De fait, trois ans après la crise, nous semblons revenus au point de départ. Tout le monde spécule à tout-va, les bonus des traders sont revenus à des niveaux mirobolants et les banques ont recommencé à afficher des résultats spectaculaires. Au passage, l’économie de certains pays s’écroule et des crises éclatent cycliquement dans différents secteurs vitaux en fonction de l’appétit des spéculateurs. Pourtant, les régulateurs de la plupart des pays ont mis en place un ensemble de règles pour contrôler les excès de comportement des agents financiers et éviter une réédition de la crise.
De prime abord, la situation semble d’autant plus étonnante qu’elle s’inscrit dans un cycle récurrent au terme duquel : les régulateurs imposent de nouvelles règles, les opérateurs recherchent les failles du nouveau système, trouvent ses zones de faiblesse et les exploitent déclenchant une nouvelle crise au terme de laquelle les régulateurs créent de nouvelles règles pour obturer les nouvelles brèches du système, etc.
Assez paradoxalement, la dynamique de ce processus est assurée par les règles elles-mêmes. Celles-ci ont la forme de propositions conditionnelles : « Si telle situation se présente, il convient d’adopter ou ne pas adopter telle action. » La tentation d’interpréter le « si » est évidemment omniprésente et les opérateurs financiers ne manquent pas de le faire. C’est de cette façon qu’ils essayent de manipuler le système.
Pour briser ce cercle vicieux, il convient de réaliser que ce qui est vraiment important n’est pas tant la règle elle-même que la raison qui explique son existence. De fait, une règle définit le comportement qui est considéré comme légitime dans un environnement donné. Au Liban, beaucoup de personnes considèrent qu’il est honteux de mettre ses parents dans un hospice, dans beaucoup de pays d’Occident c’est la règle, alors que la tradition inuite voulait que les vieux quittent leur village et se perdent dans les glaces du Grand Nord lorsqu’ils devenaient un poids pour leur tribu. Trois environnements différents, trois philosophies et trois règles différentes.
Quel lien peut-il exister entre les « vieux » et la finance ? Dans un cas, les Inuits qui quittent leur village au seuil de leur vie ont tellement bien intégré la règle qu’ils l’appliquent spontanément, alors que dans l’autre, les opérateurs cherchent par tous les moyens à la contourner. Dans un cas, le suicide des « vieux » est conforme à la culture d’un groupe qui vit dans un milieu particulièrement hostile ; dans l’autre, c’est aussi le même cas : ces opérateurs qui recherchent des failles et relancent les crises agissent conformément à la logique d’un système financier moderne qui prône la maximisation et l’opportunisme. La récurrence des crises ne serait donc pas le résultat de règles inadaptées mais ferait partie intégrante du système. Pour modifier la situation, il faudrait donc en changer la philosophie... Vous avez dit « finance responsable » ?
(*) Spécialiste en stratégie et théorie des organisations – Centre de recherche, d’études et de développement (CRED) de l’ESA.
C'est déjà fait cher Monsieur Alex HAJJ , c'est déjà fait . Je vous souhaite un bon Dimanche .
06 h 04, le 10 juillet 2011