yeux placides, calculateurs et faussement endormis, le chapelet sanglant des villes syriennes livrées à une soldatesque sans pitié et aux chabbiha de sinistre besogne pour qu’enfin se réveillent certains pays arabes de leur nirvana aux vapeurs pétrolières.
Il aura fallu plus de deux mille tués, des dizaines de milliers d’arrestations et des disparitions par centaines pour que le cruellement bien nommé monsieur Arabi, nouveau secrétaire général de la Ligue arabe (encore très loin, elle, de faire sa propre révolution), entende les appels au secours, les cris de détresse, de désespoir et de douleur (sic) des centaines de milliers de ses virtuels administrés syriens, pilonnés par les chars et pour certains écrasés sous leurs chenilles, selon les témoignages de centaines de rescapés chanceux.
Pour que, d’un seul coup, à quelques heures d’intervalle, le Conseil de coopération du Golfe, la Ligue arabe et le roi Abdallah d’Arabie, bien loin à la traîne de la Turquie d’Erdogan, adoptent un langage clair et mettent en demeure le régime d’Assad d’arrêter les massacres et de choisir entre la sagesse ou le chaos.
Pour excuser cette réaction tardive, ils expliquent à demi-mot, en ayant l’air de ne pas vouloir le dire, qu’ils ont donné le temps, mais en vain, à la diplomatie de faire son œuvre. En fait, ce qu’ils ne veulent pas dire, c’est qu’ils avaient engagé des discussions, mais en fait un marchandage avec le régime baassiste des Assad, faisant miroiter une rallonge de quelques années à un règne vieux d’un demi-siècle s’il adoptait quelques réformes et surtout – là est le véritable bazar – s’il récusait son alliance stratégique avec l’Iran.
Ils ne veulent pas dire non plus que leur protecteur américain n’avait pas chômé aussi, promettant à Téhéran, dans la foulée, une mainmise totale sur l’Irak, amputé évidemment de son Kurdistan pétrolifère, s’il mettait un terme à l’invasion perse rampante de ce qui reste de son pré carré arabe.
Sont-ils aussi naïfs pour croire que Bachar el-Assad a perdu ce reste de lucidité, sinon d’intelligence, pour savoir qu’il a déjà été trop loin ? Qu’en fait, désormais, c’est son va-tout qu’il joue dans sa fuite en avant, tablant, à tort, sur la force qui a été jusqu’à présent son amie ?
Ont-ils vraiment cru que le maître de Damas va avaler la couleuvre, lui qui voit déjà se profiler au loin la menace d’une cour pénale internationale et que son salut reste, de son point de vue, tributaire comme dans le passé d’une répression sans faille ?
Que dire alors de ses ayatollahs d’alliés ? Ont-ils sérieusement espéré, Occidentaux et Arabes réunis, que Téhéran allait se suffire d’un Irak déjà anschlussé (sont-ils amnésiques à ce point ?) et s’arrêter en si bon chemin dans son équipée conquérante à bon compte, jusqu’au dernier des Arabes... Libanais compris ?
Maintenant ils y vont carrément de front puisqu’ils ont compris l’enjeu. Aider le peuple révolté ou prendre le risque de se retrouver dorénavant face à un axe syro-iranien plus puissant que jamais, qui balaie tout sur son passage. C’est donc à l’échec de ce sordide marchandage que les braves Syriens devront peut-être un jour la fin de leur cauchemar.
Au Liban, en attendant, le Hezbollah et son menu fretin d’acolytes locaux, au gouvernement et ailleurs, menacent de leurs foudres, sinon déjà de leurs armes, les détracteurs libanais de leur ami syrien. Et leurs partisans tabassent dans la rue, en plein Hamra devant les forces de l’ordre livides d’impuissance, les quelques malheureux manifestants qui osent conspuer Assad Jr devant sa propre ambassade.
Pauvre pays. Si c’en est encore un !
P.-S. : Saad Hariri, vous vous en souvenez ? Oui, l’ancien Premier ministre du Liban. Lui-même, celui dont le père a été assassiné ainsi que les meilleurs d’entre nous et d’autres Libanais libres pour les faire taire. Il a fini hier par se rappeler à notre bon souvenir – toujours d’aussi loin – par une déclaration tonitruante sur la véritable tragédie que vit le peuple de Syrie. Qu’il en soit remercié. Mais si son absence n’est pas vraiment due à des raisons sécuritaires comme il le dit, qu’attend-il pour rentrer partager le quotidien de ses troupes, cette nouvelle minorité qui défend ici sur place, sans lui depuis un long (trop long) moment, la mémoire de son père ? Et encourager ceux des Libanais qui sont sommés de choisir entre « sécurité et justice » ?
Sinon, se fendre d’un mot d’explication logique et convaincant ; vous le devez à tous, Monsieur Hariri !
A. C.
commentaires (25)
Ben Roy....contrairement à certains qui sont éblouis par ta réaction,moi,je la désapprouve,et sans réserves...Au nom de quoi exclus-tu Saad Hariri de la vie politique du Liban?C'est çà la varie question!Au nom de quoi?Et pourquoi toute cette haine,à peine dissimulée...le Liban traverse une phase tellement dangereuse qu'il a besoin de tout le monde,y compris Saad Hariri...La Syrie est la Syrie,et le Liban est le Liban...les allégeances des uns et des autres sont bien connues...et je te rappelle que Ahmadinedjad s'est fait sévèrement tacler par ses mollahs(mous du cervaeu) parcequ'il a dit qu'il envisagea
GEDEON Christian
05 h 09, le 28 septembre 2011