» J'ai dû constamment me battre avec mes producteurs français pour imposer un film hors normes, sur un sujet difficile, une personnalité complexe, controversée. Je me suis aussi beaucoup battu pour leur imposer un tournage au Liban contre lequel on nous a maintes fois mis en garde. Chaque fois, le film en est ressorti plus fort, et aujourd'hui l'évidence s'impose qu'au-delà de la qualité de l'implication de toute notre équipe libanaise, ce film aurait été impossible sans la variété de décors, de paysages, que nous offrait le Liban.
« Cela m'a appris une leçon : celle de ne pas transiger, de ne pas chercher les compromis. C'est la raison pour laquelle je ne suis pas parmi vous aujourd'hui. Voyez-y la marque de mon respect pour le public libanais. Voyez-y la marque de mon respect pour mes amis et collaborateurs libanais.
« On me dit qu'avant même sa projection, ce film suscite la polémique. On m'accuse de prendre position, de ne pas avoir fait un film objectif. Je vous demande simplement de le regarder d'abord et de le juger ensuite. J'en suis l'auteur et le réalisateur, j'assume également, avec le journaliste Stephen Smith, une bonne partie de la recherche historique qui l'étaye. Je n'ai aucun engagement politique personnel dans des affaires très anciennes et dont les enjeux ne sont pas les miens.
« Je n'ai eu d'autre souci que la précision des faits, ceux-ci la plupart du temps fondés sur des témoignages de première main, les comptes-rendus de la presse de l'époque, les travaux des historiens : pour l'essentiel, je n'ai rencontré aucun document publié qui contredirait, de façon sérieuse, crédible, notre lecture des opérations auxquelles a été mêlé Carlos.
« Pour les zones les plus controversées, ou les plus mal connues, pour les faits les plus sensibles, j'ai tâché de ménager les différentes hypothèses, et de laisser le spectateur libre de se faire son idée. Cependant il s'agit ici d'un film de fiction mettant en scène des acteurs, de la reconstitution d'une époque déjà lointaine, de dialogues écrits et relevant de la dramaturgie. Il faut donc prendre en considération la liberté qui est celle du dramaturge essayant de donner une dimension humaine à l'histoire, de l'universalité à un destin.
« J'espère avoir fait un film qui dépasse les anecdotes de la vie d'Ilich Ramirez Sanchez, qui place dans leur juste perspective les polémiques vieilles de plus d'un quart de siècle entourant sa personne, pour atteindre au plus simple d'une vérité, celle de la façon dont le temps s'écoule, le monde change, et où l'histoire, cruellement, dévore les individus et leurs idéaux. »
À la lumière de ce qui précède, il serait peut-êre temps, pour nous Libanais, de commencer à distinguer l'art (dans toutes ses formes) de la politique...