Sur l'avion de la MEA qui le transportait à Rome, le patriarche a dû, comme d'habitude, et avec une étonnante simplicité, se prêter aux souhaits de ceux qui cherchaient à se faire photographier avec lui. Les stewards et les hôtesses n'étaient pas les moins enthousiastes à le faire.
« Les Églises catholiques ». Il faut comprendre ces termes dans le sens numérique, non générique. La Christ n'a fondé qu'une seule église. Mais ses apôtres, obéissant à son ordre de mission, et au gré des persécutions vécues dans les premiers temps de l'église, se sont dispersés aux quatre coins du monde connu, pour annoncer la « bonne nouvelle » (c'est le sens originel du mot évangile) de la résurrection. Pierre a fondé l'église d'Antioche, dont se réclament les maronites. Marc a fondé l'Église d'Alexandrie, dont se réclament les coptes, André celle de Constantinople, Thomas celle d'Irak, etc. C'est ainsi que naquit l'Église une et diverse, à une époque où les communications entre les communautés chrétiennes naissantes se faisaient par lettres, dont les plus éminentes, mais pas les seules, sont celles qu'écrivirent les apôtres qui les fondirent.
C'est ce même aréopage d'apôtres et celui de leurs successeurs qui se réunissent aujourd'hui à Rome, « avec Pierre et sous Pierre », pour comprendre comment ils peuvent poursuivre leur mission. De message, il n'y en a qu'un, c'est celui de la Résurrection. Mais de moyens, il y a beaucoup, car les temps ont bien changé.
Les défis sont connus et, dans certains cas, ils se radicalisent chaque jour un peu plus. Ce sont ceux que l'histoire contemporaine a lancés aux minorités chrétiennes au Moyen-Orient, chaudron d'ambitions, de tensions internationales, où les idéologies, les religions, les intérêts économiques, sans parler de cette « fitna » qui pointe, s'entrechoquent en un immense, mais réel « stratégo ».
Ces défis sont aussi bien politiques qu'économiques et culturels. En fait, il n'y a pas discontinuité entre ces enjeux. Ils communiquent entre eux et se développent par chaînes causales interdépendantes. La Palestine, cause première, l'Iran de la révolution islamique, cause seconde, l'énergie nucléaire à des fins pacifiques ou militaires, la catastrophique croisade d'Irak, les convoitises pétrolières, l'islam militant et violent, même contre d'autres islams, l'expansionnisme d'Israël sont autant de défis que les chrétiens doivent décider de relever, s'ils veulent rester dans cette partie du monde où la main du Père les a plantés.
Certains de ces défis sont purement culturels. C'est le cas de ce relativisme éthique qui débilite la pensée et la conduite chrétiennes dans le monde entier, y compris au Moyen-Orient, et délite les élites aussi bien que les masses. D'autres sont religieux : sait-on qu'un habitant d'Arabie saoudite sur quatre - la main-d'œuvre immigrée - est chrétien ? Pourtant, pas moyen de construire une église dans cette terre d'islam. Ailleurs, là où l'islam fait preuve de tolérance, le rigorisme surgit. Voyez au Koweït ou en Turquie. D'autres encore sont purement politiques, tels ces régimes où la « pensée unique » a remplacé la pensée, et où ni la foi ni la raison ne parviennent à prendre leur envol.
C'est ce principe de solidarité universelle qui réunit aujourd'hui des Églises venues droit des apôtres, pour réfléchir aux urgences du moment, à cet exode continuel qui vide la région de sa substance chrétienne. Ce sera, à partir de dimanche, un seul corps qui réfléchit, par-delà les diversités et le champ immense que sont le milliard de catholiques vivant sur la planète.