Nadim Houry : « Notre atout principal est l’objectivité. »
Dans une interview accordée à L'Orient-Le Jour à New York, Nadim Houry, directeur du HRW - Liban, dresse un bilan de l'action de cette organisation dans le domaine des droits de l'homme, « un objectif difficile, mais pas impossible. »
Depuis sa création au Liban, HRW compte de nombreuses « success stories » réalisées sur le terrain, mais « les promesses faites restent parfois lettre morte », constate cet ancien avocat du barreau de New York qui a travaillé à l'ONU dans le cadre du programme « Pétrole contre nourriture », instauré dans les années quatre-vingt-dix en faveur de la population irakienne.
Dans cet entretien, Nadim Houry évoque notamment le cas des droits des 600 réfugiés irakiens détenus dans les geôles libanaises « qu'on gardait prisonniers bien après la fin de leur peine ». Grâce à un lobbying international intense et avec la collaboration d'ONG locales, du Conseil des Nations unies pour les réfugiés et des agences de l'ONU, HRW « a pu obtenir leur libération », se félicite-t-il.
Il note par ailleurs que le ministre de l'Intérieur, Ziyad Baroud, « s'active sans relâche pour trouver une solution permanente à cette question à travers une commission interministérielle, mais aucune solution n'a encore été trouvée ».
Le directeur de HRW cite aussi la campagne active avec la collaboration d'ONG locales dans le cadre des droits des travailleurs migrants et des employées de maison au Liban, qui a abouti à la création en 2009 d'un nouveau contrat de travail certifié par le ministère du Travail.
« Nos efforts ont été récompensés », se félicite-t-il. C'est dans cet esprit que le ministre du Travail, Boutros Harb, a mis sur pied en juin dernier une « ligne verte » pour recevoir les plaintes diverses des travailleurs. Malgré ces avancées perceptibles dans les droits des travailleurs, « le chemin reste long à parcourir », dit-il.
Quant aux droits de la femme, la campagne que mène HRW au Liban avec la collaboration d'ONG locales reste bien ciblée. M. Houry constate que la discrimination contre la femme au Liban est évidente et que ses droits sont « bafoués ». La question des droits à la nationalité ainsi que la violence contre les femmes, la discrimination sociale et les problèmes liés au droit à l'héritage, qui nécessitent une solution évitant le « shopping confessionnel » actuel, sont des points importants de cette campagne.
Car « la question fondamentale est de savoir si les Libanais sont vraiment égaux devant l'État. La femme au Liban est traitée comme une citoyenne de second ordre. Il faut qu'il y ait débat sur ce sujet. Si ce débat a lieu, on pourra alors résoudre plein de problèmes », dit-il.
Contre la peine de mort
Le directeur de HRW se dresse par ailleurs en défenseur contre la peine capitale. Ce débat est d'actualité au Liban, surtout avec la publication prochaine de l'acte d'accusation du TSL et le démantèlement des réseaux d'espionnage à la solde d'Israël. Nadim Houry avoue que son organisation a publié de nombreux communiqués à ce sujet et se préoccupe des « appels qui augmentent dans ce sens. Nous sommes inquiets des déclarations de leaders politiques libanais en faveur de la peine capitale, notamment dans les cas de personnes suspectées d'espionnage ou d'appartenir à Fath el-Islam », note-t-il.
Le moratoire de facto a été instauré au Liban depuis 2004, rappelle-t-il. « Mais le président de la République, Michel Sleiman, a indiqué, en juin dernier, qu'il serait prêt à signer des décisions d'exécution. » M. Houry s'est félicité à cet égard de la position « importante, claire, et courageuse » du ministre de la Justice, Ibrahim Najjar, à l'occasion de la Journée mondiale de la peine de mort, qui a assuré quant à lui qu'il ne signerait aucun décret d'exécution.
« Notre position est claire. Nous nous opposons à la peine capitale car elle est contraire à la dignité humaine. Les criminels doivent être punis, mais il existe d'autres sentences », assure-t-il. Cet activiste met aussi en garde contre les procès devant les tribunaux militaires car il est « convaincu qu'il y a un grand risque que des personnes innocentes soient exécutées ».
Détenus libanais en Syrie : pas d'action concrète
HRW travaille par ailleurs sur la question des disparitions et celle des droits des prisonniers. Concernant les prisonniers libanais dans les geôles syriennes, Nadim Houry rappelle le premier rapport international publié par HWR et intitulé « An Alliance Beyond the Law » (Une alliance au-delà de la loi) sur les pratiques illégales d'abus des droits de l'homme dont la question de transfert des détenus et la disparition des Libanais. « Notre stratégie est d'assister les ONG locales et les familles des détenus dans leur demande, notamment par la création d'une commission nationale avec des prérogatives importantes pour enquêter et établir la vérité sur la question des transferts. Nous collaborons avec d'autres ONG sur des possibilités de lobbying au niveau des autorités libanaises et aussi avec les Nations unies », explique-t-il. « Ce sujet, ayant une dimension internationale, nécessite la collaboration de l'ONU. La question des mécanismes des Nations unies n'a malheureusement pas porté ses fruits », constate-t-il. « La mise en place en 2005 d'une commission libano-syrienne n'a pas été suivie d'action palpable. Garder les personnes en attente pendant cinq ans, c'est contribuer à l'agonie des familles », dit-il.
Mais c'est avec optimisme qu'il rappelle que les « deux gouvernements successifs d'union nationale au Liban ont annoncé, dans leur déclaration ministérielle, leur volonté de régler cette question. Mais là encore, aucune action concrète n'a été prise.
« Nous sommes engagés au service des fondements et des principes des droits des l'homme. Le message et l'atout principal de HRW sont avant tout notre esprit de recherche et notre objectivité », conclut-il.