À Beyrouth, le moindre carrefour est une prise de risque pour chaque automobiliste. Priorité non respectée et incivilité font partie intégrante du conducteur libanais. D'où vient cette négligence ? Pour le président de la YASA, Ziyad Akl, c'est le système tout entier qui est à revoir. « Personne ne passe le permis au Liban puisqu'il suffit de l'acheter pour l'obtenir », explique-t-il. En clair, le système serait totalement corrompu, selon le responsable de l'association.
Les Libanais sont d'accord sur ce point : il est plus facile d'acheter son permis plutôt que de passer un examen. Une des principales causes des problèmes de la circulation au Liban serait cette forme de corruption déguisée. « Quand j'ai voulu inscrire mes enfants dans une auto-école, le moniteur m'a vendu un permis de conduire en me disant que c'est moi qui allais leur apprendre », témoigne une mère de famille.
En clair, l'examen pour l'obtention du permis de conduire n'existe pas. Selon plusieurs témoins interrogés, les plus honnêtes qui veulent passer l'examen sont sûrs de ne pas l'obtenir. La raison ?
Les moniteurs préfèrent qu'on leur paie un « pot-de-vin ». Pour un permis estimé à 400 000 LL, près de 260 000 LL reviennent à l'État et le reste serait redistribué dans divers réseaux encore mal identifiés. Pour Ziyad Akl, la classe politique se sert du permis de conduire pour gonfler ses fins de mois. « La majorité des hommes politiques libanais sont corrompus jusqu'au cou, et, de ce fait, on ne peut pas compter sur eux pour régler cette situation dramatique », s'exclame-t-il.
Un nouveau permis de conduire ?
Annoncée depuis cinq ans, la réforme du permis de conduire à points verrait le jour à la fin de l'année 2010. Elle instaurerait la mise en place d'un permis à points, comme en Europe, des points qui seraient progressivement retirés en cas d'infractions plus ou moins graves. L'information est à prendre avec prudence tant les démarches pour réformer le code de la route sont lentes et difficiles. Le ministre de l'Intérieur, Ziyad Baroud, qui a pris l'initiative de ce projet, lutte pour mettre en place ce qui pourrait être la panacée de la sécurité routière au Liban. Pour Ziyad Akl, le problème n'est pas la volonté, mais la mise en œuvre d'un tel projet. « Comment voulez-vous que les politiques appliquent un projet qui leur ferait du tort ?
s'interroge-t-il. Peut-être faudrait-il qu'ils soient, non plus conduits par un chauffeur, mais bien à la place du conducteur pour qu'ils voient ce que signifie conduire au Liban. »
La création d'un nouveau permis à points permettrait d'instaurer la crainte de l'infraction dans l'esprit des Libanais. Seul problème, les forces de police doivent être en mesure de sanctionner tout comportement illégal. Est-ce le cas aujourd'hui ? Non. Si quelques policiers distribuent des contraventions, l'impunité reste de mise concernant la sécurité routière. Le ministre de l'Intérieur projette aussi d'augmenter et de mieux former les Forces de sécurité intérieure (FSI) à la gestion du trafic routier. Pour Ziyad Akl, « les municipalités doivent bouger et prendre cette affaire au sérieux ». Reste à savoir si ce projet est voué à bouleverser les habitudes de conduite au Liban ou s'il ne sera qu'un nouveau coup d'épée dans l'eau.