Crawford/Sample, des retrouvailles pour un concert détonnant. Photo Hassan Assal
Joe Sample, fondateur emblématique des Crusaders, est l'un des musiciens de scène les plus recherchés, avec 50 ans d'expérience dans la soul et le funk. Depuis la fin des années 1980, ce pianiste et compositeur a en effet joué sur les albums de nombreux artistes et groupes comme Miles Davis, George Benson, Jimmy Witherspooon, B.B. King ou encore Steely Dan.
Randy et Joe partagent donc une histoire, une culture musicale commune, riche en gospel, jazz et R&B.
Les retrouvailles de la chanteuse et du pianiste devaient nécessairement être promises à un résultat aussi marquant que celui de leur collaboration initiale, il y a plus d'un quart de siècle, avec le tube international Street Life. Les albums Feeling Good (2006) et No Regrets (2008) et leur succès incontesté auprès de la critique en sont la preuve. Sur le plan musical live, le duo s'affranchit aujourd'hui de toute sophistication superflue afin de revisiter en concert des classiques ou des compostions associés à Billy Holiday ou Nina Simone.
Surfant de façon aérienne sur le piano dépouillé de Joe Sample, la voix gorgée de gospel de Crawford donne le frisson au public le plus exigeant.
Les aficionados de la note bleue, réunis en ce soir de ciel plombé laissant passer quelques gouttes timides d'une pluie qui tarde à venir (heureusement d'ailleurs), ont été visiblement enchantés par le répertoire bien choisi (Rio de Janeiro Blues, Me Myself and I ) et très bien interprété par des musiciens hors pair. Sample a entamé la soirée avec quelques-uns de ses morceaux les plus célèbres comme Spellbound, Memories, Marie Laveau, entrecoupant les morceaux de commentaires drôles, de souvenirs d'enfance.
Des airs habités par la Miss Crawford avec une sobriété (oui, sobriété, en dépit de la longue robe moirée et argentée qu'elle n'a cessé de chiffonner) et un naturel... de diva, tout simplement. Impeccablement juste d'une plage à l'autre, mais par-dessus tout formidablement humaine, tour à tour vulnérable (quand elle se pose sur un tabouret de scène, étourdie par le jet lag, comme elle dit), épanouie ou électrique. Face à elle, et avec l'assurance et l'autorité de ceux qui n'ont plus rien à prouver, Joe Sample sertit les vocalises de sa complice de petits joyaux de fantaisie, d'audaces maîtrisées, toujours en phase avec l'atmosphère spécifique du morceau. Un jeu à la fois fluide et inspiré, souple et passionné. Les improvisations sont parfaitement menées et témoignent d'une belle maîtrise de l'harmonie.
Impossible de conclure sans évoquer le travail de la section rythmique, ou de la basse, remarquables elles aussi de précision et de concision, toujours inspirées et swinguantes.
Soirée plaisante, donc, à l'ambiance groovy et funky. Un répertoire de rythm and blues, de standards de jazz et de funk qui a fait vibrer les nouveaux Souks de Beyrouth d'un beau frisson...bleu.