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Le Liban dans WikiLeaks : fuites et révélations

Les fuites de WikiLeaks sur le Liban : Assad, Siniora et les autres...

Nous rendons compte dans cet article de la teneur de trois câbles diplomatiques américains publiés par WikiLeaks concernant le Liban. Ils remontent tous trois à 2009 et sont datés le premier de Damas, le deuxième de Beyrouth et le troisième de Tel-Aviv.

Des médicaments et... des armes
L'Iran a utilisé des ambulances du Croissant-Rouge iranien pour acheminer des armes et agents au Liban durant la guerre de 2006 entre Israël et le Hezbollah.
Un câble de 2008, émanant de Dubaï, cite une source iranienne selon laquelle le Croissant-Rouge iranien servait de couverture à des membres des gardiens de la révolution, le corps idéologique d'élite des forces armées iraniennes, pour qu'ils infiltrent le Liban pendant le conflit.
« Les véhicules du Croissant-Rouge transportant du matériel médical servaient aussi à acheminer des chargements d'armes ». Des membres du Croissant-Rouge iranien ont vu en Iran « des missiles dans des avions destinés au Liban, au moment de la livraison du matériel médical dans ces avions », selon la même source. L'avion « était, selon eux, à moitié plein avant l'arrivée des produits médicaux ».
Selon la source iranienne, le contrôle d'un hôpital du Croissant-Rouge iranien au Liban a par ailleurs été transmis au Hezbollah à la demande du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah.
Joint par l'AFP, un responsable du parti n'a pas commenté ce câble, l'un des 250 000 documents émanant de l'administration américaine et divulgués dimanche soir par le site Internet WikiLeaks et cinq grands journaux mondiaux.

Assad : « Les élections ne changeront pas grand-chose »
Le 18 février 2009, le président syrien Bachar el-Assad recevait une délégation du Congrès américain, en présence notamment du ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Moallem. Un rapport sur cette rencontre a été envoyé ultérieurement à Washington. En voici des extraits :
« Le sénateur Wicker pria Assad de donner son pronostic sur les élections libanaises (prévues en juin de la même année), et de se prononcer sur la perspective de l'envoi d'un ambassadeur syrien à Beyrouth et sur celle d'un désarmement du Hezbollah. Sur un ton pessimiste et résigné, Assad répondit que les élections libanaises ne changeraient pas grand-chose à la donne. Au Liban, expliqua-t-il, n'importe quel camp est en mesure de disposer du tiers de blocage. Pour lui, le principal était de savoir si les Libanais allaient voter sur des bases politiques ou sectaires. Dans ce dernier cas, les chiites éliraient des chiites, les chrétiens des chrétiens et ainsi de suite, et cela déboucherait sur un conflit. » Sans consensus, on va vers la guerre civile. Cela a toujours été le cas au Liban », dit-il.
« S'agissant de l'envoi d'un ambassadeur, Assad expliqua que l'ajournement de cette démarche entrait dans le cadre d'un processus politique délibéré. La Syrie, souligna-t-il, a ouvert une ambassade et y a installé du personnel. De telles mesures n'auraient pas été prises si elle n'était pas disposée à envoyer un ambassadeur à Beyrouth. Il ajouta toutefois qu'une telle nomination constituait un pas politique dont il fallait choisir le timing opportun. « Nous savons qui et quand, mais nous ne l'annoncerons pas aujourd'hui », dit-il.
« Au sujet du désarmement du Hezbollah, Assad affirma que « le Hezbollah n'a d'autre objectif concernant Israël que de sécuriser la frontière libanaise et prévenir les menaces contre l'intégrité du Liban, à l'instar des violations quotidiennes de l'espace aérien libanais ». Il nota par ailleurs que le Hezbollah est le parti politique le plus puissant du Liban et qu'il est démocratiquement élu. Mais, ajouta-t-il, s'il y a la paix dans la région, les « petites choses avec le Hezbollah et le Hamas disparaîtront. Nous devons donc parler de la paix. C'est la principale clé qui réglerait tout.»
« Assad compara l'approche américaine au sujet du Hezbollah à quelqu'un qui essaierait de repriser un vieux costume alors qu'il lui en faudrait un nouveau. Le sénateur Cardin répliqua que la paix pourrait très probablement aller de l'avant si la Syrie décidait de stopper le flux d'armes à destination du Hezbollah. Le sénateur nota que plusieurs pays étaient toutefois persuadés que la Syrie souffrirait de répercussions négatives de l'Iran si elle prenait l'initiative de stopper le flux d'armes. Mais Assad répondit que la Syrie avait bien mené des négociations avec Israël sans tenir compte de l'opinion de l'Iran. Il relata l'épisode au cours duquel le président iranien Mahmoud Ahmadinejad lui téléphona juste avant la conférence d'Annapolis pour le conjurer de ne déléguer personne à cette « mauvaise réunion ». « Je lui ai répondu que je savais que ce n'était qu'une séance photo, mais qu'en tout état de cause, je comptais y envoyer quelqu'un. Nous faisons ce que nous croyons être bon pour nos intérêts. Cela ne dépend pas de l'Iran », assura-t-il. »

Siniora contre l'implantation des Palestiniens
Le 30 juin 2009, le Premier ministre sortant de l'époque, Fouad Siniora, reçoit le chef du Commandement central (Centcom) américain, le général David Petraeus, en compagnie de l'ambassadrice des États-Unis, Michelle Sison. Voici les extraits les plus significatifs du rapport envoyé par Mme Sison sur cet entretien :
« Siniora exprima à cette occasion ses remerciements pour l'aide soutenue des États-Unis au Liban en matière de sécurité et souligna que cette assistance avait contribué aux résultats positifs des élections législatives du 7 juin (2009). Il décrivit le résultat des élections comme étant un vote en faveur de l'État et de ses institutions et estima qu'en dépit du fait que le Liban était loin d'être le pays le plus important de la planète et malgré un certain nombre d'irrégularités mineures dans la conduite du scrutin, il a montré qu'il pouvait, sans ingérence extérieure, être un modèle de diversité et de démocratie pour la région.
« Le général Petraeus félicita Siniora pour sa propre victoire et le peuple libanais pour avoir organisé des élections pacifiques. Il émit en outre le souhait qu'un nouveau gouvernement voie rapidement le jour. Siniora répondit que la formation du cabinet prendrait probablement « quelque temps » , du fait de l'insistance de l'opposition à disposer du tiers de blocage.
« Siniora déclara par ailleurs que le Liban soutenait l'engagement du président Obama en faveur d'une paix globale au Proche-Orient. Il souligna que la reconnaissance par l'administration américaine de la centralité du conflit israélo-palestinien créait une opportunité pour aller de l'avant dans l'initiative de paix arabe et parvenir à un accord. Il accusa toutefois les Israéliens de se montrer non coopératifs. « Dans son discours du 14 juin, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a dit « oui » à la solution des deux États, mais il a ajouté « mille non », déplora-t-il. Le sort final des réfugiés palestiniens ne devrait pas être réglé aux dépens du Liban, prévint Siniora.»
 À ce stade, une parenthèse est ajoutée dans le rapport expliquant les craintes libanaises au sujet de l'implantation des réfugiés palestiniens sur le sol libanais et soulignant l'hostilité du gouvernement libanais à cet égard.
Au sujet de la Syrie, reprend le texte, « Siniora évoqua l'importance géopolitique de ce pays. Il déclara que le Liban voulait des relations bilatérales fondées sur le respect mutuel et salua l'établissement de liens diplomatiques comme étant un premier pas positif. Mais il ajouta qu'il restait des points litigieux, comme la question du tracé de la frontière et celle de la présence des bases militaires du FPLP-CG. Commentant les signes de dialogue naissant entre les États-Unis et la Syrie, il conseilla aux Américains de rester prudents et de ne pas offrir de cadeaux à la Syrie avant que les Syriens ne fassent le premier pas. Et le plus important, c'est que les États-Unis ne doivent pas permettre à la Syrie, ni à aucun autre État de la région, d'utiliser le Liban comme un théâtre de guerre. Le dialogue avec la Syrie ne doit pas se faire aux dépens du Liban », plaida-t-il.
« Le général Petraeus assura pour sa part à Siniora que l'administration américaine comprenait bien les préoccupations du Liban. Il lui dit que le président Bachar el-Assad lui avait à plusieurs reprises adressé des invitations à lui rendre visite, mais qu'il jugeait que le temps n'était pas encore opportun pour accepter une invitation. La Syrie, expliqua-t-il, continue d'autoriser des réseaux liés à el-Qaëda d'opérer à partir de son territoire et permet le passage d'auteurs d'attentats-suicide en Irak. Le général Petraeus ajouta que les États-Unis souhaiteraient voir la Syrie retourner dans le giron arabe et développer des relations plus étroites avec l'Occident, plutôt que de continuer à s'aligner sur l'Iran ».
Au sujet de l'Iran, les deux hommes abordèrent, selon le document, la crise issue de l'élection présidentielle du 12 juin dans ce pays. Le général Petraeus souligna qu'il était encore « trop tôt pour savoir si les événements en cours auraient un impact significatif sur la capacité de l'Iran à soutenir le Hamas et le Hezbollah et à entraîner les combattants étrangers en Irak. Siniora convint que des fissures étaient apparues à cette occasion dans le système iranien, mais il lança une mise en garde contre toute action militaire israélienne à l'encontre de l'Iran. Selon lui, une telle action ne pourrait que rendre la situation pire encore dans la région ».
« Le général Petraeus répondit que ce n'est pas le désir des États-Unis de voir la force utilisée de l'extérieur contre l'Iran. Il observa cependant un phénomène naissant chez les dirigeants du Golfe, qui sont préoccupés de voir quelqu'un frapper le programme nucléaire iranien, mais qui le sont tout autant de ne voir personne le faire ».

Israël et l'aide US à l'armée libanaise
Les 22 et 23 juillet 2009, le sous-secrétaire d'État américain pour les affaires politiques et militaires, Andrew Shapiro, a des entretiens à Tel-Aviv avec des responsables israéliens axés notamment sur la coopération militaire. Le 22, il rencontre le directeur général du ministère israélien de la Défense, Pinchas Buchris, et deux autres hauts responsables de ce ministère, Amos Gilad et Eli Pincu, ainsi qu'un officier supérieur, le général Yossi Heymann. Le lendemain, il se réunit au ministère des Affaires étrangères avec le directeur général, Yossi Gal. Voici des extraits du rapport envoyé de Tel-Aviv au sujet de ces entretiens :
« Le gouvernement israélien demeure soucieux au sujet des transferts d'armes américaines à l'armée libanaise et souhaite engager de nouvelles discussions sur les intentions futures des États-Unis à ce propos. Shapiro soutint que le résultat des élections législatives au Liban marquait un tournant et qu'il y avait un rejet du Hezbollah et de ses sponsors iraniens. Le besoin d'édifier des institutions libanaises fortes, y compris l'armée, est pour l'heure plus essentiel que jamais, souligna-t-il.
« Buchris admit que le scrutin au Liban était positif, mais il souligna que l'influence du Hezbollah demeurait forte. Pour sa part, Amos Gilad déclara que le gouvernement israélien ne croyait pas dans l'éventualité d'une attaque de l'armée libanaise contre Israël. Cependant, étant donné les liens qui existent entre le Hezbollah et l'armée, il se disait certain que l'armée israélienne aurait à faire face à l'armée libanaise dans tout conflit avec le Hezbollah.
« Des analystes du Centre de recherches politiques relevant du ministère israélien des Affaires étrangères affirmèrent qu'il n'y avait pas eu de changement fondamental sur la scène politique libanaise en dépit de l'importante victoire du 14 Mars aux élections. Ils soulignèrent que la délicate situation politique au Liban était stable pour l'heure, mais que le Hezbollah continuait à posséder un droit de veto non officiel ».
De plus, ajoutèrent ces analystes, « l'armée libanaise subit d'énormes pressions suite à la récente explosion survenue dans un dépôt d'armes du Hezbollah, près de la frontière libano-israélienne. Yossi Gal releva que la Finul avait été empêchée d'enquêter sur cette explosion.
« Shapiro s'enquit de savoir si le résultat des élections serait en partie dû à un revirement de l'opinion chrétienne à l'égard du Hezbollah, mais les analystes israéliens estimèrent que plusieurs facteurs entraient en jeu, y compris le flux d'argent saoudien et l'instabilité de l'alliance de l'opposition. Ils convinrent avec Shapiro que Hassan Nasrallah pouvait avoir reçu un coup à la suite des élections, mais maintinrent que le Hezbollah continuait à ébranler la coalition du 14 Mars.
« Le général Heymann reconnut lui aussi que le scrutin libanais avait eu un résultat positif. Mais il exprima la crainte que ce résultat ne reflète pas le vrai poids des chiites au Liban. Tout en étant d'accord (avec les Américains) sur le principe d'un renforcement des modérés et de l'armée libanaise, il se dit fortement préoccupé par la coopération permanente entre cette dernière et le Hezbollah. Il souligna que l'aide (américaine) au Liban devrait être accompagnée par des efforts visant à stopper la contrebande d'armes à destination du Hezbollah et à affaiblir directement ce dernier ».
Des médicaments et... des armesL'Iran a utilisé des ambulances du Croissant-Rouge iranien pour acheminer des armes et agents au Liban durant la guerre de 2006 entre Israël et le Hezbollah.Un câble de 2008, émanant de Dubaï, cite une source iranienne selon laquelle le Croissant-Rouge iranien servait de couverture à des membres des gardiens de la...