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Culture - Sculpture

Les « Métamorphoses » de Mireille Honeïn au nouvel espace de la galerie Janine Rubeiz

Pour l'inauguration du nouvel espace dans lequel s'installe la galerie Janine Rubeiz * à partir de ce mois de décembre, Nadine Begdache a choisi de présenter les sculptures grand format de Mireille Honeïn. Un changement de lieu mais non d'objectif et qui se marie à plus d'un niveau aux « Métamorphoses » de la sculptrice.

«Arachné», ou la femme araignée. (Michel Sayegh)

De grandes sculptures peuplent donc ce lieu encore vierge aux murs blancs et au parquet beige clair qui permettent à la fois au regard une lecture du travail de l'artiste et une immersion totale dans l'espace aux lignes épurées. Une verrière (élément essentiel de l'architecture) parachève de renvoyer la lumière, nimbant le lieu dans un éclairage naturel.
Installée depuis 1993 dans l'appartement de sa mère Janine Rubeiz, Nadine Begdache a décidé de s'offrir ce nouvel espace spécialement aménagé par son fils, l'architecte Karim Bekdache, qui a également conçu tous les meubles en accord avec le lieu.
Pour définir la configuration de cette architecture si simple mais néanmoins si évocatrice, la galeriste a immédiatement pensé à l'artiste Mireille Honeïn pour le lancement de l'espace. «Il fallait de grandes œuvres, des formes plus exactement, qui permettraient au lieu de respirer et d'avoir sa propre vie», dit-elle. Pour sa part, Honeïn s'est dit ravie de ce projet et s'est attelée à poursuivre un travail déjà en marche.

Donner forme aux mythes
S'inspirant des Métamorphoses d'Ovide, la sculptrice a sélectionné des légendes qui l'interpellent en tant que libanaise vivant entre deux continents et qui plongent aussi dans les racines de notre civilisation, s'emparant de l'essence des mythes des Anciens.
Merveilleuse Arachné, femme araignée, juchée encore sur un pied humain et qui ancre ses longues pattes au sol. Devant sa toile tissée de fines perles et de pierres scintillantes sur laquelle se lisent des mots comme châtiment, orgueil... la légendaire tapissière qui a réussi à défier Athéna en risquant d'être châtiée représente cet éternel féminin, symbolique importante dans le travail de Mireille Honeïn, qui ne se soumet pas et continue à se battre.
Entourée de deux sculptures, L'envol d'Icare et L'enlèvement d'Europe par le taureau - les deux s'inscrivant dans une dynamique de mouvement - la femme araignée, plantée au centre, est la seule dont les pieds sont au sol.
Les travaux d'apparence si différents sont reliés par une même thématique, la métamorphose, ou le passage d'un état à un autre.
«Les métamorphoses sont pour moi un creuset d'histoires que nous vivons actuellement, dit Mireille Honeïn. Ovide a vécu en Grèce et à Rome. Ses récits, comme les nôtres, se croisent, s'imbriquent, formant un canevas complexe et collectif.» Arachné ou le châtiment d'excellence renvoie également au statut de l'artiste qui rêve d'absolu, mais dont le travail est perdu dans un monde de mercantilisme. Quant à Icare, cet exilé, banni avec sa famille d'Athènes et qui, désobéissant à son père, se laissera griser par l'espace aérien et la lumière, ce mythe légendaire ne représente-t-il pas tous ceux qui se sont trop approchés de la vérité au risque de leur vie? Icare n'est plus une légende, le film I comme Icare l'a rendu le symbole de tous ceux qui sont en quête de la vérité. «Quoi de plus actuel que le fait de vouloir être dans la lumière, la vraie? Et quand est-ce que le travail honnête et bien accompli sera-t-il récompensé?» ajoute Mireille Honeïn.

De l'engagement...
Artiste engagée? «Certainement, répond-elle. Comment un artiste peut-il ne pas témoigner des bouleversements de son époque? Mon langage est la sculpture et c'est avec cette expression-là et uniquement que j'aborderais les problèmes sociaux et politiques.» Et d'ajouter: «J'irai même jusqu'à tordre les normes du beau pour que mon travail soit au service de ma problématique.»
Ainsi, en représentant la belle Europe non comme une femme confortablement installée sur le dos du taureau, mais comme une femme enlevée, l'artiste parvient à reproduire l'enlèvement, cet acte humiliant pour quiconque dans le tiraillement de deux mouvements antagonistes. «Il fallait que j'ôte de l'esprit du spectateur cette idée lénifiante de la gracieuse Europe et rendre visible et lisible l'acte d'enlèvement, et pour cela sacrifier l'idée du beau à l'expression artistique.»
Comment cette artiste qui a su, au fil des années, surfer sur les mouvements de toutes les matières et explorer les possibilités qu'elles offrent, tout en privilégiant le bronze, peut-elle allier le côté concret et physique du travail de sculpture à son aspect abstrait? «J'ai mis, dit-elle, cinq ans pour réaliser Arachné. Cinq ans de réflexion et de brisures afin d'aboutir à ce profil de femme que je voulais différent des autres araignées.» «Quant au bronze, précise-t-elle, ce n'est pas le début du travail, mais son aboutissement. Le sculpteur travaille le papier mâché, le bois, la pierre ou la terre et c'est le fondeur qui a la tâche de les transformer.» Encore un travail de métamorphose en accord avec le thème. La création d'une sculpture en bronze est donc l'aboutissement «du travail de groupe» de tout ce qui a été fait en amont. Inaltérable, ce bronze, à la fois éternel et sans âge, traverse les siècles en se transmettant de génération en génération et donne le visage de la pérennité aux travaux de Honeïn.
En saisissant l'acte de métamorphose, cet instant «fini» au souffle d'infini, où tout bascule, Mireille Honeïn s'est nourrie des strates de la terre pour donner forme à des légendes immortelles.
L'exposition se poursuit jusqu'au 31 décembre.

* Galerie Janine Rubeiz. Ouverte du mardi au vendredi, de 10h00 à 19h00, et les samedis, de 10h00 à 14h00. Imm Majdalani, Raouché, rez-de-chaussée. Tél. : 01/868290.
De grandes sculptures peuplent donc ce lieu encore vierge aux murs blancs et au parquet beige clair qui permettent à la fois au regard une lecture du travail de l'artiste et une immersion totale dans l'espace aux lignes épurées. Une verrière (élément essentiel de l'architecture) parachève de renvoyer la lumière, nimbant le lieu dans un...

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