Encre sur papier de Maryam Goreyshi. (DR)
L'accrochage est signé par des jeunes artistes établis en Iran, qui ont poursuivi leur cursus artistique à Téhéran et continuent à y afficher leur travail. Toutefois et grâce à leurs curateurs, « Under the Radar » - nom de leur exposition - a voyagé de la galerie 66 à Téhéran à celle de Running Horse, en passant par la galerie JTM (Paris) pour faire connaître ce concentré d'énergie prêt à exploser (dans le sens constructeur).
Éros et Thanatos
Pour Léa Sednaoui, tête chercheuse de talents et qui gère cette galerie d'art contemporain depuis plus de deux ans déjà, il était important de « mettre l'accent sur le rapport qui s'établit sur papier (support choisi par certains artistes) entre l'individu et son monde intimiste, d'une part, et "l'extérieur", de l'autre. Une sorte de réalité distordue, devenue opaque, habitée par des figures à la fois humaines et animales. Un langage visuel intéressant, particulier à une société mais qui, grâce à l'intelligence de l'art, transcenderait toute frontière. » Ce à quoi répond d'ailleurs Ali Bakhtiari : « La création artistique peut illustrer avec authenticité une époque donnée et y décrypter la société. En passant en revue le travail de ces artistes, j'ai pu relever certains éléments en commun : un chaos et une technologie sombre et obscure qui traduiraient une sorte de dépression urbaine contemporaine. »
C'est en effet principalement sur papier, rappelant un journal intime, mais évoquant aussi l'écriture, premier moyen d'expression de l'homme, que Mahta Saghafi, Elnaz Mostafayi, Maryam Goreyshi, Shahpour Pouyan, Asareh Akkasheh et Hamidreza Andarz griffonnent, crayonnent, barbouillent ou même badigeonnent leurs questionnements.
Visages d'humanoïdes, formes anamorphiques, figures chaotiques, mais également sexualité avortée, inexprimée, phagocytée par un État coercitif, cette vision de l'univers est traduite par traits énergiques et teintes fortes d'une part et de l'autre, par un noir et blanc angoissant qui contraste avec ce camaïeu orangé, paisible, voguant vers la lumière.
Éros et Thanatos, deux divinités qui semblent omniprésentes dans l'Iran d'aujourd'hui et présentes dans les œuvres de ces artistes, dit Pia Copper. Si Éros (l'amour), d'après la Théogonie d'Hésiode, est une divinité belle, immortelle, qui « dompte l'intelligence et la sagesse », n'engendre pas, mais permet à Chaos et Gaïa de le faire, Thanatos, lui, est la personnification de la mort.
Il semblerait donc, à travers le travail de ces artistes émergents de la plate-forme artistique moderne, que la sexualité et la mort amorcent une danse morbide, néanmoins élévatrice.
* Jusqu'au 23 octobre. Ouverte du lundi au vendredi, de 11h00 à 19h00, et le samedi, de 14h00 à 19h00.