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Liban - Assassinat Hariri

TSL : le processus de participation des victimes au procès se met lentement en branle

Nommé depuis octobre 2010 à la tête de l'unité de participation des victimes au sein du Tribunal spécial pour le Liban, Alain Grellet vient de clôturer une visite de quelques jours à Beyrouth. Objectif : préparer le terrain au démarrage de cette unité à partir du moment où l'acte d'accusation dans l'affaire Hariri sera confirmé.

Dans trois jours, lundi, le Liban célébrera le 6e anniversaire de l'assassinat de l'ancien Premier ministre, Rafic Hariri, dans un attentat qui avait également coûté la vie à l'ancien ministre de l'Économie, Bassel Fleyhane, ainsi qu'à 21 autres personnes. Le nombre des blessés était de 220. Plusieurs parmi eux en sortiront handicapés. D'autres garderont aussi des séquelles physiques permanentes. Autant de vies brisées, en l'espace de quelques secondes. Les dégâts matériels ont été énormes. Le secteur de l'attentat restera pendant plusieurs mois bouclé, comme une zone sinistrée.
Six ans plus tard, les « oubliés de l'attentat » ont enfin droit à la parole. Un droit confirmé dans le statut même du tribunal qui stipule ce qui suit : « Lorsque les intérêts personnels des victimes sont concernés, le tribunal permet que leurs vues et préoccupations soient exposées et examinées, aux stades de la procédure que le juge de la mise en état ou la Chambre estiment appropriés et d'une manière qui n'est ni préjudiciable ni contraire aux droits de la défense et aux exigences d'un procès équitable et impartial. Ces vues et préoccupations peuvent être exposées par les représentants légaux des victimes, lorsque le juge de la mise en état ou la Chambre l'estiment approprié. »
C'est pour encourager les victimes à faire valoir ce droit que M. Grellet a effectué une visite à Beyrouth où il a eu notamment des entretiens avec les bâtonniers de Beyrouth et de Tripoli. « Mon déplacement avant la publication de l'acte d'accusation a pour but de nous rapprocher des victimes pour leur passer le message suivant : nous n'avons jamais été aussi proches qu'aujourd'hui d'un temps de justice que peut ouvrir l'éventuelle confirmation de l'acte d'accusation » dans l'affaire Hariri, indique M. Grellet à L'Orient-Le Jour. Dans le même temps, il affirme ne pas savoir si l'acte d'accusation sera ou non confirmé.

Le seul véritable acteur
« Il est temps de parler des victimes dans ce procès, poursuit-il, parce qu'en définitive, elles en sont le seul véritable acteur. » Son unité, explique-t-il, est prête à favoriser et à organiser la participation des victimes au procès et à accompagner celles-ci tout au long de la procédure. « Les victimes attendent et expriment des souffrances », insiste-t-il.
Et c'est à travers deux canaux, les médias et le barreau, que le TSL s'adresse aujourd'hui à elles. À travers les médias, et les présidents des deux ordres libanais des avocats, c'est aussi aux avocats qu'il s'adresse. Car, pour une participation optimale des victimes au procès, conformément aux conditions posées à cela par le Règlement de procédure et de preuve (RPP), un engagement des avocats libanais est capital. « Il est important qu'ils se mobilisent. J'ai invité les bâtonniers à les encourager à participer à la procédure », raconte M. Grellet.
Certaines victimes sont déjà sur pied de guerre et ont nommé leurs représentants juridiques. Le responsable du tribunal a pu avoir des entretiens avec eux, mais il espère que d'autres leur emboîteront le pas. Si des victimes sont indigentes, le tribunal est prêt à leur nommer des représentants légaux. Un budget spécial sera alloué à cette unité. Le tribunal peut financer entièrement ou partiellement leur représentation légale. L'important est qu'elles soient sensibilisées à cette procédure. Si leur participation est importante, ce n'est pas seulement pour leur donner la parole et leur permettre d'exorciser leurs souffrances et leurs préoccupations, mais aussi parce qu'elle peut contribuer à l'établissement de la vérité judiciaire. « Leur destin tragique est placé au cœur du débat judiciaire, explique encore M. Grellet, et cela sera pris en considération au moment du débat. Mais une victime peut aussi présenter un élément de preuve auquel le procureur n'aurait pas fait attention. La Chambre de première instance peut apprécier la demande qui lui serait présentée et en tenir compte. Si elle l'accepte, elle peut ordonner l'ouverture d'une enquête. »

Une confidentialité respectée
Au cas où l'acte d'accusation serait confirmé, un formulaire de demande de participation à la procédure sera affiché sur le site officiel du tribunal et sera adressé aux deux ordres des avocats. La confidentialité est strictement respectée si la partie concernée en exprime le souhait. Les formulaires prévoient d'ailleurs la possibilité de la solliciter, souligne M. Grellet. Les demandes de participation des victimes seront ensuite remises au juge de la mise en état qui doit y donner son autorisation en tenant compte d'un certain nombre de critères définis comme suit par le Règlement de procédure et de preuve : l'intérêt spécifique d'une victime par rapport à celui des autres victimes, l'impact de la participation d'une victime sur l'intégrité, l'équité et la célérité des procédures, les questions de sécurité en cause et l'intérêt de la justice.
Pour le tribunal, la victime est « toute personne physique qui a subi un préjudice matériel ou moral résultant directement » de l'attentat. Mais comment se définit le préjudice moral, une telle notion pouvant donner lieu à diverses interprétations ? Une victime, explique encore M. Grellet, se définit comme étant la famille directe, ou des proches immédiats justifiant d'un préjudice moral et matériel. « Plus on s'élargit de ce périmètre, plus les victimes auront à se justifier de ce préjudice », note-t-il en mettant l'accent sur les droits dont disposent les victimes autorisées à participer au procès sur base de l'article 87 du code de procédure et de preuve. Celui-ci stipule ce qui suit : « Au stade du procès, une victime participant à la procédure peut demander à la Chambre de première instance, après avoir entendu les parties, de citer des témoins à la barre et de produire d'autres éléments de preuve. Elle peut aussi, sous réserve d'une autorisation de la Chambre de première instance, et sous le contrôle de celle-ci, après avoir entendu les parties, interroger ou contre-interroger des témoins et déposer des requêtes et des mémoires. »
Sur autorisation de la Chambre de première instance, les victimes pourront également plaider devant le tribunal avant que la défense ne présente sa plaidoirie. Ces autorisations sont délivrées sur base du respect des droits fondamentaux de la défense, insiste M. Grellet, en réponse à la question de savoir si les droits accordés aux victimes ne vont pas contribuer à faire pencher la balance durant le procès en faveur du parquet. D'où les strictes conditions imposées à leur participation.
Mais dans le contexte libanais actuel, des craintes peuvent être émises quant à la participation à la procédure des avocats ou des victimes, qui risquent d'être soumis à des pressions dont le but serait justement de les empêcher de participer à la procédure judiciaire engagée. M. Grellet reste confiant. La confidentialité des demandes, l'anonymat qui peut être maintenu et la possibilité de bénéficier d'un programme de protection sont autant de mesures qui peuvent protéger contre toute pression les victimes désireuses de participer au procès. Et même si la nouvelle majorité finit par obtenir une suspension de la contribution du Liban au budget du TSL, le secrétaire général de l'ONU peut, sur base de l'article 5 de l'accord avec le Liban au sujet du tribunal, engager des discussions afin de trouver de nouvelles sources de financement.

Dans trois jours, lundi, le Liban célébrera le 6e anniversaire de l'assassinat de l'ancien Premier ministre, Rafic Hariri, dans un attentat qui avait également coûté la vie à l'ancien ministre de l'Économie, Bassel Fleyhane, ainsi qu'à 21 autres personnes. Le nombre des blessés était de 220. Plusieurs parmi eux en sortiront handicapés. D'autres garderont aussi des séquelles physiques permanentes. Autant de vies brisées, en l'espace de quelques secondes. Les dégâts matériels ont été énormes. Le secteur de l'attentat restera pendant plusieurs mois bouclé, comme une zone sinistrée.Six ans plus tard, les « oubliés de l'attentat » ont enfin droit à la parole. Un droit confirmé dans le statut même du tribunal qui stipule ce qui suit : « Lorsque les intérêts personnels des victimes sont concernés, le tribunal...
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