Le gouvernement russe avait introduit à l'origine cet embargo du 15 août au 31 décembre 2010 pour contenir la hausse des prix engendrée par l'effondrement des récoltes en Russie en raison de la canicule et de la sécheresse de l'été. M. Poutine avait néanmoins prévenu que cette mesure d'exception, qui avait provoqué une hausse importante des cours mondiaux du blé, pourrait être étendue. Le Premier ministre a expliqué hier avoir pris la décision de prolonger l'embargo jusqu'aux récoltes de 2011 pour ne pas « générer des anxiétés inutiles, pour assurer la stabilité et la prévisibilité (...) pour tous les acteurs du marché ». La Russie est le troisième exportateur mondial de blé. Selon les experts, l'annonce de M. Poutine n'est pas surprenante. « Ce que tout le monde attendait est arrivé », a jugé Andreï Sizov de SovEcon, un cabinet moscovite de consultants spécialisés dans l'agriculture. Selon lui, l'embargo ne sera pas levé avant juillet 2011 lorsque les récoltes dans le sud du pays commenceront et que le gouvernement aura une idée des stocks de céréales. La Russie a été frappée par une sécheresse record qui dure depuis avril et qui a été aggravée en juillet et août par une canicule sans précédent accompagnée d'énormes incendies de forêt. Le gouvernement a abaissé à 60-65 millions de tonnes sa prévision de récolte de céréales pour 2010, contre 95 millions de tonnes initialement prévues.
Malgré l'entrée en vigueur de l'embargo, le pays voit ses prix alimentaires augmenter nettement. « Dans plusieurs régions, il y a des signes d'une hausse des prix et de pénurie de plusieurs produits », a reconnu hier le président russe Dmitri Medvedev, cité par les agences russes. « Selon les spécialistes (...) tout cela a un caractère spéculatif », a-t-il cependant assuré. Le président a alors ordonné aux dirigeants des régions russes de surveiller les prix, en se rendant dans les magasins et dans les marchés, selon Interfax. « Les gens comprennent que cette frénésie (des prix), c'est de la spéculation », a déclaré M. Medvedev qui s'est lui même rendu dans des magasins de la région de Saratov (Volga). « Malgré la chaleur anormale et la sécheresse, notre pays possède suffisamment de réserves », a-t-il affirmé.
Les autorités cherchent à rassurer la population russe qui se souvient encore des graves pénuries de produits alimentaires qui ont frappé l'Union soviétique, en particulier dans les années 1980.
Par ailleurs, le vice-ministre russe du Développement économique Andreï Klepatch a revu lundi à la hausse ses prévisions d'inflation pour 2010 jusqu'à 7,8 %, au lieu des 6-7 % annoncés précédemment. Hier, le vice-président de la Banque centrale de Russie (BCR), Alexeï Oulioukaïev, cité par l'agence Interfax, a de son côté indiqué que la hausse de l'inflation en raison de la sécheresse s'étalera encore sur six mois ou un an. La hausse des prix est de mauvais augure pour les autorités russes qui se targuaient depuis l'année dernière d'être en passe de la dompter. En 2009, l'inflation s'était élevée à 8,8 %, contre 13,3 % l'année précédente.