Le bâtiment des archives, abritant les manuscrits et reliques saintes de l’histoire de la foi bahaïe, à Haïfa, en Israël.
La foi bahaïe est considérée comme l'une des plus jeunes des religions mondiales. Elle a vu le jour au milieu de XIXe siècle en Perse. Son fondateur est Baha'ullah qui a proclamé en 1863 être le porteur d'une nouvelle révélation, dont la finalité est d'établir l'unité de la race humaine. Ce nouveau prophète s'est éteint en 1892 à Haïfa, où se trouve actuellement son mausolée.
Persécutions
L'une des raisons invoquées par le régime des mollahs en Iran pour justifier la persécution des bahaïs est justement la présence de cette communauté en Israël. Depuis l'avènement de la République islamique, ils sont considérés comme des « infidèles non protégés, (...) des non-personnes, [qui] n'ont ni droits ni protection », selon la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) dans son rapport de 2003 sur les discriminations religieuses en Iran. En effet, le harcèlement des membres de cette communauté est généralisé dans ce pays.
« Depuis le début des années 1980, plus de 200 bahaïs ont été exécutés ou assassinés, des milliers ont été arrêtés, emprisonnés et interrogés, et des dizaines de milliers se sont vu déposséder de leur emploi, de leur pension et de la possibilité de faire des études. Les lieux saints, les cimetières et les propriétés de la communauté ont été confisqués, vandalisés ou détruits, et la discrimination envers les bahaïs est une politique officielle », explique Sophie Ménard, porte-parole des bahaïs de France.
En Égypte, les bahaïs sont considérés comme des « citoyens-fantômes ». Ainsi, la Cour suprême administrative égyptienne les a obligés, en décembre 2006, à choisir entre les trois religions officiellement reconnues (christianisme, islam et judaïsme) ou de renoncer à leur carte d'identité, les privant alors de la plupart de leurs droits de citoyens.
Peter Aburi, coordinateur aux relations extérieures de la communauté internationale bahaïe au Kenya, explique l'aversion de musulmans pour le bahaïsme : « Le seul fait de considérer l'existence d'un nouveau prophète venu après Mohammad est une hérésie pour l'islam. En plus, les idées progressistes de la foi bahaïe, sur des sujets comme les droits des femmes, la recherche indépendante de la vérité, l'absence de clergé... posent un véritable problème pour les religieux musulmans. » Selon M. Aburi, « les bahaïs ont été persécutés en Iran depuis la naissance de leur foi. Les premiers fidèles ont été violement opprimés par le gouvernement et les religieux. Quelque 20 000 adeptes ont été tués au XIXe siècle dans ce pays ». Les persécutions se sont par la suite poursuivies par intermittence, s'intensifiant, d'une manière générale, dès que les gouvernements cherchaient à gagner les faveurs des autorités religieuses islamiques, ajoute pour sa part Sophie Ménard.
Hatem el-Hady, membre de la Communauté internationale bahaïe à Londres, est plus nuancé. « La persécution des bahaïs en Iran n'est pas reliée à un contexte politique ou ethnique particulier. Les attaques contre la foi des bahaïs sont semblables à celles subies par toutes les nouvelles religions à travers l'histoire », affirme cet égyptien vivant au Royaume-Uni. Notant que la naissance d'une nouvelle religion contredit les préceptes de l'islam, considéré comme l'ultime révélation par les musulmans, M. Hatem souligne que les enseignements des bahaïs ne réfutent pas l'islam ni aucune autre des religions antérieures. Selon lui, les violations des droits des bahaïs en Égypte ne visent pas la foi des croyants, mais tombent dans le contexte général des droits des minorités.
Une religion pacifiste
L'oppression des bahaïs est d'autant plus surprenante que « les enseignements de cette religion interdisent explicitement tout engagement politique partisan ou toute activité subversive contre le régime en place », affirme Peter Aburi. Hatem el-Hady explique pour sa part que « le bahaïsme voit l'État comme un système permettant le bien-être et le progrès de la société et, de ce point de vue, il incombe au bahaï d'obéir aux lois et règlements du pays dans lequel il se trouve ». Seule entorse à ce principe, explique M. Aburi, « un bahaï peut ne plus obéir à son gouvernement si ce dernier lui ordonne de renier sa foi ou de se convertir à une autre religion ».
Par ailleurs, l'existence d'une structure administrative internationale pour la communauté bahaïe, implantée dans plus de 180 pays, ne se pose pas en termes politiques et ne signifie en aucun cas une ingérence dans les affaires internes d'un pays, affirme Hatem el-Hady précisant que « ce réseau mondial vise à canaliser les énergies des membres au service du bien commun et à organiser les affaires religieuses et sociales de la communauté ».
En tout état de cause, la violence est totalement bannie et exclue des traditions et des enseignements des bahaïs. Selon Peter Aburi, « nous ne nous engageons dans aucune forme de violence ou de résistance même si nous sommes persécutés. Les premiers fidèles ont souffert de cette persécution mais n'ont à aucun moment opté pour une réaction violente contre leurs oppresseurs ». « Les bahaïs n'exercent aucune résistante clandestine et encore moins militaire pour imposer leurs droits », renchérit Sophie Ménard. « Dans les pays où ils sont persécutés, la surveillance exercée au plan international est la seule protection de cette communauté », estime-t-elle.
Pratiquement, dans n'importe quel pays où ils résident, les bahaïs sont appelés à promouvoir le bien-être de la société. Ils sont en outre enjoints à travailler à côté de leurs compatriotes pour encourager l'unité et établir la paix et la justice. Ils cherchent aussi à défendre leurs droits et ceux des autres par tous les moyens pacifiques et démocratiques.
Hatem el-Hady explique par ailleurs que « les bahaïs ne mentent pas sur leur foi, mais ils sont tenus à s'identifier en tant que tel dans les limites raisonnables de la discrétion et de la sagesse ». Selon lui, il est du devoir de chaque bahaï de combattre inlassablement l'injustice, quelle que soit la victime. Aucune différence ne devrait être faite si celle-ci est coreligionnaire ou non. Néanmoins, « si les droits des bahaïs sont transgressés dans un pays déterminé, le reste de la communauté prie pour alléger les souffrances de leur frères, et œuvre à travers les canaux diplomatiques et légaux pour défendre la cause des bahaïs persécutés », précise-t-il.
De son coté, Peter Aburi explique que les bahaïs à travers le monde n'ont pas un code éthique déterminé pour former un lobby défendant leur droits. « Ils s'associent avec d'autres organisations humanitaires pour aider les peuples dans le besoin, puisque la foi des bahaïs encourage la participation active et universelle pour construire un monde meilleur », ajoute-t-il.
Identité et unicité
Considérant l'Organisation des Nations unies comme « un progrès majeur vers l'unification de la planète », les bahaïs soutiennent ses activités par tous les moyens. La Communauté internationale bahaïe a depuis 1948 le statut d'ONG auprès de l'ONU. Depuis 1970, elle est dotée d'un statut consultatif auprès du Conseil économique et social (Ecosoc) et du Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef). Elle entretient également des relations de travail avec l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et est associée au Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE).
D'autre part, l'une des spécificités majeures des bahaïs réside dans le fait qu'ils viennent d'un background racial, religieux et ethnique varié. « Nous sommes présents dans plus de 100 000 villes et villages dans le monde. Géographiquement, nous sommes la deuxième religion la plus étendue sur la planète », explique M. el-Hady.
Au Kenya, précise Peter Aburi, la Constitution garantie la liberté du culte. Ainsi, la communauté bahaïe est totalement intégrée dans la société kényane et participe activement à une multitude de projets à caractère éducatif et développemental. « Les bahaïs sont engagés dans toutes les activités qui visent à transformer positivement la société dans laquelle ils se trouvent », ajoute-t-il pour expliquer comment vivent les fidèles dans les pays où ils ne sont pas persécutés et où ils peuvent vivre en paix.
« L'identité des bahaïs ne s'assoit pas sur des traditions particulières. Comme le reste de l'humanité, notre identité fondamentale est spirituelle. Nous la partageons avec toute la société. Nous n'essayons pas de préserver une identité spécifique, mais au contraire de construire une identité partagée avec toute l'humanité », déclare Hatem el-Hady.
« Sur le plan collectif, cette identité partagée, de nature spirituelle, permet d'appréhender l'humanité dans son unicité. Elle permet non seulement de surmonter les différences liées à notre naissance ou notre éducation, mais elle incite aussi à l'action en rassemblant et en favorisant la coopération, les échanges et l'émergence de communautés. C'est uniquement ainsi que les êtres humains pourront s'acheminer vers le double objectif pour lequel ils ont été créés : développer leurs capacités personnelles et contribuer au progrès de la société. Le principe de l'unicité de l'humanité témoigne de notre réalité essentielle », conclut Sophie Ménard.