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Liban - Interview

Joumblatt à « L’OLJ » : La Syrie ne peut pas rester sous l’emprise d’un parti désuet et ossifié

Le chef du PSP dénonce les demandes « absurdes et surréalistes » de « l'aile dure » de la nouvelle majorité.

M. Joumblatt cite Sénèque : « Toujours punir écrase la haine d’un petit nombre, mais entraîne la haine de tout le monde... »

En quittant les rangs de l'ancienne majorité, Walid Joumblatt avait suscité la colère et le désappointement dans les milieux du 14 Mars. Lui, par contre, semblait à l'aise dans ses nouveaux choix, sûr que les développements régionaux iraient en faveur de ses nouvelles options. Mais un vent de contestation sans précédent souffle sur la région et les populations arabes font vaciller, voire tomber, les régimes. Et la Syrie n'est pas à l'abri de cette tourmente. Dans ce nouveau contexte régional aux contours incertains, le chef du PSP affirme, dans une interview à L'Orient-Le Jour, ne pas regretter ses choix. Il n'en adopte pas moins un discours sans complaisance, voire sévère, à l'égard du parti au pouvoir à Damas, qu'il qualifie d'« ossifié », tout autant que de certains de ses alliés du 8 Mars, dont il raille les demandes « absurdes et surréalistes ».
Se montrant sceptique à l'égard des sanctions internationales adoptées contre le régime syrien, M. Joumblatt, qui s'est récemment entretenu avec le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, et avec le secrétaire d'État adjoint américain pour le Proche-Orient, Jeffrey Feltman, souligne que les sanctions ne feront qu'« isoler » le président syrien, Bachar el-Assad, et « peut-être le forceront à être de plus en plus coincé par certains éléments ultraconservateurs » de son régime.
« Je suis contre les sanctions. Le président (Barack) Obama a bien dit une chose : que le président Assad doit faire des réformes. Si on interprète ces propos en langage politique, cela signifie qu'il peut le faire », note-t-il.
Ces dernières semaines, le chef du PSP avait lui-même demandé avec insistance au président syrien, le suppliant presque, d'apporter les changements nécessaires demandés par son peuple et d'adopter une politique pour sauver non seulement son pays mais toute la région de bouleversements à l'issue incertaine. « Mes appels se sont joints à d'autres qui m'ont précédé », dit-il, citant notamment des articles de journalistes libanais connus pour leur position favorable au régime syrien. « Ce qui est en jeu plus que jamais c'est la stabilité de la Syrie et cette stabilité ne peut être assurée sans réformes », souligne-t-il.
Selon la télévision israélienne, M. Assad aurait envoyé des émissaires aux États-Unis pour leur faire savoir qu'il est prêt à reprendre les pourparlers avec les Israéliens. Si cette proposition était acceptée par l'administration américaine, le régime Assad serait-t-il sauvé ? « Je ne veux pas m'aventurer à faire des analyses extraterrestres. Paix ou pas, négociations ou pas, il est nécessaire que la Syrie fasse les réformes qui s'imposent », insiste-t-il. Et d'ajouter : « Elle ne peut pas rester sous l'emprise d'un parti et d'une administration dépassés, désuets et ossifiés. Le peuple syrien a beaucoup de talent et ne manque pas de cadres - à l'intérieur comme à l'extérieur du pays - qui sont capables et souhaitent une nouvelle Syrie. »
« Et contrairement aux thèses de ce qu'on appelle le camp de la "moumanaa" (le refus) la Syrie serait encore plus forte pour imposer les conditions justes et honorables pour la paix », ira-t-il jusqu'à dire.
Lorsqu'il a décidé de se joindre à l'ancienne opposition, pensait-il qu'un jour les développements tourneraient en sa défaveur puisque ses nouveaux alliés sont désormais dans l'œil du cyclone après tous les bouleversements qui ont lieu dans la région et spécifiquement en Syrie ? « Je ne regrette à aucun moment ma décision », dit-il. « C'était pour éviter une tension sectaire au sein du pays. Je l'ai fait par pure conviction. Cyclone ou pas, deux importantes communautés (sunnite et chiite) vont se retrouver d'ici à dix ans face à face, vu le déclin démographique et politique des chrétiens et le rôle druze qui suit la même logique. Avec l'absence de dialogue entre ces deux communautés, j'ai agi pour réduire plus ou moins la tension. Quels que soient les bouleversements à l'extérieur du pays, il est nécessaire de reprendre le dialogue », souligne-t-il.
Qualifiant de « surréaliste » le scénario selon lequel le Premier ministre sortant, Saad Hariri, serait rappelé pour former le gouvernement, M. Joumblatt affirme qu'il n'a pas l'intention de se désister de son soutien à Nagib Mikati. « Avec le président Michel Sleiman et M. Mikati, nous faisons de notre mieux pour garder une certaine position médiane face à une aile dure de notre coalition dont les demandes sont absurdes et surréalistes. Des demandes qui ne prennent pas en considération les aspirations d'une grande partie des Libanais pour consolider l'État et en faveur d'un minimum de stabilité, afin de pouvoir planifier le travail et ne pas assister à une fuite de capitaux », souligne-t-il, tout en faisant valoir la nécessité de faire en sorte que « les intérêts stratégiques de la résistance ne soient en aucun cas affectés et menacés ».
Et cette partie de l'opinion, qu'elle soit avec ou contre la résistance, a une approche qu'« il faut comprendre dans sa volonté d'un minimum d'État, d'administration, de justice, de projets, d'économie... », ajoute-t-il.
Tout en rejetant les dernières accusations du président américain contre le Hezbollah, M. Joumblatt note que sur le conflit israélo-arabe, et face au « redoutable » Aipac (le principal lobby pro-israélien aux États-Unis), M. Obama a été « clair » en soulignant que l'intransigeance israélienne va aboutir à l'isolement d'Israël. « La paix est nécessaire sur la base des deux États, on ne peut pas demander (à Barack Obama) en cette période préélectorale d'être à la gauche de feu Georges Habache (l'ancien président du FPLP) », affirme-t-il.
Revenant au Liban, M. Joumblatt souligne que l'émigration des chrétiens, les ventes de terres constituent à moyen terme un danger pour le Liban. « Si les chrétiens réussissent sous le patronage du patriarche Béchara Raï à établir un minimum de programme commun tout en maintenant certaines divergences, pourquoi pas ? » dit-il.
Et de conclure : « Je conseille aux lecteurs de lire un article paru dans Foreign Affairs de mai-juin, intitulé « Le Cygne noir » et écrit par Nassim Taleb (du nom de son ouvrage) et Marc Blith. C'est une leçon sur l'impossibilité de garder les choses immobiles. Le monde, la nature, la politique, l'être humain, tout bouge. L'article se termine par une maxime de Sénèque : "Toujours punir écrase la haine d'un petit nombre mais entraîne la haine de tout le monde"... »
En quittant les rangs de l'ancienne majorité, Walid Joumblatt avait suscité la colère et le désappointement dans les milieux du 14 Mars. Lui, par contre, semblait à l'aise dans ses nouveaux choix, sûr que les développements régionaux iraient en faveur de ses nouvelles options. Mais un vent de contestation sans précédent souffle sur la région et les populations arabes font vaciller, voire tomber, les régimes. Et la Syrie n'est pas à l'abri de cette tourmente. Dans ce nouveau contexte régional aux contours incertains, le chef du PSP affirme, dans une interview à L'Orient-Le Jour, ne pas regretter ses choix. Il n'en adopte pas moins un discours sans complaisance, voire sévère, à l'égard du parti au pouvoir à Damas, qu'il qualifie d'« ossifié », tout autant que de certains de ses alliés du 8 Mars, dont il raille les...
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