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Liban - Éclairage

Les émeutes de Syrie et le sort du gouvernement en gestation...


La précipitation des événements dans la région semble compliquer encore plus la situation au Liban. Ce sont surtout les émeutes en Syrie et l'incapacité du régime à les faire cesser, en dépit des mesures d'ouverture et de démocratisation adoptées, qui pèsent sur la scène libanaise. Le camp du 14 Mars ne cache pas sa satisfaction, ayant depuis quelque temps déjà misé sur des changements importants en Syrie. Pour ce camp, quelle que soit l'issue du bras de fer engagé entre le régime syrien et son opposition, il ne peut qu'en sortir soit affaibli, soit brisé. Et dans les deux cas, cette nouvelle donne ne pourrait qu'affaiblir les alliés libanais de ce régime, notamment le Hezbollah. Sur la base de cette approche, le camp du 14 Mars est plus que jamais convaincu que le Premier ministre désigné Nagib Mikati ne pourra pas former un gouvernement et il devrait se récuser au cours des prochains jours. Affaibli, le régime de Bachar el-Assad devrait alors pousser ses alliés libanais à accepter le retour de Saad Hariri à la tête du gouvernement pour obtenir l'appui de l'Arabie saoudite et avec elle celui de nombreux autres pays arabes dans sa lutte contre les insurgés, ou alors, ce régime aura été renversé, et dans le désordre qui suivra, toutes les parties libanaises accepteraient de désigner de nouveau le Premier ministre chargé des affaires courantes pour épargner au Liban de nouvelles secousses. Cette vision des faits, qui aurait pu paraître farfelue il y a quelques semaines encore, semble prendre de la consistance à mesure que les jours passent sans lasser ni calmer les insurgés syriens.
Dans le camp adverse, au sein de la nouvelle majorité, on ne cache pas son inquiétude vis-à-vis des développements en Syrie, même s'ils sont placés dans le cadre d'un complot visant la Syrie de Bachar el-Assad qualifiée de « rebelle aux diktats américano-
israéliens ». Pour ce camp, cela fait longtemps (exactement depuis 2004, avec l'adoption de la résolution 1559) que les Américains tentent par tous les moyens soit de renverser le régime syrien, soit de le pousser à être plus conciliant, notamment dans le dossier de l'Iran et dans celui du Hezbollah et du Hamas. Les États-Unis ont alterné les menaces, les sanctions, l'isolement ainsi que certaines promesses censées être alléchantes, en vain. Aujourd'hui, la vague de protestation populaire qui secoue le monde arabe constitue une occasion en or pour déstabiliser la Syrie, d'autant que le régime est loin d'être démocratique, même s'il bénéficie d'une légitimité populaire. Profitant donc du désir d'une partie de la population d'obtenir plus de liberté et de démocratie, des éléments divers tenteraient ainsi de détourner le mouvement de son objectif initial pour le plonger dans la violence et entraîner une riposte musclée du régime, qui serait condamnée par la communauté internationale et qui, à terme, pourrait provoquer sa chute, d'autant que le spectre de la confessionnalisation de la révolte rôde toujours au-dessus de la Syrie. Ce serait en quelque sorte l'insurrection de Bahreïn, mais à l'envers : la grande majorité sunnite qui se soulève pour obtenir ses droits face à la minorité alaouite.
Au sein de la nouvelle majorité, certains estiment même que la campagne virulente de Saad Hariri contre les armes du Hezbollah et son discours « jusqu'au-boutiste » qui laisse peu de place à un retour à un compromis ne seraient pas étrangers aux développements en Syrie. Hariri, selon ce camp, qui a montré à travers les révélations de WikiLeaks qu'il est bien engagé dans un projet américain, aurait reçu des assurances sur l'affaiblissement du régime syrien qui pousserait celui-ci à accepter de nouvelles conditions occidentales et saoudiennes en contrepartie de sa survie. La mission qui aurait été ainsi échue au 14 Mars serait de préparer le terrain interne à un changement d'orientation. Face à ce plan, la nouvelle majorité n'aurait donc d'autre choix que d'accélérer la formation du gouvernement Mikati pour couper court à toute conséquence possible d'un développement dramatique en Syrie sur la scène libanaise.
Que les émeutes de Syrie soient le prolongement naturel du vent de liberté qui souffle sur le monde arabe ou qu'elles soient provoquées ou aidées par des parties étrangères, les deux versions aboutissent à une même conclusion : la formation du gouvernement est sur la sellette et c'est elle qui permettra de répondre aux questions que tous les milieux politiques libanais se posent aujourd'hui.
Dans son dernier discours, le secrétaire général du Hezbollah a évoqué des pressions internationales et arabes exercées sur Mikati. Celles-ci seraient-elles liées aux développements en Syrie et
viseraient-elles à l'empêcher de former un gouvernement ou simplement à l'empêcher de prendre certaines décisions ? Dans le premier cas, comment, demandent des personnalités de la nouvelle majorité, pourrions-nous accepter le retour de Saad Hariri au gouvernement après les révélations de WikiLeaks qui montrent qu'en réalité, il ne s'agit pas de rejeter les armes du Hezbollah dirigées vers l'intérieur (puisqu'en 2006, il n'y avait pas encore eu ni mai 2008 ni Bourj Brajneh...), mais bien toute l'idée de la résistance. Dans ces conditions, comment recoller les morceaux ? Si le 14 Mars a de nombreux partisans, la majorité a aussi son propre public et les points de vue sont plus opposés que jamais. Comment Nagib Mikati pourra-t-il former un gouvernement dans un tel contexte de division et de radicalisation des positions ? La réponse n'est peut-être pas à chercher au Liban.
La précipitation des événements dans la région semble compliquer encore plus la situation au Liban. Ce sont surtout les émeutes en Syrie et l'incapacité du régime à les faire cesser, en dépit des mesures d'ouverture et de démocratisation adoptées, qui pèsent sur la scène libanaise. Le camp du 14 Mars ne cache pas sa satisfaction, ayant depuis quelque temps déjà misé sur des...

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