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Liban

Sur les traces des chrétiens du Liban avec Camille Asmar et Rey-Coquais

Au début des années soixante-dix , 60 édifices religieux chrétiens ont fait l'objet d'études et de restauration. Derrière ce gigantesque travail,  Camille Asmar alors architecte-restaurateur des monuments historiques à la DGA dont il fut ensuite le directeur général. « Archaeologie & History in the Lebanon » consacre son dernier numéro à cette opération.

La façade de l’église de Mar Antonios Qozhaya.

Avant d'être confirmé au poste de directeur général des antiquités (DGA) en 1992, l'architecte-restaurateur des monuments historiques, Camille Asmar, a commencé son parcours avec l'émir Maurice Chéhab, qui lui confie dans les années soixante-dix un grand chantier portant sur la réfection de 60 cathédrales, couvents, chapelles, églises et monastères. Rien de plus normal qu'un tel travail interpelle une publication dans Archaeologie & History in the Lebanon, et une préface du grand historien Paul Rey-Coquais. Sur quelque 250 pages, illustrées de planches, de dessins, de photographies et de plans, Camille Asmar donne le compte rendu de ses interventions, signale les fouilles effectuées sur certains lieux, expose l'agencement de tout l'ensemble complexe, détaille les éléments, les élévations de façade, les coupes sur l'intérieur des édifices, dont il révèle la structure et la fonction. Le tout avec la rigueur d'un scientifique.

Le monastère de Mar Antonios de Qozhaya
Parmi les nombreux édifices religieux rénovés - 15 situés au Liban-Nord, 44 au Mont-Liban et un au Liban-Sud (la cathédrale de Mar Touma) - figure le monastère de Mar Antonios de Qozhaya, témoin de l'histoire de la sainteté et de la vie érémitique au Liban. Situé à 74 kilomètres au nord de Beyrouth et à près de 900 mètres d'altitude, il se loge dans une gorge profonde sur le côté nord de la vallée de la Qadisha. Il a été construit au IVe siècle par saint Hilarion en hommage à saint Antoine le Grand, l'ermite égyptien. Dans un bref aperçu historique, Camille Asmar relève  plusieurs sources qui attestent de l'ancienneté du monastère, dont un récipient offert par le prêtre de paroisse de Hardine, sur lequel est gravée l'année mille de notre ère ; le F7V (PL156) du renommé Rabbula, conservé à la bibliothèque Medicea Laurentian et Palatin à Florence, indiquant que « le 8 septembre de l'ère grecque 1465 (1154 AD), le moine Osaiah, du monastère Qozhaya, s'est introduit à nous... » De même, une bulle du pape Innocent III, datant de 1215, adressée au patriarche Jérémie (Irmiya al-Amsiti) signale que ledit monastère constitue le siège de l'ordre maronite. Puis l'histoire n'en dit plus un mot jusqu'en 1440, avec l'arrivée du patriarche Youhanna al-Jegi à Qannoubine, accompagné d'un nombre de moines. Le monastère acquiert la réputation de lieu de refuge des hommes de prière et des ermites.  Camille Asmar note, par ailleurs, que l'édifice a été détruit au XVIe siècle puis reconstruit par la famille Beit-as-Semrani et l'ermite Jebrail ibn Staiti. En 1610, la première imprimerie voit le jour, suivie par la publication des documents en syriaque et karshoni. En 1708, le monastère devient la maison mère des moines baladites. En 1926, les moines démolirent l'ancienne construction ne laissant que l'église, le sous-sol et quatre cellules. Deux étages nouveaux sont bâtis en 1928. Et c'est en 1971, que le monastère est inscrit sur la liste des monuments historiques, cela avant d'intégrer la liste du patrimoine mondial, en 1998.
Camille Asmar décrit l'édifice comme étant un ensemble complexe formé, outre de l'espace consacré à la résidence des moines, d'une large grotte, d'un musée et d'une église. L'originalité de celle-ci est qu'elle s'intègre dans le rocher et qu'elle contient une nef rehaussée de trois travées, dont l'une est constituée par la grotte, l'autre étant couverte d'une voûte d'arête et la troisième d'une voûte en forme de berceau. L'abside, semi-circulaire, est intégrée dans le rocher.
L'architecte-restaurateur explique ensuite que le monastère construit sur un promontoire étroit qui surplombe le pied d'une paroi raide est « composé de plusieurs volumes qui s'étalent en une formation linéaire, vaguement reliée par une série d'escaliers et terrasses ascendants. La superficie de l'enceinte est concentrée sur l'église qu'on peut rejoindre au haut d'un escalier en pierre, coincé entre la paroi rocheuse et la première construction qui complète le monastère ». La façade de l'église - avec son large portail surmonté de deux arcs trilobés qui reposent sur des colonnes des deux côtés d'une petite porte, elle-même encastrée dans le portail, ressemble à celle des palais de Deir el-Kamar. « Au-dessus de cette façade se trouve une colonnade décorée d'une triple tourelle avec des chaînes et un poids en pierre. »
La restauration de L'église a été entamée par l'ancien directeur de la DGA en 1972. Son plan, unique, précise t-il, est composé de trois parties formant un chapelet de grottes. « La première partie comprend une chapelle, datant du XIIe siècle qui a gardé des traces de fresques. Elle est surmontée d'une voûte en berceau. De l'abside semi-circulaire englobée dans le rocher une porte mène à une grotte secondaire percée de niches et de fenêtres qui s'ouvrent sur le patio du monastère. À quelques pas de l'église, derrière une porte protectrice, se trouve la grotte de saint Antoine, qui possède, dit-on, la capacité thérapeutique de guérir la folie. Elle a été restaurée et éclairée pour mieux recevoir le grand nombre de visiteurs. Quant au sous-sol, il est composé de huit pièces aux voûtes en berceau, dont une abritait un moulin et une imprimerie ; les autres, faisant fonction de dépôts. Ces chambres ont été restaurées et converties en musée.

Les persécutions et les mines de Phaeno
Par ailleurs et pour ce numéro spécial, une magnifique introduction a été signée par le professeur Jean-Paul Rey-Coquais, auteur d'une centaine d'ouvrages sur  l'histoire, les civilisations et les religions du Proche-Orient aux époques grecque, romaine et byzantine. Faisant une plongée dans le passé de l'Église, il déroule sur 26 pages le « Liban chrétien, des origines à Justinien ». S'appuyant sur une documentation « sérieuse », celle  d'Eusèbe de Césarée, l'Évangile selon saint Matthieu et selon saint Marc, les épîtres de l'apôtre Paul, la Vie de Sévère, le spécialiste fournit de nombreux renseignements sur les rapports entre païens et chrétiens. Il souligne que dès le début de l'ère chrétienne, le Christ lui-même est venu à Tyr et à Sidon et que l'antique Phénicie fut plus d'une fois sur le parcours des apôtres et de leurs disciples. Toutefois, « comment, dans les deux siècles qui suivirent, se répandit et s'organisa le christianisme, dans ce qui est aujourd'hui le Liban, nous ne le savons pas expressément », révèle-t-il, notant que le seul renseignement fiable que nous ayons est celui de la présence d'un évêque à Tyr, vers la fin du IIe siècle. Il ajoute que les Actes ou les Passions des martyrs, les Vies de saints ou de saintes, sont « des documents d'usage difficile », car « l'histoire et la légende s'y mêlent (...) et beaucoup de ces textes appellent un prudent examen critique ». Quant aux premières persécutions des chrétiens, elles commencent avec le IIIe siècle, sous le règne de Septime Sévère, en 202, et sont encore plus rigoureuses sous ceux de Dioclétien et de Maximin le tyran où des mesures sont prises pour détruire les églises, confisquer les cimetières, épurer l'armée et l'administration. Zénobios, prêtre de Sidon, mourut sous la torture ; l'évêque de Tyr est jeté à la mer ; de jeunes vierges sont poursuivies et torturées ; des jeunes gens sont  
décapités ; d'autres condamnés aux mines de Phaeno (mines de cuivre situées au sud de la mer Morte).
Et bien que Constantin se prononce en faveur du christianisme, qu'il légalise et met à égalité avec le paganisme, c'est le début d'une période de longues difficultés  : les empereurs ne manquent pas d'intervenir dans la vie de l'Église, dans la nomination de ses chefs et dans l'élaboration de son dogme... Rey-Coquais fait un tour d'horizon de l'époque des conciles œcuméniques, des synodes, des conflits doctrinaux et des ingérences de Justinien dans les questions de dogmes, qui prit soin néanmoins d'étouffer le dernier souffle du paganisme.
Avant d'être confirmé au poste de directeur général des antiquités (DGA) en 1992, l'architecte-restaurateur des monuments historiques, Camille Asmar, a commencé son parcours avec l'émir Maurice Chéhab, qui lui confie dans les années soixante-dix un grand chantier portant sur la réfection de 60 cathédrales, couvents, chapelles, églises et monastères. Rien de plus normal qu'un tel...

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