Dans cette période de tensions extrêmes, la France, représentée par Kouchner, et le patriarche Sfeir, hier à Bkerké, deux voix qui s'accordent pour le bien du Liban : le temps est à la retenue et à la responsabilité de chacun./
Reste cependant que chaque camp, toutes communautés confondues, reste arc-bouté sur ses positions, le 14 Mars insistant sur l'importance du tribunal international chargé de l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, et le 8 Mars, intraitable, voulant la suppression de ce tribunal ou du moins de l'acte d'accusation qui semble vouloir désigner le Hezbollah comme le principal responsable de l'attentat qui coûté la vie à l'ancien Premier ministre libanais et à 22 autres victimes tombées en même temps que lui, ainsi que les autres attentats mortels qui ont visé la fine fleur des dirigeants du 14 Mars et de ses alliés du monde de la presse et de la société civile.
Ainsi, plus la date probable de la publication de l'acte d'accusation approche, plus les positions se radicalisent dans les deux camps. L'ex opposition du 8 Mars, ainsi que ses alliés régionaux (Syrie et Iran) multiplie de son cotés les mises en garde et même les menaces donnant toujours aux libanais "à choisir entre le tribunal et la paix civile", un choix rejeté catégoriquement par la majorité, par les pays arabes et par les grandes puissances internationales.
Sur le plan intérieur, la semaine a été riche en rebondissements. Tout d'abord, la séance du Conseil des ministres de mercredi dernier a été escamotée pour ne pas avoir à discuter du dossier des faux témoins, considéré comme étant un leurre lancé par le 8 Mars pour discréditer le TSL. Furieux du report de la discussion, les principaux ténors de l'opposition ainsi que leur nouvelle recrue, le leader druze Walid Joumblatt, ont boycotté la séance de dialogue national de jeudi dernier à Baabda, consacrée en principe au dossier des armes du Hezbollah et de la manière de les remettre sous le contrôle de la légalité.
Dans le même temps, le "mini-sommet" regroupant, mardi dernier, les ambassadeurs d'Arabie saoudite, d'Iran et de Syrie, au domicile du dernier nommé, n'a pas tenu ses promesses, l'Iran,semble-t-il, n'étant pas séduit par l'idée de rejoindre "le parapluie sécuritaire" SS (Arabie saoudite-Syrie), qui a fonctionné jusqu'à présent mais qui commence à prendre l'eau à mesure que la parution de l'acte d'accusation approche.
Parallèlement les médias de l'opposition faisaient état de "scénarios catastrophes" annonçant un coup de force du Hezb au niveau de tous le pays pour mettre la main manu militari sur le pouvoir et édicter officiellement le refus de reconnaitre le TSL rendant ainsi caduc le contenu de l'acte d'accusation annoncé. Ces scénarios prévoient également le retour de l'armée syrienne au Liban "à la suite d'affrontements sanglants entre sunnites et alaouites à Tripoli".
Des troubles d'ailleurs ont déjà lieu dans le Akkar où on dénombre 4 tués dans des affrontements, vendredi et hier samedi, entre des "contrebandiers" et l'armée libanaise. S'agit-il des prémices des désordres annoncés par les mauvaises augures de l'opposition et qui sont appelés à s'étendre? Ne s'y trompant point sur la gravité de ces incidents, le Premier ministre Saad Hariri a appelé les habitants de la région à éviter "le piège" de la discorde et à préserver la troupe de tout danger.
À ce propos, il est à noter que le commandant en chef de l'armée, le général Jean Kahwagi, s'est dit hier "inquiet" des derniers développements négatifs dans le pays et que des renforts avaient déjà été dépêchés dans les points sensibles, notamment dans la capitale, Beyrouth.
C'est dans cette atmosphère de haute tension, d'inquiétude extrême et même de peur, palpable à tous les niveaux de l'État et surtout dans les rangs de la population, que le Conseil de sécurité de l'ONU, prenant la mesure du danger, s'est réuni en session urgente pour réaffirmer haut et fort son appui à la légalité libanaise et au Tribunal international. Une voix arabe, celle de l'Arabie saoudite, s'est élevée hier par la bouche de son ministre des Affaires étrangères Saoud el-Fayçal, pour appeler toutes les parties à coopérer pour apaiser les tensions et participer au renforcement de l'État libanais sous la houlette du président de la République Michel Sleiman.
Dans le même temps, la France dépêchait son ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, dans une tentative de faire baisser cette tension. Il est à rappeler cependant que le même Kouchner avait déjà eu une entrevue orageuse au sujet du TSL avec le président du Parlement Nabih Berry lors de la dernière visite de ce dernier à Paris, le chef d'Amal n'ayant pu convaincre les dirigeants français, dont le chef de l'État Nicolas Sarkozy "de faire quelque chose" pour éviter que le Hezbollah ne boive la coupe amère de l'acte d'accusation.
Les nuages noirs s'amoncellent donc et "les Libanais n'auront que leurs yeux pour pleurer.... ", selon un diplomate occidental, si les efforts locaux, régionaux et internationaux ne donnent pas des résultats probants, l'opposition et avec elle l'Iran et dans une moindre mesure la Syrie, étant convaincus que "le TSL est l'outil par excellence du complot ourdi par Israël et les Grandes puissances pour abattre le Hezbollah".
E-Journal OLJ