Depuis les années 70, des discussions existent concernant un éventuel projet de transports publics maritimes. Près de 30 ans plus tard, deux bureaux d'architecture, les norvégiens StudioHP et LEFT architects de New York, développent plus concrètement l'idée. Un groupe s'est inspiré de cette solution pour aborder d'autres aspects de l'urbanisation des côtes libanaises. Entamé en 2007 comme projet de diplôme de master présenté par Frédéric Karam et Léonard Gurtner à l'École polytechnique de Lausanne (voir aussi L'Orient-Le Jour du 26 janvier 2009) Elhub est aujourd'hui un pool de recherche plus large rassemblant artistes, chercheurs, architectes et paysagistes.
Comme son nom l'indique, Elhub propose le développement de hubs sur l'eau qui accueillent et encouragent le transport par la mer, mais aussi servent d'attracteurs pour plusieurs moyens de transport, soulageant ainsi la côte de certains nœuds routiers. Les plateformes marines attirent ainsi du monde et sont une opportunité de créer des points côtiers respirables dans les zones congestionnées ou pour dynamiser les moins prisées, renforçant ainsi le rapport urbain avec l'eau. Car, en regardant de près, on constate que le Liban pourrait grandement bénéficier d'une réconciliation avec sa mer, dans un sens plus urbainement et socialement conscient que de tourner ses bâtiments vers l'eau ou de parsemer ses côtes de complexes balnéaires.
Une côte étroite
L'espace plat facilement exploitable n'est qu'une bande relativement fine allant du Sud au Nord déjà très engorgée à des endroits stratégiques : entrées des villes, zones industrielles et commerciales. Coincée entre des sols arpentés et l'eau, la côte n'a d'autre choix que de travailler l'intégration de ses infrastructures avec la mer.
Pourtant, quand on observe la côte libanaise au-delà de sa sururbanisation, c'est la qualité de cette dernière qui pousse à la réflexion. L'autoroute côtière, dont la construction a débuté dans les années 50, a agi, au cours de la densification de la côte, comme une barrière séparant le bâti de l'eau. Il reste alors une bande encore plus étroite entre la route et la mer, devenue industrielle, militaire, commerciale ou no man's land. Ainsi, sur les tronçons les plus urbanisés s'étendent des espaces hostiles tournant le dos à la mer (par exemple Dora ou Ouzaï pour Beyrouth), ignorant le rapport du bâti à l'eau si historiquement important dans notre pays (voir Saïda, Jbeil). Il y a donc matière à revoir les perspectives d'urbanisation côtière qui pourrait aller de pair avec l'idée de prendre la mer pour circuler.
Il est très simple de se représenter les nombreux avantages économiques et sociaux du transport sur l'eau.
Pour les routines journalières, le confort qu'offre un trajet en bateau est important : divers services à bord et sur les quais, vues agréables et plus de temps libre. Le voyageur peut se relaxer, manger, discuter et échanger avec les autres au lieu de pester seul dans sa voiture. Pour d'autres utilisations telles que les loisirs, les soirées, les visites familiales ou le tourisme, le déplacement par
la mer est plus sûr, loin des barrages, du stress lié à la conduite et représente une façon agréable de bouger en groupe. Moyennant des catamarans grande vitesse appropriés, on traverse alors le pays en 2 heures et demie au lieu de 5 heures et demie, ce qui, on peut l'espérer, encouragera la mobilité des travailleurs et des vacanciers du moins le long de la côte.
Ceci étant dit, l'objectif est clair : pomouvoir un projet de développement de stations maritimes.
Des places sur l'eau
Le besoin de mobilité est un besoin commun à tout Libanais, indépendamment de sa classe sociale ou de ses convictions. À l'image des gares ou anciennement des khans, la concentration d'un grand nombre de voyageurs, découlant de ce besoin de déplacement, crée des espaces dotés de particularités intéressantes : lieux d'attente, de passage, de restauration, de demande et d'échange d'informations. Ces endroits deviennent des points de repère, des places ; lieux culturellement très répandus au Liban (« as-seha »).
Tous d'abord les hubs sont conçus pour accueillir plusieurs moyens de transport. Leur emplacement a été choisi en fonction de leur accessibilité compte tenu des infrastructures terrestres et marines existantes. Des espaces dédiés comme des parkings, des arrêts de bus, des points taxi/service ainsi que des endroits opérationnels, tels que billetteries et administrations, sont prévus sur et autour de la plateforme. Les hubs pourraient ainsi soulager les villes d'une certaine dose de congestion due aux nœuds de trafic dans la ville tels que Barbir, Cola, Dora pour le cas de Beyrouth en déplaçant la circulation des infrastructures intérieures aux hubs extrastructuraux.
Les stations sont donc des plateformes sur l'eau, construites par étapes à partir de structures flottantes qui s'ajoutent et s'enlèvent au besoin. Les hubs sont génériques, c'est-à-dire volontairement similaires sur toute la côte pour permettre aux locaux de mieux se les approprier. Parce que, en dehors des espaces commerciaux (restaurants, cafés, kiosques) ou opérationnels, les plateformes sont vides et attendent le sens de l'initiative des Libanais pour animer et mouler leurs espaces : voyageurs, commerces ambulants, véhicules et autres générateurs d'activités. Comme par exemple des plug-ins, vieilles barges réhabilitées allant de station en station et s'amarrant aux plateformes pour accueillir des marchés, des projections et évènements divers.
Les hubs, leur implantation et les voyages sur l'eau fournissent une réconciliation du terrestre avec les qualités bien connues d'une proximité maritime. Le but ultime du projet est que les hubs se transfoment en endroits dynamiques au sein desquels gens, biens et idées convergent, se mélangent et repartent.