L’ambassadeur de Chine au Liban, Liu Zhiming, entouré des membres du conseil municipal de Hammana sous la présidence de Habib Rizk, lors d’une cérémonie pour déposer une couronne de fleurs devant le buste en bronze du Dr Ma Haide. Photo Hind Bou Assaf
Toutefois, malgré les distances énormes qui ont toujours séparé le médecin d'origine libanaise de son village, Hammana, Georges Hatem a insisté à garder le contact avec les siens, dans toutes les circonstances.
Dès sa plus tendre enfance, le petit Georges « a participé activement à la vie paroissiale de l'église maronite de Buffalo où il est né. Il a même fait partie de sa chorale », explique l'ancien ambassadeur du Liban en Chine, Farid Samaha. À la fin de ses études secondaires, Georges Hatem décrocha une bourse et décida de venir à Beyrouth pour entamer ses études de médecine à l'AUB.
C'est au Liban que le jeune étudiant en médecine a été confronté à son premier cas de lèpre. Une expérience qui l'a énormément touché, puisqu'il a décidé de concentrer ses travaux et sa vie professionnelle à éradiquer cette maladie en Chine, où il a passé la majeure partie de sa vie.
Durant son séjour au Liban, « le jeune étudiant a passé ses vacances d'été à Hammana, où il fut accueilli chez son oncle ou sa tante paternelle », se rappelle Joseph Rached, un parent proche de la famille. Ce dernier est resté en contact avec Georges Hatem après son départ pour la Chine. M. Rached garde toujours chez lui la correspondance qu'il a eue pendant cette période avec son parent éloigné, notamment après la visite de Joseph Hatem, le frère de Georges, qui lui a rendu visite en Chine, et lui a raconté son agréable séjour au Liban.
« Il était très inquiet durant la période de la guerre, pour le Liban en général et Hammana plus particulièrement », explique M. Rached, en montrant les différentes lettres qu'il a reçues de Ma Haide, son lointain cousin chinois, dans lesquelles il exprime sa crainte pour la famille suite aux mauvaises nouvelles qu'il recevait de l'ambassade libanaise sur la situation dans le pays.
Joseph Rached explique par ailleurs qu'il avait envoyé au Dr Hatem, à sa demande, un bout d'olivier pour qu'il puisse le planter chez lui, comme un souvenir vivant de la terre de ses ancêtres. En effet, son attachement pour le Liban semble s'être exprimé à travers son amour pour les plantes venues de son pays. « Quand j'ai visité Georges Hatem dans son humble demeure, j'ai trouvé, plantées chez lui, deux vignes venues du Liban », explique pour sa part Miled Bou Sreih, un commerçant, dont les visites d'affaires en Chine lui donnèrent l'occasion de rencontrer le médecin libanais. « Lors d'un dîner en compagnie de ma femme, Georges Hatem a insisté en la saluant à lui donner trois baisers. "C'est comme ça qu'on fait chez nous au Liban", avait-il dit, amusé », explique M. Bou Sreih.
Le Dr Ma Haide a revisité le Liban au début des années 70, suite à une invitation de l'ancien président Sleimane Frangié, avec une délégation de médecins chinois. Sa visite, à caractère professionnel, lui a permis de faire un tour dans les hôpitaux libanais et de partager son expérience avec le corps médical libanais. Ce fut également une occasion pour lui de se rendre à Hammana, où il rencontra des membres de sa famille et des amis. « J'ai rencontré Georges Hatem lors d'une énorme réception qui a eu lieu en son honneur à l'hôtel Beau rivage à Beyrouth », explique Adel Hatem, un parent et pharmacien à la retraite qui fut impressionné par les travaux accomplis par le Dr Ma Haide en Chine. « Il a commencé de zéro. Il a dû lui-même enseigner et expliquer aux infirmiers comment faire un test sanguin », explique-il en insistant sur la misère et la pauvreté de la population chinoise à cette époque.
La notoriété et la popularité de Georges Hatem en Chine ont poussé l'ambassadeur Farid Samaha à récompenser ce célèbre médecin d'origine libanaise. Ainsi, en 1986, deux ans avant sa mort, le président Amine Gemayel lui a octroyé l'ordre national du Cèdre (grade de commandeur), qui lui fut décerné à l'ambassade du Liban en Chine par M. Samaha, en présence d'une centaine d'invités, dont la présidente du comité consultatif, représentant le président de la République chinoise, ainsi que le ministre chinois des Affaires étrangères et le ministre chinois de la Santé à cette époque.
Ma Haide a également joué un rôle important dans les relations entre Beyrouth et Pékin. En effet, il est devenu aujourd'hui le symbole de l'amitié qui lie les peuples libanais et chinois.
Pour sa part, la ville de Hammana n'a pas oublié son fils. Un petit jardin faisant face au palais municipal a été baptisé du nom de Ma Haide en 1995. À cette occasion, la femme de Georges Hatem et son fils ont été invités à assister à cet événement. Quelques années plus tard, en 2003, un buste en bronze représentant le célèbre médecin a été installé dans la même place, juste à côté de l'église familiale et à deux pas de la maison qui a vu naître son père et son grand-père.
Depuis, chaque année, l'ambassadeur chinois vient déposer une couronne de fleurs devant la statue, réalisée en Chine, lors d'une cérémonie organisée par la municipalité de Hammana.
Pour Joseph Rached, c'est notamment grâce à l'attachement particulier qu'avait Georges Hatem pour son village, et la correspondance entre ce dernier et les membres de sa famille qui y réside, à travers le courrier de la représentation diplomatique chinoise, qu'un lien particulier est né entre Hammana et l'ambassade.
Selon Hind Bou Assaf, membre du conseil municipal de la ville, un projet de développement pour la construction d'un puits à Hammana est en train d'être exécuté, fruit d'un accord entre l'ambassade et la municipalité sous la présidence de Habib Rizk. « On espère que les habitants de Hammana se rappelleront toujours du Dr Ma Haide, chaque fois qu'ils boiront de l'eau de ce puits », a ainsi déclaré récemment l'ambassadeur de Chine au Liban Liu Zhiming lors d'un dîner organisé à l'occasion du centième anniversaire de la naissance de Georges Hatem, qui est devenu au fil des années « la fierté de Hammana », conclut M. Bou Sreih.
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